Les Pirates de Cité Marine : une crèche ouverte de 3h30 à 23h45

Fruit de la collaboration entre Cité Marine, une entreprise spécialisée dans la production de plats frais ou surgelés à base de poissons et de légumes, et la Société coopérative (Scop) À l’Abord’âges, la crèche Les Pirates de Cité Marine a vu le jour en novembre 2020. Située à Kervignac (Morbihan), cette structure a pour particularité d’être ouverte de 3h30 à 23h45 du lundi au samedi. Une amplitude horaire conséquente qui permet de répondre aux besoins des salariés de Cité Marine.
Horaires atypiques : l’ADN de la Scop À l’Abord’âges
David Meunier, fondateur en 2008 de la Scop À l’Abord’âges, a dès l’origine affiché la volonté de s’adapter aux territoires et aux besoins des parents. « J’ai créé la Scop À l’Abord’âges sur un constat fait par l’ancien programme Leader + (« Liaison Entre Action de Développement de l’Economie Rurale ») sur le pays Dinan qui avait pour but d’accompagner les femmes dans le retour à l’emploi. Parmi les causes mises en avant de non retour à l’emploi, il y avait l’absence de structures petite enfance et les horaires pas adaptés. Il faut savoir que 60% des personnes habitant sur le pays de Dinan vont travailler à l’extérieur (Rennes, Saint Brieuc, Saint Malo) », explique David Meunier. Et de poursuivre : « Quand j’ai entrepris de travailler sur une structure d’accueil de la petite enfance, les horaires atypiques ont dès le début été au cœur du projet initial. Je souhaitais proposer des structures adaptées à chaque territoire aussi bien en termes d’heures d’ouverture, d’heure de fermeture, de journées d’ouverture sur la semaine et de nombres de semaines sur l’année (52 au lieu des 48 habituelles) ». Aujourd’hui la Scop compte 15 personnes, 20 établissements (certains en horaires classiques), environ 500 berceaux et 235 collaboratrices/collaborateurs. A noter : pour chaque projet développé par la Scop, 1/3 des berceaux sont réservés aux habitants de la collectivité et 2/3 aux entreprises.

Un projet né de la rencontre entre la Scop À l’Abord’âges et Cité Marine
Avant de se lancer dans l’aventure de la crèche Les Pirates à Kervignac, Cité Marine avait acheté des berceaux à la Crèche à l'Abord'âges de Loudéac, commune sur laquelle une de ses usines est implantée. En 2019, les échanges commencent entre le PDG de Cité Marine, Eric Le Henaff, la DRH Céline Leroux et David Meunier. L’idée : proposer une crèche adaptée aux contraintes des salariés de Cité Marine de Kervignac, sachant qu’un certain nombre font les trois-huit. Une enquête est réalisée en amont auprès des employés afin de comprendre leurs difficultés en termes de mode de garde. Pour répondre à leurs besoins, la structure envisagée devait donc proposer une amplitude horaire importante. La crèche Les Pirates Cité Marine est donc ouverte de 3h30 à 23h45 du lundi au samedi, sur 52 semaines. Sur les 36 berceaux, 23 sont réservés à Cité Marine, 7 aux habitants de Kervignac et 6 aux salariés d’autres entreprises. Le succès est au rendez-vous et la crèche ne peut donc pas accueillir tous les enfants des salariés de Cité Marine. La commission d’attribution des places fonctionne avec un système de points : la priorité est ainsi donnée aux horaires atypiques, aux couples qui travaillent à Cité Marine et aux CDI. Pour répondre aux demandes (la liste d’attente est longue !), Cité Marine envisage d’ailleurs d’ouvrir une seconde structure sur Kervignac. Cette fois proposant des horaires classiques pour les salariés qui n’exercent pas en horaires atypiques. 

Une structure financée en PSU
« Parfois, il nous arrive de n’avoir qu’un ou deux enfants avec deux professionnelles donc oui, entre guillemets, ce n’est pas rentable mais l’équilibre budgétaire se fait parce que Cité Marine finance les berceaux de manière importante », explique David Meunier. Et Mélanie Garnier, infirmière puéricultrice et coordinatrice petite enfance à la Scop, d’ajouter : « Nous pratiquons aussi l’accueil occasionnel dans le cadre de notre partenariat public. Le 20 du mois nous transmettons le planning pour le mois suivant et les places disponibles. » A noter que la structure – et toutes celles de la Scop – peuvent également accueillir les enfants des parents intérimaires grâce à un partenariat avec le fonds d’action social du travail temporaire.

Plus de temps pour travailler les projets 
L’équipe de la crèche Les Pirates Cité Marine compte 16 professionnelles. Côté planning, un roulement au mois a été établi et planifié à l’année. « Avec la médecine du travail, nous avons travaillé sur le sujet. L’objectif était d’apporter aux équipes une certaine stabilité dans leur rythme biologique », souligne Mélanie Garnier. Elle précise : « Nous avons fait un test au début à 3 mois puis à 2 mois et finalement, avec les professionnelles, nous avons trouvé l’équilibre à 1 mois. » Et comment les pros vivent-elles ces horaires atypiques ? « Le matin, elles sont 2 à ouvrir et le soir 2 à fermer pour parfois 1, 2 ou 3 enfants. Pour celles qui commencent à 3h30, jusqu’à 8 heures, le rythme est plus calme et comme il y a peu d’enfants, on est sur une dimension d’individualité plus importante. Elles ont aussi plus de temps sur les horaires atypiques pour travailler les projets, préparer les activités du lendemain, décorer la crèche. Les pros qui arrivent après se sentent accueillies », explique l’infirmière puéricultrice.

