Librairie itinérante et accompagnement à la parentalité : le projet réussi d’une EJE

Après avoir exercé dans un foyer départemental de l’enfance, dans une Maison d'Enfants à Caractère Social (MECS), avoir créé un REP itinérant, Bérengère Lebrun a lancé, il y a maintenant 9 ans, Liliroulotte, une « librairie spécialisée jeunesse et accompagnement éducatif » sur roues ! Avec son camping-car, elle va à la rencontre des enfants, des parents mais aussi des professionnels de la petite enfance. Un parcours pour lequel elle a été promue Chevalier de l’ordre national du Mérite.
Du foyer départemental de l’enfance de Versailles à un RPE itinérant en Bretagne
C’est en 2004 que Bérengère Lebrun, aujourd’hui âgée de 44 ans, obtient son diplôme d’EJE. « On me disait que j’avais plus le profil d’éducatrice spécialisée. Mais pour ma part, je trouvais que la formation d’EJE était très riche pour accompagner n’importe quel individu. Toute la partie développement de l’enfant, savoir comment chaque personne se construit, je trouvais que c’est ce qui manquait à la formation d’éducateur spécialisé à l’époque », explique la fondatrice de Liliroulotte. Mais de fait, elle multiplie les stages dans le milieu spécialisé et débute sa carrière au foyer départemental de l’enfance de Versailles auprès d’enfants âgés de 3 à 6 ans. « On accueillait de jour comme de nuit des enfants pour 6 mois, suite à des difficultés familiales, avant qu’ils ne soient réorientés vers d’autres secteurs », précise Bérengère Lebrun. Son mari étant muté en Normandie, elle quitte son emploi et intègre une MECS, jusqu’à fin 2008, où elle prend soin d’enfants plus grands (6-18 ans). Puis, la famille part vivre en Bretagne. Une nouvelle aventure professionnelle s’ouvre : Bérengère est en charge de la création d’un RPE (Ram à l’époque) itinérant sur la presqu’île de Crozon. Elle propose qu’il prenne la forme d’un camping-car mais son idée, qu’elle gardera pour plus tard, est refusée. Elle se déplace donc avec son propre véhicule dans la région et installe le Rpe dans des salles prêtées par les communes. Une période très compliquée pour Bérengère. « J’adorais mon poste, mais les conditions de travail ne me convenaient pas du tout. Je ne me sentais pas reconnue dans mon travail et j’avais l’impression de ne pas mettre en œuvre mes valeurs professionnelles », confie-t-elle. Après un an et demi d’exercice, un congé maternité, elle signe une rupture conventionnelle. Bérengère a déjà en tête un projet…

Allier une librairie jeunesse à un service d’accompagnement à la parentalité
« Le cœur du projet et ce qui l’a fait émerger, c’était le constat que de nombreux parents, et dans tout milieu social confondu, avaient besoin d’un moment ou à un autre d’accompagnement dans l’éducation de leurs enfants. Et j’avais remarqué aussi qu’il y avait une peur de l’institution pour un certain nombre de familles donc l’idée, c’était de créer un lieu éphémère détaché de toute institution qui accueillerait les parents et les enfants », détaille l’EJE. Outre l’offre de soutien à la parentalité, Liliroulotte est également une librairie. « Dans mon métier, j’ai toujours beaucoup utilisé le livre comme support. A l’époque, cela remonte maintenant, en tant que maman, il n’y avait pas tant de libraires, d’où l’idée de coupler une librairie jeunesse à un service d’accompagnement à la parentalité », explique Bérengère.

