Comment faire vivre les droits de l’enfant accueilli en crèche dans sa structure

Marie Defrance, responsable du service petite enfance d’Auxerre a travaillé avec les directrices des EAJE de la ville pour leur donner les moyens de faire vivre les droits de l’enfant accueilli en crèche sur lesquels elles ont travaillé, dans leur structure. Comment embarquer les équipes dans ce projet ? Voici la feuille de route-manager qu’elle a imaginée. Exemples à l’appui car pour elle ces 10 droits ne doivent pas être des recettes  à appliquer et encore moins des principes à imposer aux professionnels  mais des éléments de réflexion à partager en équipe pour faire progresser les pratiques professionnelles et donc la qualité de l’accueil .
 Le rôle de la direction
- Permettre un espace de parole pour aborder les questionnements et/ou interrogations que les professionnels sont susceptibles de se poser sur la mise en place de ce droit
- Être responsable et garant des bonnes postures et pratiques.
- Poser une prescription de travail précise
- Être exigeant sur la préparation de la journée, l’anticipation des actions et la justification de celles-ci.

Une méthodologie pas à pas
1- Présentation du droit pour établir un cadre de référence commun

2- Identifier les idées reçues en proposant un temps d’échanges à l’équipe

3/ Lever les résistances et rendre compréhensible l’intérêt du droit : donner du sens pour comprendre les enjeux
Apporter des éléments de compréhension sur le développement de l’enfant (transmettre les connaissances développementales : donner du sens, comprendre l’intérêt)
• Être clair sur les attentes
• Aborder le positionnement de l’adulte : partir de ce qu’il ne doit pas faire pour arriver aux pratiques attendues
• Identifier les personnes relais et les responsabiliser
• Déterminer des actions concrètes et un planning de déploiement
Le cadre de travail doit être défini de manière précise et concrète. Des consignes doivent être données, les pratiques et postures attendues et les moyens de les réaliser doivent être indiquées par la direction. Rédiger un écrit qui intègre le droit dans chacune des pratiques du quotidien. Il faut offrir les moyens nécessaires à la compréhension des missions pour voir le monde du point de vue de l’enfant :
• Poser des consignes simples, didactiques, explicites. Définir tous les temps de la journée ( ce qui se passe pour l'enfant, ce qui doit être fait  et pourquoi, ce qui ne doit pas être fait et pourquoi . Qu’est ce qui est mis en place chaque jour par rapport à ce droit ?
• Être présent sur le terrain pour évaluer les pratiques
• Mettre en place des entretiens fréquents de soutien et de progrès

4-Evaluer le positionnement de chacun des membres de l’équipe via des entretiens individuels avec des exercices de mises en situation

5- Observer les professionnels en action sur le terrain avec une grille d’observation
(Par exemple pour la fiche n°1 créer une grille d’observation pour mesurer le mouvement, la circulation, vous pouvez par exemple, prendre l’étude d’Alain Legendre en référence et utiliser la même technique

6- Accompagner l’évolution des compétences : montrer par l’exemple, mettre en place des temps de formation continue, mettre en place des binômes de travail

7- Situer la progression, confirmer l’adhésion : faire un état des lieux régulier de là où en est l’équipe par rapport aux pratiques à déployer

8- Valoriser la progression : encourager, féliciter l’équipe

Les points de vigilance
• Ne soyez pas trop ambitieux. Fixez des objectifs atteignables et mesurables car fixer des objectifs permet de se focaliser sur ce qui est le plus important, se motiver.
• Mettez en place des conditions de confiance pour libérer la parole de votre équipe : La co-construction ne peut avoir lieu que si elle est issue d’un dialogue régulier, Réunir les conditions pour l’expression des attentes.
• Mettez en mode projet votre équipe : pour faire émerger des propositions nouvelles, il faut que la personne puisse s’appuyer sur ses compétences, sa créativité, valorisez ce que votre équipe sait faire
• Organiser des réunions d’équipe pour transformer le droit en projet d’équipe : la participation de la personne nécessite une information préalable et adaptée, et cela peut parfois nécessiter de diversifier les modes de communication

