Des albums jeunesse pour parler des petites séparations avec les jeunes enfants
« Coucou ! », de Jeanne ASHBÉ, 1994, L’école des loisirs
Ce qui plaît :
- « Coucou » est un livre qui donne le sourire et retranscrit parfaitement celui qui s’affiche sur le visage des jeunes enfants lors des parties de caché-coucou du quotidien
- Tout le plaisir (et l’enjeu) du caché-coucou est dans la répétition : ce livre nous le rappelle, en agissant tel un refrain au fil des pages : « Qui se cache là ? », « Coucou c’est… ».
- La simplicité des scènes et l’accessibilité du texte dès le plus jeune âge.
Ma lecture de psy : Le caché-coucou est un jeu à prendre au sérieux ! Il constitue une étape importante dans la vie du très jeune enfant, lui permettant de tester la permanence de l’objet et de maîtriser l’expérience de séparation. L’enfant se fait un peu peur, mais jamais trop longtemps, le temps qu’il lui faut et dont il peut jouir, anticipant à souhait la joie des retrouvailles. Derrière le jeu du coucou, le livre de Jeanne Ashbé nous plonge au cœur des toutes premières expériences sensori-motrices de séparation. Son propos s’appuie sur la représentation et l’alternance des objets mous/durs, contenants/contenus, qui offrent aux tout-petits de multiples possibilités de (se) cacher et de (se) retrouver. La subtilité du dialogue entre les objets (in)animés et ce bébé nous rappelle que chercher l’autre permet de se trouver soi. Le caché-coucou, c’est bel et bien une histoire de différenciation-individuation, c’est un jeu qui mène vers le je. Voilà pourquoi ce petit livre, sous ses airs enfantins, pourrait bien en dire plus qu’il n’y paraît !
A partir de : 6 mois jusqu’à 3 ans environ
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« Au revoir ! », de Jeanne ASHBÉ, 1998, L’école des loisirs
Ce qui plaît :
- Les situations concrètes, familières de la vie des tout-petits et de leurs parents.
- La répétition des « au-revoir »
- Les mots ludiques, les sonorités communes à l’écriture de Jeanne Ashbé et au bain de langage du tout-petit (« fourbi chambouli », le « tchchchch… » du train qui démarre…).
- Le récit court et simple.
Ma lecture de psy : Le livre de Jeanne Ashbé retrace subtilement les plaisirs et les déplaisirs associés aux séparations du quotidien pour le jeune enfant : plaisir de se dire au revoir (ou de faire signe, entre 6 mois et 12 mois), de vivre d’autres expériences, mais aussi déplaisir et frustration liés au fait de quitter une activité ou quelqu’un. Les transitions (arrêter un jeu, partir du zoo…) peuvent être douloureuses, d’autant qu’il est encore difficile pour le très jeune enfant de se projeter sur le bénéfice de se séparer pour mieux se retrouver.
Ce récit nous rappelle aussi que les séparations passent par le corps et les sensations : le signe de la main, la moustache qui pique de papi, le bruit du train, la chaleur du lit douillet…
A partir de : 6 mois jusqu’à 3 ans environ
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« Un peu perdu », de Chris Haughton, 2011, Editions Thierry Magnier
Ce qui plaît :
- C’est un livre à hauteur de tout-petit, ce que vient souligner le contraste de taille entre les mamans animaux, l’immensité des paysages et le petit hibou.
- Le jeu des grandeurs se retrouve dans la forme et dans le fond, avec les petites pages du début d’histoire, comme des feuillets qui nous invitent à plonger dans l’univers à plusieurs dimensions de la « perte ».
- L’humour, toujours, sur un thème qui donne pourtant si vite la larme à l’œil aux jeunes enfants. Cette dédramatisation s’appuie notamment sur des bruitages, le comique de répétition et l’animation d’un personnage au langage oral direct et rassurant (l’écureuil).
- La ritournelle : « Ce n’est pas ma maman ! »
- Les couleurs douces et chatoyantes.
Ma lecture de psy : Ce livre de Chris Haughton invite à une double lecture : s’agit-il d’une histoire de cauchemar (à répétition), d’angoisse de séparation bien connue des enfants à la tombée de la nuit, ou d’une véritable aventure menée par le jeune hibou ? Toujours est-il que le cheminement du petit héros est riche d’enseignements : tomber du nid et s’éloigner de sa maman fait vivre des inquiétudes, mais pourrait bien comporter un bénéfice, celui de rencontrer l’autre, les autres, des copains, à la fois différents et un peu les mêmes. La fin de l’histoire nous rappelle que les séparations-retrouvailles sont une histoire de répétition, à vivre et revivre, en traversant des contrées émotionnelles autant que des rencontres surprenantes.
Notons que l’unique larme dessinée est celle de la maman… aux moment des retrouvailles ! On devine alors la tristesse par laquelle est passée l’adulte tandis que l’enfant faisait son chemin, et l’émotion d’autant plus forte des retrouvailles, pour l’un comme pour l’autre.