Une organisation où la souplesse est de mise
A la crèche Les Pirates Cité Marine, pas de temps dédiés à l’arrivée et au départ. Les enfants sont accueillis tout au long de la journée. Actuellement un petit garçon arrive ainsi chaque jour vers 15h30. Un impératif toutefois : les tout-petits qui arrivent à partir de midi doivent avoir déjeuné. Et les premiers départs se font autour de 11h-11h30. « Nous offrons une grande flexibilité aux familles et de fait nous sommes aussi très souples avec les professionnelles - nous travaillons avec elles leur planning - et également dans la prise en charge des enfants », confie Mélanie Garnier. La souplesse vaut également pour les familles qui ont des horaires classiques. « Nous ne leur imposons pas d’arriver avant 9h30 comme la plupart des crèches car nous privilégions le temps passé entre le parent et l’enfant. Le 15 du mois, les parents nous donnent le planning pour le mois d’après », explique la coordinatrice petite enfance. S’il n’y a pas de journée type, les rituels sont tout de même bien présents. « Nous faisons le temps du bonjour au moment où le groupe est constitué en majorité et nous n’oublions pas de nommer les copains qui arriveront après », indique Mélanie Garnier. Les repères étant essentiels, les enfants ont toujours la même chambre et le même lit. Et si la référence à la Loczy n’est pas possible, les professionnelles restent attachées au même groupe d’enfants toute l’année. En l’occurrence, à la crèche Les Pirates Cité Marine, deux groupes ont été constitués (Les Moussaillons et les Matelots), mais comme la structure pratique l’itinérance ludique, à certains moments de la journée, les âges sont mélangés. A noter : les enfants en horaires atypiques sont accueillis dans la même salle.

L’incroyable adaptabilité de l’enfant
Afin que l’accueil soit le plus doux possible pour les tout-petits en horaires atypiques, des variateurs de lumière ont été installés. « Nous avons aussi mis en place un espace sensoriel pour accueillir les enfants dans quelque chose de paisible, sans sur stimulation », précise l’infirmière puéricultrice. A la maison, l’enfant est mis dans une turbulette adaptée au siège-auto afin de faciliter l’installation dans la voiture et c’est le parent accompagné d’une des deux professionnelles sur place, qui le dépose dans son lit avant de partir travailler. « En général, les enfants ouvrent un œil et le referment aussitôt », indique Mélanie Garnier. Et les tout-petits qui s’endorment à la crèche sont également couchés dans cette turbulette. La plupart ne se réveillent pas lorsque les parents viennent les chercher. « Avant de travailler à la Scop, j’étais à mille lieux d’imaginer une telle adaptabilité de l’enfant. Comme il a un parent en horaires atypiques, il a l’habitude et a finalement un sommeil assez lourd », confie la coordinatrice petite enfance. Et d’ajouter : « La problématique se pose surtout pour les enfants du soir qui partent entre 21h et 22h et après 18 mois-2 ans. Des enfants qui ont souvent tendance à vouloir attendre leurs parents. C’est à ce moment que l’on va utiliser nos espaces sensoriels, pour que même s’ils ne s’endorment pas, ils soient dans une atmosphère calme et apaisante. »

Des liens particuliers avec les parents
Avec les parents en horaires atypiques, les relations sont différentes, selon Mélanie Garnier. Les lumières tamisées, le peu d’enfants présents à ces moments-là créent une ambiance particulière, plus calme et plus sereine. Une plus grande disponibilité des professionnelles aussi, et donc des échanges favorisés. « Il peut arriver que les parents soient en difficulté, par exemple lors d’une sieste trop tardive de leur enfant à la crèche qui va décaler le sommeil du soir alors que le parent va se lever à 3h du matin, témoigne l’infirmière puéricultrice, cela amène énormément de discussion. Les parents du soir prennent vraiment le temps. Ils déposent beaucoup plus de choses que dans une crèche classique. L’accompagnement est aussi plus personnalisé. » 

« L’horaire atypique nous bouscule sur ce que l’on sait de la petite enfance et nous demande de toujours réfléchir pour s’adapter constamment aux contraintes rencontrées. La remise en question est permanente. On n’est jamais dans la routine », s’enthousiasme Mélanie Garnier. Et David Meunier de rebondir : « Il y a parfois des contraintes aberrantes. Par exemple, en janvier, la SNCF a changé les horaires de passage de ses trains. Nous avons donc avancé de 15 minutes l’horaire d’ouverture de Graine de Pirate à Dol de Bretagne pour que les parents puissent déposer dans de bonnes conditions leur enfant avant d’aller prendre leur train. » Un changement qui n’était pas anodin, nécessitant une certaine réorganisation mais qui coulait de source pour le gestionnaire de crèches A l’Abord’âges dont la volonté première est de répondre aux besoins des familles. « Nous sommes heureux de rendre service », conclut David Meunier. Tout est dit.
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 06 avril 2023
Mis à jour le 12 juin 2023