Forum du CEP-Enfance : la politique de l’Enfance, une priorité pour les candidats à la présidentielle
Un service public de la petite enfance largement plébiscité
La plupart des candidats sont favorables à la création d’un service public de la petite enfance dont on parle beaucoup depuis quelque temps (le gouvernement a d’ailleurs saisi le CESE sur cette question cf LH33). Et l’ont exprimé en ces termes.
Clotilde Derouard (LR) : « Valérie Pécresse annonce qu’en milieu rural, elle organiserait une véritable politique de service public de la petite enfance qui n’existe pas aujourd’hui et répondra à la revitalisation que nous appelons de nos vœux (…) Il est évident aujourd’hui que la petite enfance doit être traitée de la même façon en milieu rural que dans les villes, ce qui n’est pas le cas. Ça existe, ça progresse mais ce n’est pas encore le cas. »
Danièle Obono (LFI) : « Nous sommes favorables et mettrons en œuvre un service public de la petite enfance, en planifiant la création de crèches publiques et d’entreprises publiques, des jardins d’enfants avec effectif réduit et garantissant un espace extérieur avec y compris la possibilité de développer des jardins de découverte… donc un environnement complet. »
Nathalie Maquoi (EELV) : Nous souhaitons « sanctuariser les crédits de la branche famille de la sécurité sociale. Elle est régulièrement en excédent cette branche autour de 1 milliard d’euros mais elle a servi au cours des mandatures précédentes surtout à équilibrer les autres et pour nous, il s’agit de garantir que cet excédent aille au service des enfants et de leurs familles. A partir de là vous pouvez faire beaucoup comme un plan de création de 200 000 places d’accueil collectif pour les 0-3 ans, dans chaque département là aussi en faisant en sorte que l’Etat joue son rôle de régulateur et de rééquilibrage. On a beaucoup parlé de la ruralité mais on peut penser aux territoires d’Outre-Mer, la question du service public se pose de manière très forte. »
Dominique Versini (PS) : « Le service public de la petite enfance, c’est garantir à chaque famille un droit à un mode d’accueil pour leur enfant de son 1er anniversaire à son entrée en maternelle, passer le nombre de places en crèche de 470 000 à 600 000. Aujourd’hui, le gouvernement peine à ouvrir les 30 000 places auxquelles il s’était engagé dans la convention nationale avec la cnaf 2018-2022 alors que le précédent avait ouvert 60 000 places dans la convention Cnaf 2012-2017. Il faut augmenter le nombre de places et aussi faire en sorte qu’il y ait 100% de professionnels diplômés contre les 40% prévus dans la réglementation professionnelle. En tout cas à Paris, c’est ce que nous avons : 100% de professionnels diplômés. (…) La PMI est le premier outil de prévention des inégalités sociales comme de santé donc nous aiderons les collectivités à la renforcer : à Paris 80% des enfants de moins de 3 ans sont suivis par la PMI. »
Laurence Cohen (PCF) : « On peut parler du déficit criant de l’accueil de la petite enfance et son coût aussi qui pèse sur les familles. C’est vrai que c’est une situation qui pèse particulièrement sur les ménages les plus modestes mais ça pèse aussi sur les classes moyennes. Il faut aussi savoir qu’il y a une grande inégalité territoriale puisque environ 45% des crèches se situent dans la région parisienne donc c’est important d’avoir comme objectif d’avoir une desserte égale sur l’ensemble du territoire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes pour la création d’un service public de la petite enfance gratuit ce qui va donc permettre d’une part de réduire le coût pour les familles et d’autre part de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale car on sait que ce sont particulièrement les femmes qui sont en première ligne et qui en font les frais en termes d’emploi, de carrière… Et je veux ici souligner que même si c’est une compétence du département, pour nous il est vraiment essentiel de développer les PMI. »
Formation des professionnels de l’enfance, revalorisation des salaires, campagne de communication… les propositions pour améliorer l’attractivité des métiers de la petite enfance
