Transmissions : comment les penser autrement. Par Pierre Moisset
Sociologue, consultant petite enfance
1) Rassurer les usagers-parents en contrepartie du contrôle que l’on exerce sur eux.
2) Rendre visible aux parents le travail effectué auprès des enfants pour démontrer la « prestation » qui leur est rendue.
3) Entretenir une simple relation humaine, chaleureuse avec les parents.
La restitution est donc prise entre ces trois enjeux, pour autant elle est souvent vécue comme étant frustrante tant par les parents que les professionnels. Comment alors la penser autrement ?
Pour répondre à cette question, il faut s’intéresser très concrètement au travail et à l’expérience des professionnels, ce qui leur fournit matière à restitution. Les professionnels, notamment dans l’accueil collectif, construisent leur expérience entre plusieurs « positionnements », quatre exactement.
Le positionnement « idéal », l’amour des enfants. Dans ce positionnement le professionnel veut tout donner, tout le temps aux enfants… Autant dire que la déception est rapide et la crainte de la concurrence avec les parents très forte. D’où une difficulté à restituer aux parents des moment forts vécus avec les enfants…
La position « d’exécutant ». Le professionnel est celui qui fait des gestes techniques précis, celui qui exécute mais est irréprochable dans son exécution. Mais c’est ce qui aboutit aux restitutions techniques : les horaires de selles, de changes, de sieste, les petits maux…
La position « experte ». Celle où, avec l’expérience, le professionnel se positionne non plus dans le don total envers les enfants, mais dans une position de médiation, de verbalisation de leurs émotions auprès d’eux. Les restitutions peuvent alors porter sur ce qui est dit aux enfants dans telle ou telle micro-situation et la façon dont l’enfant y réagit.
La position « pragmatique ». Le professionnel y assume les limites de son cadre d’activité : les pleurs, la fatigue des enfants, leurs mouvements affectifs et fait en sorte d’y répondre au mieux. Les restitutions portent alors sur cette vie enfantine (en accueil individuel ou collectif) sur ce que l’accueil fait vivre aux enfants et sur la façon dont les professionnels travaillent à rendre ce contexte le plus positif possible.
Les deux derniers positionnements « experts » et « pragmatiques » me semblent les plus prometteurs et pour les professionnels en général, et pour les restitutions. En effet, ils permettent de rendre compte pour les professionnels comme pour les parents de ce que vivent concrètement enfants et professionnels ensemble.
Aussi, les restitutions de la journée ne sont pas forcément « individuelles » centrées sur chaque enfant. On peut aussi décrire aux parents ce qui se passe entre les enfants, ce que sont leurs débuts de vie sociale, les mouvements affectifs qui les animent en duo, en groupes…
Les restitutions n’ont pas non plus à être « idéales » ou lisses sur les conditions d’accueil. Elles peuvent aussi rendre compte du bruit, de l’agitation que les enfants vivent ainsi que la façon dont les professionnels y répondent.
Enfin, les restitutions peuvent être sensibles et dire la façon dont les enfants, la vie enfantine émeut les professionnels. Ce sont, me semble-t-il les pistes à suivre pour échapper à des restitutions « aseptisées » où le professionnel, en s’effaçant avec sa pratique et ses émotions, efface aussi l’enfant concret, l’enfant accueilli.
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