Nouvelles crèches/nouveaux espaces/nouveaux termes . Par Laurence Rameau

Puéricultrice, formatrice, auteure

une crèche Itinérannce ludiqueb Koalakids
Comme pour les logements d’habitation, en crèche, faire du neuf dans l’ancien n’est pas toujours facile. Les constructions des crèches ont souvent été faites à partir d’un cahier des charges qui ne correspond plus à ce que souhaitent certaines équipes actuelles.
Les salles sont étroites avec plein de recoins et de séparations ; elles ne communiquent pas forcément entre elles comme s’il fallait éloigner les groupes d’âges différents et éviter qu’ils ne se rencontrent ; les espaces dédiés aux repas des enfants sont à l’opposé de la cuisine, obligeant les équipes à se servir de chariots repas qui doivent circuler dans des couloirs où l’on préfère, de ce fait, que les enfants n’y jouent pas. Des salles supplémentaires aux espaces de jeux habituels et proposant de la motricité, de la lecture ou des activités artistiques, sont trop écartées des salles de jeux habituels pour que les enfants puissent y accéder librement. Les cheminements des enfants ont été pensés en groupe, comme si des petits se donnaient la main pour traverser les halls et les couloirs, avec des portes d’accès vers l’extérieur ou vers des espaces techniques dangereux. L’autonomie des enfants n’a été pensée que dans un cadre très resserré, c’est-à-dire dans une seule salle où tout se fait : le jeu, la toilette, le sommeil, le repas. Sans aucun doute nous pouvons penser que la prégnance de l’hyper sécurisation des petits dans de petits locaux a été le fil conducteur de telles organisations architecturales des crèches. Une sorte de remake, en plus petits, des classes scolaires et des écoles des plus grands.

 Pourtant, un bébé n’a que faire de cette notion de groupe. Il se développe selon deux forces opposées qui fonctionnent ensemble : la sécurité ET l’aventure. L’une ne va pas sans l’autre. Il nous faut donc créer des espaces qui offrent les deux. Une sécurité non « enfermante », une aventure non imprudente. La sécurité est donnée par ces espaces qui, délimités par des mobiliers ludiques, correspondent aux jeux possibles des petits, dans des univers proposant des objets ludiques et où sont installés des adultes, véritables ports d’attache prêts à étayer les apprentissages de chacun. L’aventure est possible par des espaces ouverts permettant à chaque enfant d’aller d’un univers ludique à un autre, rejoignant à chaque fois un port d’attache possible, après avoir osé traverser l’océan qui les sépare l’un de l’autre, mû par son désir d’exploration.
L’architecture de la crèche devient alors tout autre. Le temps des sections, classes, unités, ou autres types de séparation des enfants en groupe d’âges mélangés ou pas est révolu.  On peut de ce fait devenir plus inventif au niveau architectural et créer des espaces qui correspondent aux types de jeux ou d’apprentissages des enfants. La crèche n’est plus ce lieu de séparation des enfants et des adultes. Elle devient cette collectivité dans laquelle chaque enfant peut aller dans des lieux dans lesquels il trouve un port d’attache et un type d’objets spécifiques aptes à nourrir son jeu et que l’on nomme univers ludiques.

 Un palais des bébés qui accueille principalement les enfants qui ne se déplacent pas encore, mais aussi ceux qui souhaitent y retrouver les objets ludiques orientés sur la manipulation sensorielle. A la fois central, accessible, et délimité par sa forme, sa hauteur et les panneaux acoustiques qui le bordent au niveau du plafond, il est aussi un espace de stimulation et de sécurisation pour les plus petits bébés tout autant qu’un lieu d’apprentissage des interactions sociales entre les jeunes et les plus âgés.
Un chantier qui permet d’organiser des jeux à orientation de construction. Construire des chemins, des tours, des maisons, des routes, faire intervenir des engins de chantier ou des camions poubelles intéresse particulièrement les jeunes enfants toujours prêts à détruire et reconstruire.
Un atelier qui offre quant à lui des activités de manipulation fine faisant appel à la dextérité manuelle. Enfiler, emboiter, associer, etc. Tout ce qui permet de jouer à ces jeux qui développent les aptitudes des mains et permettent l’utilisation des outils.
Une bibliothèque ou une médiathèque si l’on veut aller au-delà des livres et qui est pour les enfants un lieu d’apprentissage du langage avec l’ensemble des supports possibles : les chansons, les histoires, les projections, les mini-théâtres, les marionnettes…Ils ne se lassent pas de venir écouter et participer.
Un théâtre qui permet justement aux enfants d’exercer leurs observations du déroulement de leur vie quotidienne et de rejouer les scènes qu’ils apprécient ou qui les impressionnent. Il est possible d’y jouer à la poupée, à la dinette, aux voitures, aux animaux ou encore aller chez le coiffeur ou le médecin.
Un laboratoire qui est l’un des lieux les plus apprécié des jeunes enfants qui font de la patouille avec pleins de matières différentes : de l’eau, de la terre, de la peinture, de la pâte à sel,  des papiers, des gommettes, des crayons, etc. C’est l’occasion pour eux d’apprendre les caractéristiques et les changements physiques des différentes matières tout en jouant aussi à des créations artistiques.
Un gymnase qui offre aux enfants la possibilité d’exercer leur activité corporelle au travers des propositions motrices possibles : courir, grimper, glisser, sauter, et aussi crier, se pourchasser. Ce sont autant de nécessités absolues à cet âge de la vie où tout passe par le corps et où les enfants apprennent à le maîtriser de plus en plus et à développer l’ensemble de leurs capacités innées.
Un jardin qui est aussi un indispensable lieu de la crèche pour accueillir l’ensemble des  univers ludiques possibles et permettre aux enfant d’y jouer, car ce qui se joue à l’intérieur peut aussi se faire, avec encore plus de bonheur, à l’extérieur.

Selon la taille de la crèche, il est possible d’avoir tous les espaces ou pas. Dans ce dernier cas il faut alors mutualiser les lieux. Par exemple le chantier et l’atelier, le théâtre et la bibliothèque, le gymnase et le jardin par exemple. Parfois l’univers ludique sera du domaine du chantier et parfois il sera de celui de l’atelier.  Ce qui compte est de penser à l’ensemble des univers ludiques qui seront proposés aux enfants selon un planning établi dans toute la crèche.  

Les petits apprennent très vite les noms de ces espaces de jeux. Ils finissent par dire qu’ils vont à la bibliothèque ou au laboratoire. Ce qui représente un sens pour eux comme pour nous et ne les abêtit pas dire qu’ils jouent ou sont chez les bébés, les moyens ou les grands, ou pire chez les pirates, les marmottes ou les pandas ! La crèche est une microsociété dans laquelle évoluent enfants et adultes. Il serait bien qu’elle corresponde à une organisation du monde qui soit respectueuse de l’intelligence de tous.  

 
Article rédigé par : Laurence Rameau
Publié le 13 novembre 2023
Mis à jour le 13 novembre 2023