Dominique Versini (PS) : « C’est vraiment un sujet très important, car on le sait, il y a de plus en plus de tensions palpables dans les métiers de la petite enfance avec des départs en retraite massif des assistants maternels : moins 126 000 entre 2012 et 2022. Il y a une faible attractivité de tous les métiers avec une tension particulière sur les recrutements des professionnels de la petite enfance. Le problème de la formation des personnels et de renforcement est le défi majeur, ce qui n’est pas du tout sérieux car depuis 2016, le rapport Giampino avait tracé les lignes directrices d’une refonte ambitieuse de la politique de formation et on voit que le gouvernement a attendu les derniers mois de son quinquennat pour lancer un comité sur les filières de la petite enfance et a attendu 2020 pour initier le socle tant attendu commun de formation à tous les secteurs de la petite enfance. Résultat : 40 000 professionnels ont été formés sur les 600 000 exerçant en 2021. (…) Nous lancerons un plan d’investissement massif dans ces métiers d’avenir dès les premiers mois du quinquennat avec un socle commun intersectoriel autour du développement de l’enfant, de la relation aux familles ouvert à tous ceux et celles intervenant auprès des enfants. Il faudrait aussi connecter davantage le monde de la recherche, des professionnels de la petite enfance pour actualiser en continu leurs connaissances. Ensuite, il y a le problème de redonner envie dans les métiers de la petite enfance : pour cela il faut renforcer l’ambition de la filière des métiers de la petite enfance avec un objectif de 100 % de professionnels formés aux spécificités de l’accueil du jeune enfant et un développement des places dans les écoles de formation. Le besoin de professionnalisation des assistants maternels reste d’actualité. Il faut renforcer leur formation initiale, intégrer la formation continue dans les contrats d’accueil, renforcer le maillage des relais d’enfance. Enfin, il faut mener des campagnes de communication pour montrer que l’on a besoin de ces métiers et valoriser leurs missions. Et il faut aussi miser sur l’apprentissage qui a l’avantage de former les personnes en situation immersive. Enfin, il faut en finir avec l’inaccessibilité de la formation continue (…). Le sujet des salaires doit être mis sur la table (…) »
Martine Brousse (pour la « majorité présidentielle ») : « (…) le secrétaire d’Etat a mis dans ses priorités la qualité de l’accueil qui est un levier essentiel pour permettre à tout enfant d’accéder aux chances que tout enfant a droit. Et qu’il y a eu une véritable politique pensée, et certes Dominique Versini a rappelé que cela a tardé, mais je rappelle qu’il y a eu et qu’il y a encore cette pandémie, des mesures n’ont pas pu être mises en place immédiatement mais que dernièrement il y a eu le 30 novembre dernier la mise en place d’un comité de filière petite enfance qui rassemble pour la première fois tous les représentants des professionnels de la petite enfance (…) et que les premiers travaux qui ont débuté montre qu’il est bien reçu et semble répondre aux attentes des professionnels. Par ailleurs, ces dernières semaines, il y a aussi eu une revalorisation des infirmières puéricultrices (…) la spécialisation des puéricultrices se fera en deux ans, sera sanctionné par un diplôme d’état avec un grade master (…). D’autres choses ont été faites ou sont en cours. C’est ensemble que l’on va redonner cette attractivité aux jeunes pour accéder à ces métiers. »
Clotilde Derouard (LR) : « L’investissement dans la formation initiale et continue des professionnels de l’enfance est indispensable pour faire face aux exigences auxquelles ils font face. Il en va de même dans l’amélioration de leur rémunération et de leurs conditions de travail. C’est une condition de l’attractivité qui fait aujourd’hui tant défaut (…). Valérie Pécresse a prévu de revaloriser substantiellement le crédit d’impôt pour les services à domicile, ce qui permettra d’améliorer la rémunération des assistantes maternelles agréées (…) »
A noter que les autres représentants des candidats ont parlé de la formation et de l’attractivité des métiers de l’enfance de façon plus globale, sans axer leur discours particulièrement sur les professionnels de la petite enfance.
Nathalie Maquoi (EELV) : « Revaloriser tous les métiers du lien. »
Danièle Obono (LFI) : « L’enjeu de l’enseignement professionnel : on y tient beaucoup (…) Dans cet enseignement professionnel, il y a tout un ensemble de CAP sur la petite enfance… que nous voulons valoriser, c’est pour ça que l’allocation d’autonomie s’adresse aux élèves de l’enseignement professionnel dès 16 ans (…).
