A Versailles, le château ouvre ses portes à un atelier intergénérationnel
A la découverte d’une œuvre dans la galerie des batailles
Il est 10 heures. Pascale Blanc, EJE et formatrice, auteure du livre « La créativité, un jeu d'enfants - Vers une relation éducative créative, consciente et respectueuse », aux manettes de cette matinée, conduit la joyeuse troupe dans la galerie des batailles et s’arrête devant l’immense tableau La Bataille de Bouvines, d’Horace Vernet, mettant en scène le roi Philippe Auguste devant son armée, quelques instants avant l’affrontement. Elle propose aux seniors de prendre place sur la banquette, en face de la peinture, et aux tout-petits de s’asseoir sur des pièces de tissu posées au sol. « Nous sommes dans la grande galerie des batailles, commence Pascale Blanc, nous allons ensemble regarder le tableau ».
L’EJE sort le matériel qu’elle a apporté dont un pochon dans lequel se cachent des figurines chevaliers, en référence aux personnages de l’œuvre d’art. Elle explique qu’ils portent une cotte de maille pour les protéger. Elle en a d’ailleurs apporté un échantillon que les enfants s’amusent à faire glisser entre leurs doigts et à écouter le son produit. Derrière eux, Mauricette, Betty et Monique n’en perdent pas une miette. Les tout-petits ne sont pas au bout de leur surprise, car comme sur le tableau, Pascale Blanc les invite à manipuler du tissu en velours rouge, du fer, du cuir, des feuilles, une plume de faucon, ou encore du crin de cheval. « C’est comme du cheveu », s’exclame le petit Edouard, qui ne se lasse pas de le toucher. Ou encore à poser sur leur tête une couronne. Les trois résidentes des Jardins d’Arcadie se prêtent au jeu et la coiffe tour à tour. L’EJE a aussi apporté une petite boîte à odeur pour que tous puissent humer la terre, celle que foulent les chevaliers et les chevaux de la peinture de Vernet. Décidément les sens sont en éveil. « Tout cela, ce sont les trésors du tableau », poursuit l’animatrice du jour, qui a également amené avec elle une planche magnétique représentant le tableau avec des pièces façon puzzle, que les enfants positionnent chacun leur tour.
Direction l’atelier de peinture
10h40, il est temps de passer à la suite. Sur le chemin qui nous mène à l’atelier de peinture, Florence (AP), nous confie : « C’est une super initiative pour les enfants, une ouverture vers le monde qui les entoure. Cela leur permet de découvrir la vie par un biais qui n’est pas traditionnel ». Elle ajoute : « L’intergénérationnel, c’est bénéfique pour les personnes âgées car cela maintient le lien à la vie, mais aussi pour les enfants, car elles leur apportent leur expérience. C’est enrichissant pour les deux. Les seniors et les tout-petits font de temps en temps de la cuisine, de la pâte à modeler… ensemble. Ils viennent aussi leur lire des histoires, ils ont beaucoup de patience, ils les prennent sur les genoux. C’est beau à voir ». Son seul regret : que ce soit toujours les mêmes résidents qui participent à ces temps intergénérationnels.
Nous voilà dans la salle qui abrite l’atelier peinture. A la disposition de Mauricette, Betty et Monique, trois chevalets, et pour les enfants : quatre grandes feuilles blanches fixées sur des meubles à leur hauteur. Après avoir enfilé une blouse, chacun peut s’exprimer comme il le souhaite. Pas de consigne ! Les enfants trempent avec joie leur pinceau dans les couleurs proposées et peignent comme bon leur semble sur le support fourni. Ils sont calmes et concentrés. Betty s’approche d’Oscar, il se tourne vers elle. Un échange presque silencieux mais intense. « Nous avons eu un regard… cela m’a touché », s’émeut Betty, qui a grandement apprécié l’expérience. « La démarche est très pédagogique. J’ai trouvé les enfants intéressés. A nos âges, c’est beau de voir la vie qui éclate et ses enfants ouverts à ce qu’on leur propose. Cela m’aide à garder l’esprit, le cœur et les yeux ouverts », glisse-t-elle. Et pour Mauricette, très clairement c’est « à refaire ! ». Monique de son côté peint un arbre, une fleur, un nuage. On sent qu’elle aime ce moment. Cela fait 7 ans, qu’elle réside aux Jardins d’Arcadie. Très active (elle a tricoté des vêtements pour tous les poupons du multi-accueil), c’est toujours elle la première à se porter volontaire quand il s’agit de passer du temps avec les tout-petits. « Dans une maison pour senior, il faut chercher à s’occuper. Je participe à toutes les activités avec les enfants, car c’est un bonheur d’être avec eux. J’aime leur raconter des histoires », indique Monique.
Retour au minibus
Il est 11 heures. L’atelier prend fin. Les blouses sont enlevées, les manteaux enfilés. Il faut maintenant rejoindre le minibus qui attend place d’armes. Valérie Louvancour, la directrice des multi-accueils, est ravie de cette première expérience. « Notre objectif pour 2024, c’est de faire sortir les seniors avec nous. Nous allons essayer de les emmener à l’exposition sur les robots à l’espace Richaud, où nous avons une visite de programmée », informe-t-elle. Car elle est profondément convaincue des bénéfices de ces rencontres intergénérationnelles. « L’année dernière, nous avions des enfants plus ou moins difficiles. Le contact avec les personnes âgées les apaisait. Elles posaient sur eux des regards admiratifs, les complimentaient et cela les transformait », se souvient-elle. Sans compter les retours des parents, qui eux aussi remarquent des effets positifs sur leurs enfants. Outre l’aspect intergénérationnel, Valérie Louvancour a à cœur de proposer des sorties à son équipe. « Nous sortons beaucoup, avons de nombreux projets. Cela participe très certainement au fait que nous ayons zéro absentéisme. En pratique, nous avons acheté des poussettes et même des chevalets pliables pour aller peindre un peu partout dans Versailles », détaille la directrice. « Et si les seniors veulent venir, ils sont les bienvenus ! », poursuit-elle. Un dynamisme que l’on retrouve aussi chez Annick Bouquet, l’élue en charge de la petite enfance : « J’essaie d’alimenter les professionnels de la petite enfance sur des projets divers et variés pour casser la routine. Et puis cela permet de les valoriser. » Une émulation qu’elle compte bien faire perdurer !
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