Des exemples pour définir le cadre de travail  
 Etre libre de circuler et de bouger car c’est comme ça que mon cerveau apprend
• Quoi faire ?
Pendant le repas, l’enfant peut se lever, chanter, rire, garder son doudou avec lui et lui donner à manger
•  Pourquoi faire ?
Quand l’enfant se lève de table , c’est parce cela génère des tensions dans la nuque et le haut du dos. En lui permettant de se lever, vous veillez à respecter son besoin physiologique

Fiche 2 être libre de jouer sans que l’adulte m’explique comment faire
• Quoi faire ?
Pendant le jeu, l’enfant peut shooter dans un poulet rôti en plastique !
• Pourquoi faire ?
Le cerveau envoie à ce moment-là à la motricité de l’enfant une façon d’explorer qui est en fonction de la forme de l’objet : l’enfant se laisse guider par ce qu’il voit, et cela va lui dicter son utilisation : c’est ce qu’on appelle l’affordance

Etre libre de déplacer, combiner, mélanger tous les jeux
• Quoi faire ?
Pendant le jeu, laisser l’enfant faire rouler sa courgette en plastique sur le garage, ou bien mettre un poupon dans le four pendant qu’il joue à la dinette
• Pourquoi Faire ?
Pour apprendre par le jeu libre :le jeu de l’enfant s’appauvrit si les règles de l’adulte limitent ses possibilités de développement en minimisant ses possibilités d’exploration. L’enfant doit pouvoir explorer tous les objets même ceux qui ne sont pas des « jouets » (par ex: les chaises) et pouvoir manipuler les objets sans contrainte ni « bonne façon » de faire – « détournement» autorisé

Etre pris dans les bras quand je pleure
• Quoi faire ?
Faire un câlin et l’aider à résoudre la situation, car il ne peut la résoudre seul. Les mots à eux seuls n’ont pas encore le pouvoir d’apaiser un enfant qui pleure, les gestes oui. Il est primordial d’apporter une réponse systématique aux pleurs, l’objectif n’étant pas forcément l’arrêt de ceux-ci
• Pourquoi faire ?
En raison de son immaturité cérébrale, l’enfant ne pas relativiser son vécu, ses émotions. Son néocortex n’est pas suffisamment mature. L’adulte doit remplacer le néocortex que l’enfant n’a pas encore suffisamment développé et l’aider à revenir dans une situation de bien-être émotionnel. En ayant un contact physique avec un enfant, vous aller permettre la libération d’ocytocine, l’hormone du plaisir dans son cerveau. En plus de réactiver le lien d’attachement qui vous uni à l’enfant, vous aller ainsi faciliter son bien-être, une décontraction musculaire et sa joie de vivre.

Etre aidé tout au long de la journée et pour tout car je suis dépendant
• Quoi faire ?
Ne pas le laisser faire seul sous prétexte d’autonomie car il est dépendant et ne peut se passer de l’adulte : l’aider pour s’habiller, se déshabiller sil le demande, l’aider à manger, l’aider à attraper un objet etc… et même s’il a 3 ans ! Il est important de se déplacer systématiquement vers l’enfant plutôt que de lui demander de venir.
• Pourquoi faire ?
Il est nécessaire d’accompagner l’enfant dans la gestion de ses émotions et ainsi permettre à son cerveau de maturer dans de bonnes conditions. L’objectif étant de limiter la sécrétion de cortisol et favoriser la dopamine et l’ocytocine

Etre entendu et compris dans mes émotions et mon incapacité à les gérer seul
• Quoi faire ?
Ne pas minimiser les émotions, car les accueillir est la clé pour permettre sa maturité cérébrale.
Mettre des mots sur son émotion et essayer de lui faire comprendre le lien de cause à effet : « je vois que tu es en colère parce que ta tour de légo a été cassée»
Montrez que vous prenez au sérieux ses émotions, par la parole mais aussi les actes
Ex : prévoyez 5 min de plus dans votre planning pour le laisser finir sa peinture si c’est important pour lui
• Pourquoi faire ?
L’enfant de moins de trois ans ne peut pas gérer ses émotions. Ce n’est pas qu’il ne sait pas ou ne veut pas, il ne peut pas. N’a pas la maturation neuronale pour y arriver.
Il est indispensable de faire preuve d’un maximum d’empathie pour l’aider à mieux comprendre ce qui le traverse.