Laurence Cohen (PCF) : « Les carrières ne sont plus attractives, c’est une question de salaire mais c’est aussi une question de non reconnaissance de la pénibilité des métiers (…) qui ne sont pas reconnus à leur juste valeur (…) Il faut revaloriser les salaires, les carrières et embaucher (…) Il est très important de travailler sur la formation initiale mais aussi continue. »
Pas de consensus sur la création d’un ministère de l’Enfance et un code de l’Enfance
Concernant la création d’un ministère de l’enfance, les représentantes PCF, PS et LFI sont favorables. Laurence Cohen (PCF) l’a ainsi justifié : « c’est vrai qu’on a pu constater en tant que parlementaires que les arbitrages sont souvent difficiles entre le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles Adrien Taquet et Bercy ». Dans le même ordre d’idée, Dominique Versini (PS) a déclaré : « oui pour la création d’un ministère de l’enfance de plein exercice car on voit les limites d’un secrétariat d’Etat. Même avec beaucoup de volonté, un secrétaire d’Etat dépend de son ministre de tutelle. » Nathalie Maquoi (EELV) a, pour sa part, indiqué que la question d’un ministère de l’Enfance était en cours d’arbitrage et Clotilde Derouard (LR) a souligné : « Le droit à l’enfance est une priorité mais nous ne sommes pas favorables à un ministère pour l’enfance ». Concernant, l’élaboration d’un code de l’enfance, le PCF, le PS, EELV, et LFI se sont prononcés pour, ce qui n’est pas le cas de LR. Clotilde Derouard a ainsi fait remarquer : « (…) la multiplication des codes ne règle pas tous les problèmes. » A noter que Martine Brousse pour « la majorité présidentielle » s’est abstenue de répondre et a juste précisé que des travaux sont en cours sur cette question.
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*Puisque pour l’heure, il n’y a pas encore de candidat déclaré du côté de la majorité présidentielle, Martine Brousse a précisé qu’elle évoquerait les réponses qui ont été apportées pendant la mandature aux problématiques soulevées par le Collectif CEP-Enfance.
Article publié pour la première fois dans la Lettre Hebdo n°34
« Quid de la marchandisation du secteur de la Petite Enfance aujourd’hui ? »
Au cours des échanges, une question (non envoyée en amont aux candidats) a été posée aux représentants présents. Elle concernait « la place du privé lucratif dans le secteur dans le secteur social de façon général et particulièrement dans le secteur de la Petite Enfance ». Quatre représentants ont vraiment répondu à celle-ci :
Danièle Obono (LFI) : « Nous sommes clairement opposés au développement du privé lucratif. C’est la logique que l’on a présentée, de dire on veut développer un service public de la petite enfance pour pouvoir répondre à un accueil de tous les enfants. Il y a aussi du privé associatif non lucratif qui permet aussi de répondre justement plus en détail et ça pour nous c’est un secteur que l’on pense pouvoir favoriser mais nous sommes contre le marché de la petite enfance comme nous sommes contre le marché du 3e âge… et s’il faut pour cela désobéir aux directives européennes nous activerons l’opt out pour protéger les services publics. »
Nathalie Maquoi (EELV) : « Quel que soient les secteurs des métiers du lien, quand il y a une absence de service public, le secteur privé s’y engouffre parce qu’en vrai il y a une demande. Quand on cherche à faire garder son enfant et qu’on n’arrive pas à avoir une place dans le secteur public, on fait ce qu’on peut, et les gens n’ont pas le choix (…). Pour le moi le privé avec lequel il faut que l’on travaille, c’est le secteur associatif et l’économie sociale et solidaire. »
Dominique Versini (PS) : « Pour Anne Hidalgo, il s’agit d’un service public. Il ne s’agit pas de travailler avec du service privé lucratif mais du service associatif, ce que nous faisons à Paris. Notre exemple, c’est qu’il y a soit des crèches en régie soit des associations qui développent des crèches (…). »
Laurence Cohen (PCF) : « Les services publics ont été particulièrement affaiblis ces dernières années. On est pour la revalorisation des services publics, la création d’un service public de la petite enfance gratuit et là où le secteur privé peut s’infiltrer c’est parce qu’il y a des manques pour répondre aux besoins. Donc à partir du moment où on revalorise, on crée des nouveaux services publics, on donne les moyens financiers et humain, à partir de ce moment-là on répond aux besoins des populations et on fait reculer largement le service privé. Nous sommes pour un service public ou pour un service privé à but non lucratif. »