Plan Petite Enfance : des mesures pour donner une nouvelle impulsion à l’accueil du jeune enfant

La ministre de l’Enfance, des Familles et des Droits des femmes, Laurence Rossignol a tranché. Son Plan d’action pour la petite enfance reprend la plupart des préconisations émises par le rapport qu’elle avait commandé à Sylvianne Giampino sur le développement du jeune enfant, les modes d’accueil et la formation des professionnels. Et dont la mise en place sera immédiate pour qu’un premier bilan puisse être dressé dès le début de l’année 2017 lors de la première grande journée nationale des professionnels de la petite enfance.
L’objectif affiché du Plan d’action pour la petite enfance présenté par Laurence Rossignol est de « donner une nouvelle impulsion à l’ensemble du secteur de l’accueil du jeune enfant ». Un secteur dont on connaît l’extrême diversité : type d’accueil (individuel ou collectif), pluralité de métiers et compétences, multitude d’intervenants (collectivités, territoriales, gestionnaires publics, privés ou associatifs, Caf etc.). Concrètement le plan d’action ministériel dégage trois grands objectifs : définir un cadre commun à l’accueil des jeunes enfants, promouvoir le développement d’un accueil de qualité, ouvert, réflexif, pluridisciplinaire et sans stéréotypes, permettre une formation des professionnels mieux adaptée à notre société. 16 axes directeurs qui donneront lieu à des actions s’inscrivent dans ces trois objectifs. Le Plan Petite Enfance comporte certaines mesures très concrètes parfois déjà en cours (comme les crèches à vocation d’insertion professionnelle par exemple ou le plan métiers) mais propose surtout des orientations sur lesquelles tous les acteurs du secteur pourront s’appuyer pour agir.

1. Définition d’un cadre général à l’accueil des jeunes enfants.
Un texte-cadre pour le premier trimestre 2017. Pour fonder une identité commune aux professionnels de l’accueil du jeune enfant, la rédaction d’un texte-cadre est actuellement en cours. Il définira les grands principes de l’accueil du jeune enfant et proposera des valeurs communes aux professionnels. En s’appuyant notamment sur les grands axes définis dans le plan d’action pour la petite enfance. Ce sera la référence pour  tous et en ce sens il servira aussi de pont entre l’accueil collectif et l’accueil individuel. La rédaction de ce texte sera finalisée par la formation enfance du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, actuellement en cours de constitution et qui sera officiellement installé le 13 décembre. Le texte-cadre sera diffusé à l’ensemble des professionnels du secteur au premier trimestre 2017. Il est prévu, qu’une charte nationale lui soit adossée. Elle pourra être signée par tous les partenaires qui adhéreront aux valeurs et aux objectifs contenus dans ce texte.
On peut donc imaginer que de cette charte dresse les contours de « l’EAJE  modèle », l’EAJE de la prochaine décennie.
Journée nationale des professionnels de la petite enfance en janvier 2017.  Dans cet esprit de cohésion et dans la logique de ce texte-cadre, une première journée nationale de la petite enfance sera organisée au début de l’année 2017. Elle pourrait regrouper environ 400 professionnels de l’accueil individuel et collectif. Cette journée permettra de faire le point sur la mise en œuvre du plan d’action ministériel et d’en présenter les premiers résultats. Elle sera aussi une journée d’information, d’échanges et de travail.
Publication d’un guide national des normes d’accueil du jeune enfant. Les professionnels ont souvent regretté un manque d’harmonisation entre les pratiques des différentes PMI et critiqué les exigences à géométrie variable qu’on leur demandait d’appliquer lorsqu’ils souhaitaient ouvrir une crèche. Pour clarifier les normes de fonctionnement et d’élaboration des EAJE (et les rendre accessibles), un guide national des normes d’accueil du jeune enfant va être publié. Actuellement en cours d’élaboration (un groupe de travail y réfléchissant depuis plusieurs mois), ce guide, un peu à la manière du guide ministériel des maisons d’assistants maternels, constituera une aide pour les services de PMI. Il leur sera aisé de savoir ce qui est obligatoire, ce qui est seulement recommandé et d’avoir accès aux bonnes pratiques des uns ou des autres. Ce guide limitera donc les interprétations hasardeuses et le sentiment d’arbitraire parfois ressenti. Il devrait être prêt pour la journée nationale des professionnels.
Le Plan ministériel rappelle par ailleurs  que la neutralité et la laïcité sont de mise pour tous les EAJE  publics ou recevant des fonds publics. Il propose aussi de promouvoir et généraliser les dispositifs qui favorisent les passerelles entre la crèche et l’école maternelle. Enfin, il souhaite que la France participe de façon plus active à tous les programmes internationaux qui permettent d’identifier et d’échanger sur les bonnes pratiques concernant les modes d’accueil et sur les dernières connaissances scientifiques sur le développement du jeune enfant.

