Témoignage de Coralie, auxiliaire de puériculture : « Nous sommes épuisés, mal payés, ni écoutés, ni remerciés, ni soutenus »

Coralie est auxiliaire de puériculture depuis 5 ans. Elle a exercé aussi bien dans des structures publiques, privées lucratives qu’associatives. Aujourd’hui, elle est en poste dans une crèche du groupe La Maison Bleue. Suite au lancement de la campagne de valorisation des métiers de la petite enfance qui montre des professionnels souriants et des enfants heureux, elle a souhaité témoigner de la réalité de son quotidien et de celle de nombreux pros.
Des métiers essentiels 
Je m'appelle Coralie, je suis auxiliaire de puériculture diplômée d'état depuis 2018. J'ai travaillé dans de nombreux établissements : association, crèche municipale, publique, groupe privé, crèche parentale, halte-garderie et auprès de toutes les tranches d'âges 0-3 ans. Je suis au cœur du mal être du secteur de la petite enfance : je laisse mon enfant chaque jour pour faire 1h et demi de transport afin de m'occuper des enfants des autres dans les cris, les pleurs, la bave, le vomi, le caca, le pipi, les microbes pour la pauvre somme de 1300 à 1500 euros net (mon conjoint, lui gagne 2500 euros en télétravail sur son ordinateur, un footballeur des millions pour taper dans un ballon). Nous sommes épuisés, mal payés, ni écoutés, ni remerciés, ni soutenus. Pourtant, c'est grâce à nous que la France tourne : sans mode de garde pour leurs enfants, aucun parent ne peut travailler, payer ses factures et ses impôts. Ces enfants, éduqués et préparés à la vie en société et à la scolarité par nous le personnel, représentent l'avenir de la société, c'est notre héritage le plus précieux ! Pourtant dans toutes les crèches, ils sont négligés, maltraités par des responsables qui se remplissent les poches sur leur dos et le nôtre : manque de matériel, de formation des pros, économie sur la nourriture, ajout d'enfants à outrance dans des petites salles mais refusent de recruter plus de pros pour s'en occuper, budget jouets restreint, pas de travaux (peinture, aération, insonorisation des murs, nettoyage, agrandissement) pourtant vital. 

Des professionnels débordés et un turn over incessant
Alors, faire campagne en montrant de jolies images d'enfants qui lisent un livre sagement sur les genoux ou tout mignon qui sourit pendant son repas pour donner envie, c'est mentir.  Car la vérité sur le terrain ce n'est pas ça. La vérité, c'est des enfants plus de 30 minutes dans leurs couches débordant de selles faute de temps pour les changer, c'est des repas à la chaîne dans les hurlements, des bébés paniqués à qui on ne peut pas répondre au besoin primaire de sécurité car on court partout entre accompagnement au sommeil de l'un et change de l'autre, des réunions, l’accueil d'un enfant, gérer la séparation d'un autre. La vérité, c'est des enfants qui se blessent, hurlent de douleur mais on peut pas intervenir car nous sommes seuls avec une quinzaine d’enfants. Le taux d'encadrement (1 adulte pour 5 bébés et 1 adulte pour 8 moyens/grands) n’est JAMAIS respecté et les directrices ont toujours des fausses solutions pour expliquer ça : une surcharge de travail et les pro épuisés, malades s'arrêtent, certains fuient la crèche. Les parents rencontrent une remplaçante tous les deux mois, ils ont peur pour leur enfant. Moi j'ai préféré garder la mienne, jamais je n'aurais infligé ça à ma propre fille. 

Des appels à l’aide non entendus
La vérité c'est que ça fait des années qu'on hurle et que personne ne s'en soucie, jusqu'à ce meurtre d'enfant d'un an dans une crèche à Lyon. Il vous a fallu attendre la mort d'un enfant pour qu’enfin vous preniez connaissance de la vérité. J'ai vu des collègues à bout devenir maltraitants, sans soutien. Pas étonnant qu'on vrille malgré l'amour qu'on porte aux enfants. Ce ne sont pas des plantes qu'on garde mais des petits êtres humains. Nous sommes humaines nous aussi. On assiste à leurs premiers pas, on leur apprend les bases de la vie, on les voit grandir. 

