Lancement du plan 2020-2022 contre les violences faites aux enfants
A noter : Pour insister sur l’importance de la parole des enfants, les 22 mesures (voir encadré ci-dessous) proposées sont classées sous 5 grandes catégories formulées à la première personne comme si c’était un enfant qui parlait :
1. Ouvrez les yeux, parlez-moi (mesures 1à 3)
2. Écoutez-moi et agissez (4à 8)
3. Où que j’aille, protégez-moi (9 à 13)
4. Aidez-moi à en sortir (14 à 16)
5. Faites que ça n’arrive pas (17 et 18)
6. Et restez toujours vigilant (19 à 22)
Un plan pour « libérer la parole »
Dans son éditorial ouvrant sur le détail des mesures proposées par ce plan, Adrien Taquet explique :
« De toutes les violences, les violences exercées à l’égard des enfants sont certainement celles qui scandalisent le plus. Elles relèvent du domaine de l’impensable, elles nient le processus même d’éducation, elles portent en elles une injustice qui indigne. Elles nous touchent aussi profondément parce que, lorsqu’elles sont commises au sein de la famille, ce qui correspond à la très grande majorité́ des cas, elles remettent en question un certain nombre d’idées reçues et de valeurs. Il y a sans doute dans le silence qui entoure encore cette violence l’effet d’une sidération et la volonté́ de taire l’insupportable. (…). Les études statistiques et les recherches sur les violences faites aux enfants, si elles se développent, restent encore en decà de ce qui permettrait de saisir le phénomène dans toute son ampleur (…). Ce plan vise d’abord à̀ permettre cette libération de la parole et à porter attention aux victimes de violences, qui qu’elles soient et où qu’elles se trouvent. (…). Ce plan appelle à̀ une mobilisation de toute la société́ et à la modification des pratiques. Il privilégie une vision globale et une articulation des approches : entre le judiciaire, le social, le domaine sanitaire. Ce plan traite aussi des auteurs de violences ou de ceux qui pourraient le devenir. Parce que punir ne suffit pas, il faut aussi prévenir et réparer. »
Des chiffres impressionnants
L’état des lieux en chiffres montre l’ampleur de la tâche à accomplir. En voici seulement quelques exemples.
• En France, en 2018, plus de 52 000 enfants ont été victimes de violences, mauvais traitements ou abandons.
• En ce qui concerne les violences conjugales, 83 % des femmes ayant appelé́ le 3919 ont des enfants. Dans 93 % des cas, ces enfants sont témoins de violences et dans 21,5 % des cas, ils sont eux-mêmes maltraités physiquement
• Selon l’Observatoire national de la protection de l’enfance en lien avec la DREES, 131 mineurs victimes d’infanticide ont eté enregistrés en 2016 par les forces de sécurité. Parmi ces mineurs, 67 sont décèdés dans le cadre intrafamilial, c'est à dire que l’auteur des faits se trouve être un parent. Près de quatre enfants sur cinq des enfants décèdés sont âgés de moins de 5 ans.
Des mesures de prévention en direction des parents
Si le plan annoncé concerne tous les mineurs et s’attachent à libérer la parole des enfants et des adultes témoins ou soupçonnant des actes de maltraitance, il s'adresse néanmoins aussi via un certain nombre de mesures aux professionnels et aux parents des tout-jeunes enfants qui ne savent pas encore s’exprimer en mots.
C’est la cas de la mesure 3 qui s’inscrit totalement dans le travaux de la commission des 1000 jours et aussi dans la Stratégie nationale de soutien à la parentalité de 2018. Ainsi il est précisé que « la prévention précoce est une des actions les plus efficaces pour lutter contre les violences. » D’où la nécessité d’informer les parents avant même la naissance de leur premier enfant et de les alerter sur les conséquences dramatiques d’un secouement ou d’une exposition à des violences conjugales. Des informations qui se retrouveront dans le carnet de grossesse et dans le carnet de santé de l’enfant (c’est le cas sur les risques du bébé secoué, de l’exposition précoce aux écrans notamment depuis 2018.). Et pour l’exposition aux violences conjugales ce sera le cas des 2021 à l’occasion de la dématérialisation du carnet de santé et de son intégration au sein du dossier Médical Personnel (2021)
Aider les professionnels dans le dépistage et le signalement d’éventuels actes de maltraitance.
Les mesures 7 et 8 sont destinées à mieux accompagner les professionnels dans le dépistage et le signalement d’éventuels actes de maltraitance. Les médecins de famille, les pédiatres, les professionnels de santé en général se sentent souvent démunis en face de tels cas. Ainsi, aujourd’hui, seulement 5 % des signalements d’enfants en danger sont réalisés par les médecins. C’est pourquoi d’ici 2022, deux équipes pédiatriques référentes sur les violences faites aux enfants par région seront désignées et bénéficieront d’un financement dédié. Elles incluront à terme des « Unités d’accueil pédiatriques enfance en danger ». Ces équipes auront pour mission de former et soutenir les médecin libéraux. Autre mesure en faveur des pros, celle qui prévoit l’organisation de formations communes dès 2020 pour renforcer la coopération entre professionnels de terrain d’horizons différents. Des formations portant sur le repérage et la prise en charge des violences intrafamiliales faites aux enfants.