Etre aidé pour m’apaiser car je ne peux me calmer seul
• Quoi faire ?
Quand l’enfant pleure aller systématiquement vers lui et ce quel que soit son âge. Un contact physique l’ enfant, va lui  permettre la libération d’ocytocine, l’hormone du plaisir dans son cerveau et l’apaiser
détourner  les idées (par le biais de paroles, de chansons, de jeux que l’enfant aime tout particulièrement
• Pourquoi faire ?  
L’immaturité cérébrale du tout petit ne lui permet pas de ressentir en même temps du plaisir et du déplaisir, ne lui permet pas d’avoir deux sources d’intérêt en même temps (jeu et repas par exemple). Un enfant a besoin de se sentir aimé, soigné, valorisé et reconnu
Le développement affectif va permettre à l’enfant de comprendre et d’exprimer ses émotions

Ne pas me demander d’attendre, de partager, de comprendre, de réfléchir car j’en suis incapable
• Quoi faire ?
Avoir les jeux en plusieurs exemplaires identique pour favoriser l’imitation et réduire le conflit d’objets, préparer le repas en amont et servir l’enfant dès que l’enfant est assis à table, ne pas imaginer que parce que l’on répète plusieurs fois une consigne à l’enfant elle est comprise, savoir communiquer et comprendre les autres sont deux choses bien différentes.
• Pourquoi faire ?
Un enfant de moins de 3 ans n’a pas un cerveau mature. Il comprend encore assez peu son environnement ; il ne saisit pas forcément que les causes entraînent des conséquences. Il passera des mois, voire des années, à essayer des choses pour voir ce qui se passe.
Il a encore de grande difficulté à inhiber une action en cours.L’enfant ne peut pas appliquer à chaque fois ce qu’il a appris. L’immaturité de son cerveau ne lui permet pas de transposer un apprentissage

Ne pas dire de moi que je suis agressif, capricieux car je ne peux pas être doté de ces intentions à mon âge

• Quoi faire ?
Le rôle de l'adulte est de soutenir, de valoriser, d’encourager en disant par exemple "tu dois apprendre à contrôler tes mains et à ne pas taper car cela fait mal. Je te fais confiance, tu vas pouvoir y arriver".
L’adulte doit se déplacer systématiquement vers les enfants pour les observer et les sécuriser.
• Pourquoi faire ?
L’enfant est dans l’action immédiate, sans possibilité de contrôler et subit des impulsions.  En réalité, les réactions de l’enfant ne sont pas volontaires et ne peuvent donc pas être considérées comme de l’agressivité.
Son impatience et son besoin immédiat vont le conduire par exemple à prendre l’objet de force mais sans aucune intention de nuire.

Comprendre que je ne peux m’intéresser qu’à moi-même car je suis dépendant et que je ne suis pas encore prêt à me socialiser
• Quoi faire ?
Accorder du temps à l’enfant même quand il sait faire des choses seul. Avoir un aménagement de l’espace qui permette l’engagement actif de l’enfant dans son jeu et éviter qu’il soit dérangé. Ne pas lui demander de partager, prêter sous prétexte qu’il est en collectivité  et que ce sont les jeux de la crèche, avoir plutôt les jeux en plusieurs exemplaires identiques.
• Pourquoi faire ?
L'adulte doit pouvoir décoder ce que l’enfant lui demande et lui apporter une réponse régulière et permanente ce qui va lui permettre de calculer son degré de confiance en l'adulte. Avant 3 ans, l'enfant n’est donc pas encore capable de se mettre à la place de l’autre, il voit seulement les choses de son point de vue et est dans l'action immédiate





 
Article rédigé par : Marie Defrance
Publié le 03 avril 2023
Mis à jour le 12 juin 2023