Une vigilance et des responsabilités collectives ! Par Monique Busquet
Au vu des connaissances actuelles sur les besoins des jeunes enfants, comment penser que ces conditions d’accueil ne soient pas délétères pour la santé psychique et physique de ces enfants ?
Parmi ces recommandations, les plus « à risque » me semblent être : la non -entrée des parents dans les espaces de vie, la diminution des temps de transmission, l’interdiction des « objets transitionnels », les masques portés en permanence par les adultes, l’appauvrissement des supports de jeux proposés, l’isolement des professionnels dans leur espace de vie, l’absence d’intervenants extérieurs…
Certes de nombreuses professionnelles nous racontent que les accueils se sont bien passés, même faits en urgence dans les crèches restées ouvertes pendant le confinement. Dans l’ensemble ces professionnelles témoignent ne pas avoir vu d’expression de mal-être de ces enfants. Pourtant ces enfants ont été accueillis du jour au lendemain dans des lieux nouveaux et par des personnes qu’ils ne connaissaient pas. Quelques retours de reprises d’accueil après 2 mois d’interruption vont dans le même sens : des enfants, même les bébés, plutôt calmes, sans trop de pleurs. La majorité des enfants ne manifesteraient pas non plus de gêne devant les masques.
Ces témoignages peuvent être rassurants. Tant mieux ! Mais ils questionnent et donnent aussi à penser.
L’expérience des crèches restées ouvertes pendant le confinement
Voici quelques hypothèses :
Les conditions qui ont sans doute rendu possible ces accueils
Ces accueils ont été faits par des professionnels volontaires, particulièrement disponibles et attentifs aux enfants. Les enfants étaient accueillis en tout petit nombre par rapport au nombre d’adultes présents (voire 1 pour 1). Un important travail de lien « en visio » était fait avec les parents, même pendant le week-end précédent ou le soir.
Les raisons pour lesquelles « cela parait s’être bien passé ».
- Les enfants ne peuvent pas se permettre d'exprimer leurs désarrois, lorsqu’ils sont dans un lieu et avec des personnes non connues, avec lesquelles ils n’ont pas de lien d’attachement.
- Des mécanismes de "protection psychique » sont à l’œuvre et empêchent les adultes de voir la souffrance lorsque celle-ci est trop insupportable et cela d’autant plus quand il ne semble pas possible de faire autrement et d’y remédier.
- Les enfants qui ont été accueillis pourraient être des enfants particulièrement « secure » (avec des parents très soutenants, même dans ces périodes pour eux de grand stress).
- Des enfants (comme les adultes) sont sidérés par la situation.
Il paraît important de garder une très grande vigilance devant le risque de banalisation. Nous savons aussi que « les situations d’urgence et de stress, » peuvent être « supportables et supportés » pendant une période déterminée, mais ne sont pas vivables dans la durée. Il y aura certainement des effets post crise.
D’impossibles injonctions
Aujourd’hui les professionnels (de terrain comme d’encadrement, en accueil collectif comme individuel) sont donc pris dans des injonctions paradoxales, des « doubles contraintes » entre « les connaissances des besoins des enfants et les recommandations officielles d’accueil ».
Ils sont dans l’ensemble tiraillés entre des sentiments contradictoires. Ils sont conscients de la nécessité de ces accueils pour les enfants et leurs familles. Ils sont de façon générale, particulièrement respectueux des consignes sanitaires. Ils peuvent également et légitimement avoir peur pour leur santé et celles de leurs familles. Ils sont conscients de leur rôle non seulement dans l’accueil, mais aussi dans le développement des enfants, dans la construction de leur sécurité interne, de leurs capacités à communiquer, à penser, à vivre ensemble.
Enfin il leur est nécessaire de dépasser questionnements et angoisses pour rassurer et sécuriser enfants et familles.
Alors comment ne pas osciller entre colère, peur et/ou culpabilité ?
Et comment faire ? S’adapter, se sur-adapter, faire avec, faire sans, faire le gros dos, se résigner ?
Pas de culpabilité individuelle mais une mobilisation collective
Nous sommes face à un vrai risque de remise en cause des fondamentaux pour la santé mentale et donc physique des enfants, pour leur développement ultérieur relationnel et cognitif. Il va nous falloir chacun, de sa place, jongler avec tout cela, interroger et alerter, rester vigilant et attentif, tout en étant constructif.
Il me semble que nous avons une responsabilité collective, quelle que soit notre fonction, pour soutenir les accueils et en préserver la qualité et leurs impacts sur le développement des enfants.
Cette responsabilité collective dépasse ce que chaque professionnel peut faire individuellement.
Aujourd’hui, j’ose partager les pistes « éventuelles » qui me sont venues à l’esprit, à moi comme à nombre collègues :
- Ne pas ouvrir les lieux d’accueil….
- Aménager les recommandations quant aux entrées des parents dans les lieux de vie, les allers et retours des doudous le port du masque à limiter…
- Garantir la disponibilité physique et psychique des professionnels :
- en nombre vraiment suffisant pour très peu d’enfants
- en étant libérées des tâches de nettoyage et désinfection
- des espaces de paroles et de pensée, préservés et même augmentés
- un soutien par les responsables potentiellement présents dans les espaces de vie
- une présence renforcée des psychologues et psychomotriciens
- des possibilités d’observation fine, voire de recherche sur les impacts sur les enfants
A suivre donc, grâce aux observations, réflexions et initiatives, de chacun et à plusieurs !
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