L’accès systématique aux antécédents judiciaires des professionnels au contact des enfants
Cette dixième mesure « garantir un contrôle systématique es antécédents judiciaires des professionnels exerçant une activité au contact habituel d’enfants » est celle qui devrait permettre non seulement de limiter les risques d'agressions, mais surtout d’éviter les récidives. Trop souvent un médecin, un enseignant, un éducateur mis en cause dans des cas d’abus sexuels, est tout simplement muté dans une autre ville ou sur un autre poste …. Le plan prévoit non seulement une vraie mobilisation pour que ce qui est déjà prévu par la loi soit effectivement mis en œuvre, mais aussi l’extension des contrôles aux personnes employées au domicile de particuliers pour la garde d’enfants de moins de six ans et leur renforcement pour certaines professions soumises à agrément comme par exemple celle d’assistant familial. C’est d’ailleurs ce que la future réforme des modes d’accueil (ESSOC) prévoit aussi. ( Lire aussi à ce sujet notre article sur le discours d'Emmanuel Macron devant l'UNESCO à l'occasion du 30éme anniversaire de la Convention des Droits de l'Enfant)
L’accent mis sur la maltraitance institutionnelle
Ce que le Défenseur des Droits, Jaques Toubon, soulignait dans son dernier rapport publié en début de semaine (« Enfance et violence : la part des institutions publiques ») est repris dans le plan. Cette onzième mesure intitulée « Mieux lutter contre la maltraitance et les violences en établissements » vise notamment les établissements relevant du champ de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Il s’agit de systématiser les contrôles conjoints départements-État, de mettre en place dans chaque département d’un plan de prévention des risques et de contrôle, dans chaque établissement un plan de prévention des risques et de mobiliser le réseau des 500 correspondants territoriaux du défenseur des Droits pour informer les familles de leurs droits.
Développer les enquêtes et la recherche sur les violences intra familiales et la mort inattendue du nourrisson
C’est notamment l’objet des mesures 19, 20 et 21. Tout part d’un constat : « En France, contrairement à d’autres pays, il n’existe aucune enquête spécifique portant sur les violences commises pendant la période de l’enfance ». Or, elels sont utiles notammment pour mieux ajuster les politiques de prévention. Il est donc prévu « d’explorer la possibilité de mener une enquête en population générale portant spécifiquement sur les violences faites aux enfants, qu’elles soient sexuelles, physiques ou psychologiques. » Mais aussi de « développer des travaux de recherche par le ministère des Solidarités et de la Santé pour une meilleure exploitation des données de l’enquête VIRAGE ( violence et rapports de genre) sur les violences vécues pendant l’enfance.»
Le plan zoome sur les décès d’enfants de 0 à 6 ans résultant de violences intrafamiliales et la mort inattendue du nourrisson. Ainsi « dès 2020, une instruction des ministères à destination des Agences régionales de santé et des parquets permettra la généralisation des protocoles d’organisation territoriale des acteurs, sur la base de la prise en charge des morts inattendues du nourrisson et de l’application des recommandations de 2007 (systématisation de l’information au procureur de la République et des examens médicaux non invasifs utiles). Le soutien soutien psychologique aux familles proposé par les Centres de référence de la mort inattendue du nourrisson sera renforcé.»
Enfin, la Haute Autorité de Santé (HAS) sera saisie sur une éventuelle extension des recommandations aux enfants entre 2 et 6 ans.
Par ailleurs l’Observatatoire des morts inattendues du nourrisson, créé en 2005, sera évalué et soutenu financiérement par le Minsitère des Solidarités et de la Santé. « En effet une étude de 2009 a montré que 50 à 70% des morts inattendues demeuraient inexpliquées. La très grande majorité des morts inattendues d’enfants ne mettent pas en cause les parents et l’entourage pour des faits de violence. Il est cependant important de ne pas passer à côté de ces violences lorsqu’elles existent et sont la cause du décès.»
Les 22 mesures du plan 2020-2022
1. Investir le temps périscolaire en s’appuyant sur les associations.
2. Renforcer la prévention des violences sexuelles à l’école.
3. Porter aux parents des messages de prévention avant même l’arrivée de l’enfant.
4. Renforcer les moyens du n° enfance en danger/119 : objectif zéro appel sans réponse.
5. Améliorer le travail en réseau des professionnels et renforcer les cellules de recueil des informations préoccupantes.
6. Déployer des unités d’accueil et d’écoute spécialisées dans l’ensemble du territoire.
7. Designer des équipes pédiatriques référentes pour repérer, constater les violences et prendre soins des mineurs victimes.
8. Organiser des formations communes des 2020 pour renforcer la coopération entre professionnels de terrain.
9. Renforcer la répression contre les auteurs condamne pour des faits de consultation habituelle, acquisition ou détention d’images pédopornographiques.
10. Garantir un contrôle systématique des antécédents judiciaires des professionnels exerçant une activité́ au contact habituel d’enfants.
11. Mieux lutter contre la maltraitance et les violences en établissements.
12. Lutter contre l’exposition des enfants à la pornographie.
13.Lutter contre les violences sexuelles dans le milieu du sport
14.Garantir à chaque enfant victime une évaluation de ses besoins et l’accès à un parcours de soins gradues.
15. Création de cinq nouvelles unités spécialisées dans la prise en charge du psycho- traumatisme des 2020.
16.Réunir en 2020 les comités locaux d’aide aux victimes au format « lutte contre les violences faites aux enfants ».
17.Expérimenter un numéro unique d’écoute et d’orientation pour les personnes attirées sexuellement par les enfants pour éviter le passage à l’acte.
18. Développer la recherche pour évaluer les actions de lutte contre la récidive.
19. Renforcer les données sur les violences subies dans l’enfance.
20. Mieux déceler les morts d’enfants de 0 à 6 ans résultant de violences intrafamiliales.
21. Soutenir l’Observatoire des morts inattendues du nourrisson.
22. Appréhender les nouvelles formes de prostitution des mineurs.
L’ensemble de ces mesures fera l’objet d’une mise en œuvre et d’un suivi d’exécution en interministériel.