« Jouer à balayer » une préparation à l’école ? Par Monique Busquet

Psychomotricienne, formatrice petite enfance

enfants sac à dos
La question est régulièrement posée :  est-ce que la crèche prépare les enfants à l’école ?
Non, si préparer, c’est faire « comme à l’école », avec l’idée que l’enfant s’habitue déjà aux futures attentes.  Oui, si préparer, c’est accompagner l’enfant dans son développement, au rythme de sa maturation neurologique, psychique, émotionnelle, cognitive en lui apportant une sécurité affective et en favoriser ses explorations ludiques. 
Oui, lorsque l’enfant joue avec un balai, il se prépare à tenir un crayon, dessiner, écrire, se repérer dans l’espace, coordonner ses mouvements, être attentif à ses sensations et gestes.  Il construit le socle de ses futurs apprentissages.
 
A l’école, il lui sera demandé de « savoir » tenir un crayon. Toute manipulation d’objets de toutes tailles est une préparation à cette coordination fine des mouvements des doigts. La qualité de cette motricité fine dépend de la qualité de la motricité plus générale. Ainsi, jouer à balayer, c’est exercer cette motricité dans sa globalité, mobiliser son torse, ses épaules, son coude, son poignet, c’est organiser et ajuster la force et précision de ses mouvements, c’est coordonner ce qu’il voit et ce qu’il fait, c’est  pouvoir affiner sa préhension et motricité fine.
De même manipuler librement de la pâte à sel, jouer à emboîter des duplo, les enlever, les superposer, les cacher dans les meubles de dinette, les mettre dans un sac et « partir en voyage »  sont aussi des étapes préalables à la tenue des crayons, à l’organisation ultérieure du graphisme et d’une feuille de papier, à la capacité de l’enfant à imiter et inventer.
 
A l’école, il sera aussi attendu que l’enfant puisse coller des gommettes ou dessiner à l’intérieur d’un rond. Pour cela, il lui est nécessaire d’avoir intériorisé la notion de dedans/dehors. Les jeux dans lequel il peut vider, transvaser, remplir ou lui-même entrer, sortir (carton, bassine, maison...) sont les meilleurs moyens pour intégrer ces notions en profondeur.
 
Il sera attendu qu’il dessine un bonhomme, d’abord têtard puis de plus en plus élaboré. Il le pourra s’il a suffisamment conscience de son corps et de lui-même. C’est parce que l’enfant a été suffisamment porté, touché et qu’il peut explorer librement sa motricité, que se développe cette connaissance et représentation de lui-même, plus profondes que la simple connaissance du nom des parties du corps.
 
Jouer librement, pousser une chaise, faire rouler des voitures, grimper, circuler sur un camion ou un vélo, c’est aussi s’organiser dans l’espace, et pouvoir progressivement y prendre des repères (le près, loin, devant, derrière, dessus, dessous…). Cette connaissance corporelle de l’espace permettra à l’enfant d’avoir des repères dans l’école, la classe, savoir où mettre et retrouver son manteau, ses dessins, les puzzles…
 
C’est dans l’ensemble de ces explorations et manipulations libres, sans objectif de résultat ou de production, que l’enfant vit dans son corps et intègre en profondeur les connaissances sensorimotrices, bases d’une intelligence et pensée ultérieures abstraites.
Il acquiert des connaissances sur les caractéristiques des objets qui l’entourent, les notions de petit, grand, léger, lourd, dedans, dehors, pareil, pas pareil. En manipulant (prendre, jeter, lancer, aligner, superposer, encastrer…), il enregistre également les effets de ses actions et les réactions des objets. Il apprend les bases de la « physique et des mathématiques.
 
A l’école, il sera également attendu de l’enfant qu’il écoute, s’intéresse à ce que disent les adultes de l’école et réponde à des consignes simples. Cela nécessite une longue construction du langage, de la communication et des interactions. Toutes les paroles qui lui sont adressées, dans les premiers mois et années, de façon ajustée à ce qu’il vit et sent, participent à sa connaissance du vocabulaire, mais aussi à sa compréhension de rôle du langage. Toute l’écoute dont il aura pu bénéficier, de ce qu’il exprime à la fois par son corps et par ses mots, lui permettra de pouvoir s’exprimer et demander à son tour.
 
La qualité des journées d’école dépend aussi de la façon dont l’enfant a pu construire son sentiment de sécurité intérieure, de sa confiance en lui et en les autres, de ce qu’il a vécu comme interactions avec des adultes protecteurs, bientraitants, attentifs, dignes de confiance. Avoir été suffisamment rassuré, apaisé, consolé, par sa famille tout d’abord et par les adultes qui ont pris soin de lui, avoir été accompagné dans ses émotions, avoir pu expérimenter ses propres capacités et son autonomie grandissante, permet à l’enfant à 3 ans de commencer à « s’automaterner » (comme disait F. Dolto)
Avoir pu également expérimenter l’alternance de l’absence et des retrouvailles, avoir expérimenté qu’il est possible de différer, d’attendre, de partager, avoir expérimenté les interactions avec les autres enfants, les  « chacun son tour », les faire côte à côté puis ensemble, la possibilité de dire non, permettra à l’enfant de se sentir en sécurité dans un groupe d’enfants.
Avoir pu intégrer les « non » dits par  les adultes et par les autres enfants, les interdits et les règles, le respect de soi et des autres, lui permettra de se sentir suffisamment bien à l’école et d’y poursuivre ses apprentissages, avec curiosité et plaisir.
 
Oui, les premières années de l’enfant sont une préparation à l’école, dans le sens de construire des fondations solides et de qualité. Le développement des acquisitions ultérieures sera d’autant plus fluide. Ainsi, préparer l’enfant à l’école, c’est répondre aux besoins de l’enfant là où il en est aujourd’hui, et non là où il en sera « plus tard ».  C’est lui permettre de construire sa confiance en lui, en ses capacités, en sa capacité à chercher, à apprendre et à demander quand il en a besoin, à savoir dire oui et non, si nécessaire.
 
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 04 juin 2023
Mis à jour le 14 juillet 2023