Emmanuel Macron : des annonces fortes pour la Petite Enfance
La lutte contre la pauvreté est un thème particulièrement cher à Emmanuel Macron. Pour rappel, en septembre 2018, il lançait la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Jeudi dernier, lors de son discours d’ouverture du Congrès de la Fédération des acteurs de la solidarité, le président de la République a insisté sur « la lutte contre un enracinement de la pauvreté » et sur le fait que « pour éviter que la pauvreté ne se transmette de génération en génération », il fallait agir dès l’enfance. Le chef de l’Etat a abordé les actions menées dont le nouveau parcours des 1000 premiers, de l’allongement du congé paternité ou encore de l’école rendu obligatoire dès 3 ans. Mais il a aussi largement évoqué l’accueil du jeune enfant et a tiré en premier lieu un bilan plutôt décevant.
A noter : la COG 2018-2022 tablait sur la création de 30 000 places de crèches. Finalement en octobre 2020, Adrien Taquet avait indiqué que l’objectif ne serait pas atteint. Un sujet largement abordé lors de La Rentrée de La Petite Enfance - cf Lettre Hebdo 17-18)« Nous avons, jusque dans les années 2000, pu nous prévaloir d'un système efficace permettant aux mères de reprendre leur travail dès la fin de leur congé maternité, reposant sur le libre choix des parents entre de l'accueil individuel ou collectif. C'est une richesse qui fait figure d'exception. En Europe, qui est aussi au cœur du succès en termes de natalité de la France. Aujourd'hui, ce système est à bout de souffle et c'est un problème social, c'est un problème à la fois pour la lutte contre la pauvreté et pour l'éducation de nos enfants, c'est un problème pour l'égalité femmes-hommes et c'est un problème pour la natalité française. Aujourd'hui, ce système ne répond plus aux besoins qui lui sont adressés : près de 20% des parents n'obtiennent pas de mode d'accueil. Plus de 160 000 ne reprennent pas le travail, faute de solution de garde pour leurs enfants. On estime à 200 000 le nombre de places manquantes. Et malgré l'investissement qui est fait en faveur de l'accueil du jeune enfant à hauteur de 15 milliards d'euros, nous ne parvenons plus à atteindre nos objectifs. Et je le dis avec beaucoup de lucidité, là aussi, vous m'avez entendu défendre la politique qui est celle du Gouvernement et de la Nation toute entière sur beaucoup de sujets et des chiffres qui marquent des succès, mais nous pensions ouvrir 30 000 places en crèche sur le quinquennat. Et nous arriverons à en ouvrir moitié moins. Parce que notre système est aujourd'hui tellement éclaté, tellement complexe, qu'il est devenu beaucoup trop lent et que, surtout, il est facteur d'inégalités territoriales extrêmement difficiles de conjurer et qui sont très difficiles à expliquer à nos concitoyens. Notre système ne permet pas non plus de réduire les inégalités alors qu’on sait que la crèche est favorable au développement des enfants. Seuls 5 % des enfants des classes populaires en bénéficient, contre 20 % des enfants des classes favorisées. Et donc, cela, c’est évidemment sans parler de l’accueil des enfants des mères célibataires, qui ont souvent besoin de solutions plus ponctuelles ou à des horaires décalés et qu’aujourd’hui, nous ne couvrons pas à proprement parler – à laquelle nous n’arrivons pas à répondre. Situation d’autant plus problématique que nos concitoyens estiment que l’accueil de leur enfant doit être la priorité numéro 1 de notre politique familiale. »
Droit à la garde d’enfants, 200 000 nouvelles places d’accueil… les propositions ambitieuses d’Emmanuel Macron
Après ce bilan résolument honnête, le chef de l’Etat a expliqué les mesures envisagées pour ce nouveau système.
A noter : Le droit de garde opposable est depuis quelque temps sur toutes les lèvres. Pour rappel en décembre dernier Adrien Taquet avait annoncé avoir saisi le Conseil économique social et environnemental (CESE) d’un projet d’avis sur la création d’un service public de la petite enfance. Sans oublier aussi le rapport conciliation vie pro/vie perso et sa proposition n°6 sur la construction d’un droit opposable à un mode d’accueil. Concernant la proposition relative au « chef de fil unique responsable de cette politique de l’accueil du jeune enfant », elle a trait à la compétence petite enfance. A qui sera-t-elle déléguée ? Aux communes, aux communautés de communes ? aux CAF ? A suivre… Et pour plus d’informations sur l’accueil de la petite enfance en Allemagne, rendez-vous dans la Lettre Hebdo n°24.« Nous devons donc concevoir un nouveau système plus clair, plus centré sur la réponse directe aux besoins des parents, notamment ceux qui ont des besoins spécifiques, que j’évoquais à l’instant. En somme, mettre en place un véritable droit à la garde d’enfant qui devrait se traduire par un mode d’accueil individuel ou collectif accessible pour tous les parents, avec une indemnisation en cas d’absence de solution. Ce nouveau système devra permettre de répondre de façon progressive au besoin d’ouverture de 200 000 nouvelles places d’accueil collectives ou individuelles, alors qu'aujourd'hui personne ne se sent réellement responsable, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, pour répondre à ces besoins et pour que ce droit ne soit pas simplement incantatoire. Et donc, tout cela nécessite aussi, dans le cadre d'un débat démocratique, de désigner un chef de file unique qui sera donc le responsable de cette politique de l'accueil du jeune enfant au plus près du terrain. Et je le dis en regardant les systèmes qui aujourd'hui se mettent à mieux fonctionner que le nôtre, en particulier pour prendre deux exemples, le système allemand, le système islandais qui ont permis de faire progresser très rapidement ces pays, qu’il y a quelques années, étaient moins efficaces que nous en la matière. Je suis pour ma part convaincu qu'il est temps de nous donner les moyens de notre ambition en matière de petite enfance en mettant, justement, sur pied un système plus simple, plus responsabilisant de la puissance publique afin de répondre véritablement aux besoins des jeunes parents. Je sais que cet enjeu est aussi au cœur de votre plateforme des propositions, et donc que je souhaite qu'on puisse là-dessus vraiment aussi travailler ensemble. »
Le SNPPE, peu convaincu, la FFEC veut y croire
Si le SNPPE n’est pas mécontent que le président de la République se soit « enfin souvenu que la petite enfance existe », il est toutefois très dubitatif quant à ses annonces. « Quand Emmanuel Macron parle de création de 200 000 places d’accueil et d’un droit opposable aux modes de garde (individuel et collectif), nous nous interrogeons fortement sur sa capacité à mener un tel projet alors que dans son quinquennat l’objectif de 30 000 places créées est à peine atteint à la moitié. Si le système est « à bout de souffle », pour reprendre ses mots, comment faire confiance à la même personne pour faire ce qu’il n’a pas fait pendant 5 ans ! », s’agace le syndicat, qui pointe également du doigt l’absence de mention des professionnels de la petite enfance dans le discours. Et martèle : « Il faut respecter ces professionnels, reconnaître leur rôle en valorisant enfin leur mission en lien avec son véritable enjeu, investir dans les moyens humains par des formations, des recrutements, offrir un véritable déroulement de carrière dans ce secteur composé à très grande majorité de femmes et des salaires décents ! »
De son côté la FFEC, s'appuyant sur les annonces présidentielles souhaite que « l'année 2022 devienne l'année de la Petite Enfance.»
Cet article a été publié pour la première fois dans La Lettre Hebdo N°30