2. Un accueil de qualité, ouvert, pluridisciplinaire et sans stéréotypes
• Une place et un soutien pour les familles. Un accueil de qualité doit soutenir deux objectifs : partir des particularités du développement global du jeune enfant et prendre en compte les parents comme de vrais partenaires. D’une façon générale toute  initiative permettant  d’aller vers les familles seront encouragées.
Renforcer l’égalité des filles et des garçons dès le plus jeune âge. Dans la continuité du Plan d’actions et de mobilisation contre le sexisme lancé par La Ministre, il s’agit de sensibiliser tous les professionnels à la question des stéréotypes. A eux de mettre en place des démarches qui favorisent l’égalité de traitement entre filles et garçons. Par ailleurs désormais cette question sera intégrée à la formation initiale et continue de l’ensemble des professionnels.
Des protocoles mixtes pour les enfants en situation de handicap. Il s’agit de généraliser les protocoles qui permettent  de mêler accueil collectif et individuel, et d’intégrer ce sujet dans la formation initiale et continue. Et d’une façon générale de soutenir les professionnels dans leurs relations aux services spécialisés.
Développer les Crèches à vocation d’insertion professionnelle. C’est la poursuite et l’accélération de la mise en place du label «  crèche à vocation d’insertion professionnelle » lancé il y a quelques mois avec la Cnaf et Pôle Emploi. Rappelons que l’objectif affiché alors était de 100 crèches d’ici la fin de l’année.
Prendre en compte (et les adapter éventuellement) les modalités de financement des EAJE. Le rapport Giampino abordait la tarification horaire inhérente à la Psu et la stigmatisait comme un frein à la qualité de l’accueil (notamment pour les transmissions aux parents). La Cnaf vient d’en tirer un premier bilan positif, mais nombre de professionnels organisés dans le collectif « Nos crèches ne sont pas des dépose minute » en dénoncent les effets pervers. Le plan d’action pour la petite enfance ne prend pas cette question de front et reconnaît les arguments des uns et des autres : la nécessité de développer de nouvelles places,  celle de garantir la meilleure qualité d’accueil en respectant l’intérêt des enfants et des familles. Néanmoins il décide de la création d’un groupe de travail avec l’ensemble des acteurs concernés pour réexaminer toutes ces modalités en vue de la prochaine COG (Convention d’objectifs et de gestion) 2018-2022 qui sera signée avec la Cnaf. Pas de grande annonce donc mais une prise en compte du « problème ».
Favoriser l’éveil culturel et artistique du jeune enfant. Un (nouveau) protocole  d’accord est en cours de discussion avec le ministère de la Culture afin de promouvoir toutes les initiatives culturelles et artistiques dans les modes d’accueil du jeune enfant.

3. Une formation des professionnels mieux adaptée aux enjeux de la société
Le plan métiers, adopté au début de l’année 2016, actuellement en cours, constitue la  base de la rénovation des diplômes et des carrières. C’est un travail interministériel de longue haleine qui repose sur les points suivants :
-    la constitution d’un socle commun pour toutes les formations aux métiers de la petite enfance en cohérence avec les orientations du texte-cadre
-     l’amélioration des passerelles entre les diplômes,
-    la refonte du CAP petite enfance, du diplôme d’auxiliaire et d’EJE tous actuellement en cours. Pour tous ces diplômes il est prévu de renforcer les enseignements concernant le développement de l’enfant.
Pour répondre  aux besoins de recrutement de professionnels dans le secteur, il sera instauré dans chaque région des plateformes « petite enfance » destinées à faciliter les partenariats entre les acteurs locaux de la formation.
Les assistants maternels ne sont pas oubliés et le plan dit clairement vouloir les soutenir. Un livret de professionnalisation va être mis à l’étude. Son but sera de  garder une trace des formations individuelles et des situations professionnalisantes. Le Projet d’Accueil, document pédagogique qui organise le travail de l’assistant maternel, sera généralisé. Enfin, comme souligné dans le rapport Giampino, les RAM devraient voir officiellement ajouter à leurs missions celle de la formation continue. Le plan encourage la poursuite du développement des Mam.
Pour parvenir à plus de mixité professionnelle (le secteur compte environ 1% d’hommes) il faut recruter plus d’étudiants hommes dans toutes les filières petite enfance. C’est pourquoi, dans le cadre de la refonte des diplômes, le plan prévoit des supports d’informations sur les métiers à destination des conseillers d’orientation scolaires, pour l’emploi et des missions locales. En les incitant à les diffuser tant auprès des femmes que des hommes. Le Ministère a toujours soutenu la mixité professionnelle dans la petite enfance, lui qui accueillera dans ses locaux le 13 janvier prochain un colloque organisé par l’AMEPE  sur le sujet.

La Ministre semble vouloir aller vite. Dès janvier, elle attend un premier bilan. On peut penser que les professionnels vont bien accueillir ce plan qui reprend près de 90% du rapport Giampino qu’ils avaient tous plébiscité. Et qu’ils vont s’en emparer et le faire vivre. Les délais sont courts, mais beaucoup d’actions de terrain et d’initiatives sont déjà engagées. Elles pourront servir de «modèle» et faire taches d’huile. Seuls les assistants maternels pourraient se sentir un peu "laissés pour compte " bien que dans sa partie formation, le plan prévoit de les soutenir. Car d’une façon globale, ce plan d’action apporte plus de réponses sur l’accueil collectif que sur l’accueil individuel.


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Article rédigé par : Catherine Lelièvre
Publié le 13 novembre 2016
Mis à jour le 03 janvier 2017