A la crèche Little Paddock, l’anglais fait partie du quotidien

A Saumur, Eloïse Agator a ouvert Little Paddock et Sunny Paddock, deux micro-crèches bilingues. Grâce aux professionnels anglophones qui font partie de l’équipe, les enfants découvrent l’anglais avec facilité à chaque instant du quotidien et s’adaptent à cette nouvelle langue avec une facilité déconcertante… 
Une reconversion professionnelle audacieuse 
Une maman professeur d’anglais, une enfance dans le Pas de Calais à quelques encablures de l’Angleterre, Eloïse a grandi dans une famille bilingue, bercée par la langue de Shakespeare dès sa plus tendre enfance. Alors très naturellement, elle en fait un atout dans sa carrière professionnelle, dans la communication, le marketing, la publicité. Une fois maman, elle tente de transmettre à ses enfants ce goût pour l’anglais mais ce n’est pas si évident… « C’est à cette époque que j’ai lu un article sur une personne qui avait tout quitté pour ouvrir une crèche bilingue à Nantes et le concept m’a beaucoup plu… » se souvient-elle. La petite famille déménage dans le Maine et Loire à la faveur d’une mutation professionnelle et Eloïse a le sentiment d’avoir largement fait le tour de son métier. Elle choisit donc de se reconvertir. C’est décidé, elle va créer une crèche bilingue pour proposer aux familles de Saumur l’environnement anglophone qu’elle a tant apprécié et qu’elle aurait aimé pouvoir offrir à ses enfants dès leur plus tendre enfance. Eloïse présente en 2018 son projet de micro-crèche bilingue Little Paddock, chaleureusement accueilli par le Maire de Saumur. Si dans le nord de la France et dans les régions frontalières les crèches bilingues sont assez répandues, dans le Maine et Loire, il n’y en a pas encore… Pour mieux comprendre la réalité du métier, Eloïse passe son CAP petite enfance. « Me former m’a également permis de découvrir que j’étais très heureuse sur le terrain auprès des enfants ! Quand j’ai imaginé ce projet, je me voyais plus comme une gestionnaire. Mais voilà cinq ans que j’ai ouvert ma première crèche et je participe toujours à l’encadrement des enfants parce que j’adore ça. Et comme je suis diplômée, je peux compenser les besoins des équipes en cas d’absence ou de maladie. »  

En immersion dans la langue anglaise 
A la crèche Little Paddock - petit clin d’œil à l’univers du cheval omniprésent à Saumur - l’anglais n’est pas réservé à quelques temps dédiés dans la semaine. Grâce à des professionnels de la petite-enfance anglophones (à minima un par équipe), les enfants sont immergés dans un bain de langage anglophone presque permanent qui les familiarise rapidement avec les sonorités et le vocabulaire si différents de notre langue. Dans les gestes du quotidien, les consignes données, les comptines chantées, les histoires racontées, on utilise l’anglais aussi bien que le français. Et même parfois jusque dans les transmissions aux parents ! Toutes les activités sont prétexte à découvrir la culture et les spécialités anglosaxonnes : pendant la Semaine du Goût, les enfants ont pu cuisiner des scones ou des pancakes… En 2020, l’équipe a même réussi à tisser un partenariat avec une classe de toutes-petites sections à Oxford en Angleterre, qui va être relancé cette année. De belles rencontres entre professionnels, qui leur ont permis d’échanger sur leurs pratiques, de se transmettre des recettes, comptines et chansons adaptés aux tout petits. 

Recruter des professionnels bilingues
Chaque jour, l’équipe de professionnels de la petite enfance compte au moins une personne anglophone ou bilingue, qui ne s’exprime qu’en anglais. « A Little Paddock, j’ai ouvert avec une américaine et une néo-zélandaise. Aujourd’hui j’ai un français qui parle parfaitement anglais et une britannique » raconte Eloïse. Qu’ils soient français parfaitement bilingues ou anglophones natifs du Canada, d’Australie, d’Angleterre, Eloïse a toujours réussi à recruter les profils nécessaires pour assurer la spécificité de sa crèche, en dépit de la pénurie actuelle de professionnels. Quitte à prendre la problématique à dans l’autre sens : « J’ai une personne que l’on a formée, explique-t-elle. Une britannique qui a passé son CAP petite enfance en candidat libre en faisant sa formation continue à la crèche ! » A Sunny Paddock, la seconde creche qui vient d’ouvrir, c’est une canadienne avec un profil de professeur des écoles, expérimentée auprès des tout petits, qui a rejoint l’équipe. Avec elle, elle espère tisser des liens avec des professionnels de la petite enfance outre-Atlantique…  

« Les enfants comprennent l’intonation » 
Si les plus grands froncent un peu les sourcils au départ en entendant une langue inconnue, tous s’adaptent rapidement à cette nouvelle langue, avec une facilité déconcertante. Non seulement ils n’ont pas plus de mal à s’adapter à leur nouvel environnement, mais ils comprennent très rapidement qu’à la crèche, on entend deux langues « comme deux voix différentes », explique la directrice. Dans les deux crèches, les professionnels utilisent également la communication gestuelle associée à la parole qui vient faire le lien entre les deux langues. « Même un enfant de deux ans et plus qui a déjà des repères en français, parcequ’on parle français à la maison, est rapidement capable de comprendre toutes les instructions qu’on lui donne en anglais et d’avoir des interactions sur des temps de jeu ou de lecture en anglais, même s’il ne vient qu’une journée par semaine à la crèche », s’étonne encore Eloïse. Elle explique que la plupart du temps, les enfants comprennent les questions et interactions en anglais mais s’expriment en français. Que les professionnels anglophones sont également référents d’enfants qu’ils vont tout aussi bien accompagner, consoler, réconforter sans que la barrière de la langue ne se fasse sentir. « Les enfants comprennent l’intonation et l’intention, l’émotion qui passe dans ce qu’on leur dit, rappelle Eloïse. En français non plus les enfants ne comprennent pas tous les mots que l’on emploie ! (…) Je n’aurais pas cru qu’un enfant qui ne vient en crèche bilingue qu’un ou deux jours par semaine, soit capable de mémoriser et utiliser si vite autant de vocabulaire ! » s’émerveille-t-elle encore. Elle observe également que les plus grands se montrent vite capables de faire l’effort de s’adresser à l’adulte anglophone dans sa langue, en employant « please » ou encore « goodbye » plutôt que « merci » ou « au revoir ». Quelle récompense pour l’équipe !  
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 02 mai 2023
Mis à jour le 16 août 2024