Des métiers qui ne sont pas faits pour tout le monde 
On fait de notre mieux mais ce que vous oubliez dans votre campagne c'est que tout le monde n'est pas fait pour ça, n'importe qui ne peut pas travailler en crèche. Il faut une formation complète et approfondie et plusieurs formations encore par la suite (premiers secours, gestion d'un enfant en situation de handicap, gestion d'un enfant malade en crèche, langue des signes, communication verbale bienveillante, psychologie et développement de l'enfant etc). Les personnes amenées à travailler dans un métier humain doivent impérativement posséder des qualités essentielles à la pratique : empathie, bienveillance, capacités à résister au stress, à l'agacement, la fatigue, s'adapter aux situations, à intervenir en cas d'urgence, bonne condition physique et psychique, créative, logique, intelligente, organisée, capacité à se remettre en question à travailler en équipe, avoir un langage et une attitude professionnelle adaptés au public, se détacher du jugement, être respectueuse, douce, patiente, vigilante etc. Autrement dit, être parfaite, et ça c'est très dur à trouver et à garder. Je n'ai pas connu beaucoup de professionnels dit : Perle rare. Alors traitez-nous mieux que cela, l'avenir de toute la société en dépend. Donnez-nous la reconnaissance que nous méritons le salaire aussi. Mais également plus de vacances, des moyens financiers pour améliorer les locaux, l'équipement, la prise en charge des enfants en remettant chaque crèche sur le droit chemin. Les enfants viennent à la crèche pour s'amuser et apprendre pas pour être traumatisés. Et nous venons travailler, nous ne voulons plus subir et rentrer chez nous avec la boule au ventre, le dos en compote, les oreilles en sang, les maux de tête, l'épuisement et l'envie de pleurer. Travailler comme cela jusqu'à 62 voire 65 ans (faute de retraite suffisante) ne sera pas possible.

Il est temps de changer, vraiment, maintenant. Je vous ai donné les clés en mains. Au nom de tous les professionnels de la petite enfance qui n'osent pas toujours dire ce qu'il se passe vraiment au sein des crèches, moi je le dis car ce n'est pas à moi d'avoir honte de ce système, c'est à vous. 
Article rédigé par : Coralie Saint Honoré
Publié le 18 avril 2023
Mis à jour le 30 mai 2023

