Quels effets immédiats ou durables du rapport de l’IGAS ? Par Monique Busquet

Psychomotricienne, formatrice petite enfance

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bébé
Un rapport qui rend plus visible la petite enfance, déclenche des vagues médiatiques et en soulève tant d’émotions fortes et contrastées, mélanges de colères, de peurs, d’incompréhensions, d’espoirs. Un rapport qui participe à libérer la parole, provoquer des débats et qui je l’espère, amènera une plus grande attention de tous, et prise en compte des besoins des jeunes enfants et des professionnels aux côtés d’eux.

Soulagement que soit enfin reconnu ce que crient les pros depuis si longtemps : détérioration des conditions d’accueil des enfants et de travail, pression de rentabilité difficilement compatibles avec des réponses de qualité aux besoins des enfants, manques permanents de personnels, souffrance et usure des professionnels de terrain comme des responsables, qui font des acrobaties permanentes pour offrir des bonnes conditions d’accueil.

Satisfaction que soit aussi nommée la grande qualité d’accueil de nombreux lieux. J’ai la chance d’être témoin encore aujourd’hui de ce que les jeunes enfants vivent de bon dans une grande partie de nos crèches.  Ils sont nombreux à s’y épanouir, à y être bien-traités, à tirer profit de leurs journées, à  y trouver sécurité affective, accompagnement de leurs diverses émotions et liberté de jeux, d’explorations, de mouvement,  grâce à des professionnels attentifs.

Confirmation de ce que nous savions déjà, des conditions nécessaires à la qualité d’accueil : en particulier, des professionnels « suffisamment formés », et « suffisamment bien accompagnés », « des directions, gestionnaires, financeurs bien-traitants », « suffisamment de temps de pensée, de réflexion en équipe, de réactualisation de connaissances.  C’est le seul moyen pour « se donner sans se perdre », dans ces métiers dits « impossibles » (cf  G.Apell, D. Rapoport, B. Golse).

Surprise des effets que j’ai constatés dès cette semaine, au travers des questions plus fortes que d’habitude des professionnels lors des sessions de formations que j’ai animées : « Nous avons besoin de vérifier que nos pratiques ne sont pas maltraitantes »,  « Comment pouvons-nous amener certaines de nos collègues à modifier leurs façons de faire ? », « Que pouvons-nous faire lorsque nous sommes témoins de paroles ou gestes plus ou moins « violents ».  De réelles remises en question pour certaines, besoin d’être confortées et soutenues pour d’autres, une grande demande de travailler sur les questions d’autorité et des «  violences éducatives ordinaires ».

Conviction renforcée qu’il est indispensable de donner aux parents les moyens de savoir ce qu’il se passe dans les crèches, ce qu’y vivent leurs enfants, comment les professionnelles prennent soin d’eux et le pourquoi de leurs pratiques.  Leur permettre d’entrer et passer du temps dans les lieux de vie, non dans un souci de contrôle, mais néanmoins comme un moyen de découvrir la qualité d’accueil et de s’en assurer.  Leur donner les moyens de connaître les modalités de garantie de la qualité (les formations, les temps de réunions, la présence d’une équipe pluridisciplinaire, d’intervenants extérieurs  lecture, danse, yoga, chants, …, signe d’ouverture).

Réel espoir que ce rapport fasse bouger les lignes en profondeur et durablement…, que les préconisations faites soient suivies d’effets et de choix politiques qui permettent réellement la qualité d’accueil avant la rentabilité financière. Que ce soit un boost pour que chaque gestionnaire soit encore plus vigilant à donner les moyens aux équipes de faire leur travail « suffisamment bien », pour que les professionnels puissent parler plus facilement. Qu’ils retrouvent joie et fierté dans leur travail !
Et surtout que tous les enfants soient réellement accueillis, protégés, accompagnés, selon leus besoins profonds.

 
Publié le 05 mai 2023
Mis à jour le 12 juin 2023