Un projet très long à monter
Bérengère Lebrun a dû attendre 4 ans et demi avant de pouvoir sillonner les routes du Finistère, et de temps à autres du Morbihan et des Côtes d’Armor, avec son camping-car. Elle a passé une grande partie de ces années à rechercher un financement. Il faut dire qu’à l’époque, les « trucks » tels que les food trucks n’étaient pas légion. Elle reçoit toutefois le soutien de la Fondation Jean Guyomar’ch, recourt au crowfunding (10 000 euros)… et obtient un prêt bancaire de 50 000 euros. Les fonds réunis, elle achète un camping-car, réalise quelques travaux d’aménagement pour créer une atmosphère apaisante et cocooning propice à la détente et aux échanges. Pendant ces 4 années, elle a aussi eu le temps de prospecter. Et avait donc signé des contrats de prestation en amont. Le bouche à oreille a également fait son œuvre. C’est d’ailleurs comme cela qu’aujourd’hui, elle remplit son planning.

Rpe, Mam, écoles, Ime…
« Mon agenda se met en place en fonction des demandes des structures. Je travaille avec les Rpe, les garderies, les écoles, les Ime… On me fait intervenir sur un sujet en particulier auprès de parents, de professionnels de la petite enfance… et à l’issue de mon intervention, j’ouvre ma librairie », indique Bérengère Lebrun. A titre d’exemple, tout récemment, elle s’est rendue dans une Mam pour participer à une soirée autour de la propreté. « Je lis généralement une histoire pour prendre un peu de distance avec le sujet. Le livre est un bel outil de médiation », souligne-t-elle. Concernant plus spécifiquement les professionnels de la petite enfance, elle intervient sur les projets pédagogiques ou sur des thématiques précises ainsi que sur des temps d’analyse de pratique avec des assistantes maternelles une fois par mois. Et dispense également des formations (« La lecture à haute voix »…).

Les relations humaines avant tout
« Ce qui me passionne, ce sont les relations humaines. Mon métier, c’est d’être en lien avec les enfants, les parents, les professionnels. Je rencontre plein de personnes différentes. Les soirées d’échanges, les lectures, cela apaise les gens. Ce qui me plaît aussi, c’est de pouvoir vivre mon métier en mettant en pratique mes valeurs professionnelles. Et puis, la dimension d’observation est intéressante. Je vais sur des territoires différents, je découvre les disparités qu’il peut y avoir et notamment dans les moyens alloués à la petite enfance », remarque la créatrice de Liliroulotte. Et de continuer : « J’aime aussi le fait de bouger, voyager, de ne jamais faire la même chose. Un jour, j’interviens dans une école sur l’anxiété, puis à la sortie de l’école, j’ouvre la librairie. Le lendemain, je suis dans une structure pour une journée pédagogique ». Sans compter les factures, les devis à gérer, l’entretien du camping-car, les commandes de livres à effectuer. Bref, un quotidien on ne peut plus varié ! S’il devait lui manquer quelque chose, ce serait toutefois le travail en équipe qu’elle a connu et apprécié lors de ses premières expériences professionnelles. 

Un parcours « distingué »
Quelle ne fut pas la surprise de Bérengère lorsqu’en 2019, elle reçoit un courrier lui informant de sa nomination au grade de chevalier de l’ordre national du Mérite. « J’ai cru à une blague », se souvient-elle. Et de poursuivre : « Il m’a fallu du temps pour le comprendre et l’accueillir. » C’est finalement le 14 janvier de cette année, que la médaille lui a été remise par le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, lors d’une cérémonie à la Chambre de commerce et d’industrie de Quimper. « Un moment exceptionnel, avec un discours très émouvant de Loïg Chesnais-Girard, témoigne Bérengère Lebrun. Cette médaille m’a permis de me poser et de me rendre compte de tout le chemin parcouru. C’est une vraie aventure. J’ai avancé sur moi en tant que professionnel mais aussi en tant que personne. Il y a douze ans, je ne me serais jamais cru capable d’animer des soirées et de parler en public ». Un parcours qui fait des émules puisque depuis la création de son projet, elle est régulièrement contactée par des professionnels de la petite enfance.
 
Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 28 mars 2023
Mis à jour le 12 juin 2023