3 commentaires sur cet article

Bonjour je suis moi même Auxiliaire de Puériculture depuis 34ans j ai vue évoluer la profession j ai travaillé dans 3creches différents et là actuellement je suis en poste chez les Bb dans une crèche municipale des hauts de seine de 45lits depuis 23ans ily eu des changements de personnels départ en retraite ,ou d ordre familiale on s en aide on se serre les coudes ,j ai encadré des stagiaires ,des nouvelles arrivantes avec l évolution u métier mon corps souffre le dos le genoux , et le psychiques le salaire n a évolué lui !!!!On nous demande plus ,on remplit les structures on nous dit de faire des économies , en matériel ,en nourriture ,en jeux éducatifs ,des fois on contribue cela m arrive d acheter des jeux en brocante pour compléter certaines jeux manquant ou faire développer des photos des enfants afin que les enfants gardent un souvenir de leur vie en crèche ,on met notre cœur de notre profession mais par moment on est décourager démotiver ,car on exige encore plus surtout en ce moment on nous pointe du doigt car le mal être est là on est fatigué et je ne me vois pas travailler encore jusqu'à 64ans auprès des enfants pour toucher une retraite de misère !!!!je suis descendu dans la rue crier mon mécontentement mais on nous a pas écouter alors je suis résigné à travailler jusqu'à user de mon corps ,
Je voudrais apporter mon témoignage pour dire que non toutes les crèches ne vont pas mal !!!!! Un peu de lecture positive . Je travaille depuis plus de 20 ans . 10 ans dans une crèche associative dans laquelle je me sentais bien et 12 ans dans un eaje de la croix rouge. D'accord il faut se battre pour nos conditions de travail. Dans notre section Bébés il y a 4 professionnelles pour 14 enfants, dans la section des moyens 5 professionnelles pour 18/19 enfants et dans la section des grands 20 enfants pour 4 professionnelles. Toutes les 5 semaines nous avons l analyse de la pratique avec des temps d observation en salle et 2 jours de fermeture de crèche pour formation . Il me paraît juste de dire que je travaille dans une crèche privilégiée lorsque je lis les témoignages La reconnaissance de mon métier je l ai par ma direction, les parents et les enfants. Ok pas par le salaire ! J arrive au bout de ma carrière ravie de mon parcours et nullement épuisée, je vais avoir 62 ans.Ce métier n est pas de tout repos je l admets, c est pourquoi il faut sans arrêt repenser notre savoir faire et savoir être, la juste posture de l adulte. Notre métier est un métier qui bouge et c'est dans l échange avec les autres direction psy professionnelles que j arrive à me sentir bien dans mon métier. Et bien sûr je suis d accord pour se battre soit pour garder ces conditions de travail ou pour les améliorer.
Pour avoir travaillé 10 ans dans une grosse structure, j’ai moi même connue ces conditions de travail, le manque de personnel etc … j’ai fais un burn out en 2020 mais bizarrement pas pour ce genre de problème. bien entendu c’est forcément entré en jeu dans l’épuisement, mais c’est surtout qu’après la naissance de mon aînée, j’ai ouvert les yeux sur des choses qui mon réellement choquée. Cets un peu la facilité, je trouve, de dénoncer sans cesse les conditions de travail (attention cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas là matière au débat), ça permet aussi d’avoir la conscience tranquille en remettant tout sur le dos du système. Bien entendu c’est une honte de voir des structures avec un nombre d’enfants hallucinant (nous étions 5 dans in services de grands de 48 enfants, quand toutes les filles étaient là et sans compter les vacances de chacune). En revanche, question salaire pas de grande surprise, tout ce qui touche au social, à l’éducation ou domaine de la santé tout le monde le sait on ne choisit pas ce métier pour son salaire mais plutôt par vocation. Cela n’empêche en rien la responsabilité qu’il en va je vous l’accorde. Ce qui me révolte (et c’est bien là ce qui me touxhe au plus profond et qui a mit fin a ma carrière dans ce milieu) c’est d’entendre dire qu’on pousse les professionnelles à être maltraitantes car elles n’ont pas le choix. C’est bien trop facile comme défense et cela n’excuse en rien les mauvais traitements que certaines peuvent faire subir aux pauvres enfants. Oui c’est dur de changer des enfznts à la chaîne mais ça n’empêche en rien d’avoir des gestes bienveillants et une parole à l’enfant. Oui c’est dur de devoir gérer parfois plusieurs repas en même temps mais ça n’excuse en rien le fait d’enfoncer une cuillère à un enfant qui n’a même pas fini d’avaler. Laisser pleurer des enfants car on perd patience, alors que bien souvent une simple parole prouve juste à l’enfant qu’on a entendu sa peine. On déplore les conditions de travail des pros mais les premiers à devoir être plaint ce sont de loin ces pauvres petits bouts qui, eux, n’ont rien demandé. On devrait réévaluer les diplômes, je suis certaines qu’il y a de très bonnes professionnelles, qui travaillent dans des conditions toutes aussi rudes mais qui restent pourtant bienveillantes et humaines. Oui le système est une honte, on ne devrait même pas se soucier qu’il puisse arriver quelque chose à notre enfant en le déposant le matin. La question de la maltraitance ne devrait même pas se poser, tout comme dans les Ehpads. On choisit notre métier, pour des conditions qui ne sont pas tjs respectées, mais qui ne devraient en rien entraver les bons gestes. On travaillaient toutes dans les mêmes conditions et pourtant, on avaient pas toutes la même attitude envers les enfants. Et ça, ce n’est pas normal.