A partir de : 12 mois jusqu’à 5 ans environ
Existe en format cartonné, ce qui facilite la manipulation des tout-petits (et sa durée de survie en collectivité !)
9
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« Bébés chouette », de Martin Waddell et Patrick Benson, 1999, L’École des loisirs
Ce qui plaît :
- Encore des oiseaux de nuit au sommeil quelque peu perturbé ! Les hiboux et les chouettes semblent bel et bien parler aux plus jeunes d’entre nous lorsqu’il est question de séparation.
- La représentation de la fratrie, à la fois collés, unis, et bien différenciés.
- Les enfants chouettes représentés ici, quel que soit leur âge, restent des « bébés », invitant le jeune « lecteur » aux plaisirs de la régression.
- Le ton narratif berce et enveloppe. Les dialogues, eux, tonifient le récit.
- Le grain doux des dessins.
- Le jeu des contrastes : la nuit est sombre mais les chouettes éclairent.
Ma lecture de psy : « Bébés chouettes » est un incontournable de la littérature jeunesse. Il est intéressant de voir que les enfants le réclament mais que les adultes en parlent aussi régulièrement (les professionnels de crèche, les parents…)
La diversité des personnages et de leurs réactions face à la séparation amène une multitude d’identifications possibles.
Les différentes réactions des chouettes peuvent aussi convoquer les registres présents chez un même enfant, en cours d’évolution : de l’insupportable séparation pour Lou, au besoin affectif primaire, « je veux ma maman », à la capacité de raisonner « elle va rentrer, c’est sûr ! » et même de prêter des intentions à autrui des aînés « je crois qu’elle est partie chasser ! ».
En effet, la capacité de s’endormir sereinement en l’absence de l’autre (maternel ou parental), de différer des retrouvailles, de les imaginer comme le font les plus grands, Rémy et Sarah, est un long processus.
Remarquons que les petits héros ne sont pas tout-à-fait seuls face à l’adversité: ici comme dans la vraie vie, les voix de la fratrie peuvent s’unir face à la séparation, se soutenir, sans toutefois remplacer la présence parentale. Chacun reste bien à place. Car rien ne vaut la danse des retrouvailles avec leur maman, qui vient à elle tout seule apaiser les peurs.
A partir de : 18 mois jusqu’à 6 ans environ
5
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« Petit chat perdu », de Natacha et Albertine Deletaille, Les Histoires du Père Castor, Editions Flammarion
Ce qui plaît :
- Le dialogue savoureux entre bruits d’animaux et langage humain.
- La fluidité de l’écriture et la simplicité de l’histoire.
- Au fil du texte, petits et grands lecteurs retrouvent avec délice la requête du chaton : « Je ne veux pas… je veux du lait ! ».
- En version livre-disc, le refrain qui parle aux tout-petits : « Maman, papa ! Maman, papa ! ».
Ma lecture de psy : Ce n’est pas un hasard si Le petit chat perdu parle aux jeunes enfants depuis plusieurs générations. La qualité de l’écriture y est sans doute pour beaucoup (un jeune enfant écoute attentivement ou réclame une histoire bien écrite, il se détourne des autres !).
Il me semble que les tout-petits prennent également goût à cette histoire car elle leur parle de leurs besoins nourriciers, mais aussi affectifs et langagiers. Elle nous raconte comme le dialogue entre le bébé (plus ou moins grand) et son environnement est une histoire d’accordage, un subtile mélange entre verbal et non verbal. Il n’est pas donné à tout le monde de comprendre le tout-petit et de lui répondre, même lorsqu’en grandissant, les mots (et les revendications !) lui viennent plus facilement et qu’il peut dire à qui veut bien l’entendre : « je ne veux pas….je veux… ! ».
A partir de :12 mois jusqu’à 6 ans environ
En livre-disc (10,50 euros), à partir de 2 ans (à accompagner).
5,25
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« Il faut sauver le petit chat ! », de Chihiro Nakagawa et Junji Koyose, Rue du monde
Ce qui plaît :
- Les véhicules de chantier, passion des jeunes enfants !
- Le « cherche et trouve » au sein de l’histoire : les mille et un détails (engins, lutins, accessoires, changements météorologiques) invitent implicitement lecteur et enfants à (re)découvrir chaque page de multiples « scènes dans la scène ».
- Le jeu des tailles : le monde des adultes, représenté par la nature, semble géant comparé au monde miniature des « tout-petits » (bonhommes et engins, presque des « petites voitures » sur certaines pages). Le chaton est entre les deux, à la fois « petit » et « grand », un point de vue que peuvent partager les jeunes enfants ou les adultes qui prennent soin d’eux.
- L’univers japonais: le design de la maison de la vieille dame, le graphisme du chat, quelques détails ça et là indiquent qu’il s’agit peut-être là d’une autre culture. Le décor extérieur des premières et dernières pages rappelle les estampes japonaises.
- Des phrases courtes qui laissent toute leur place aux images.
Ma lecture de psy : « Il faut sauver le petit chat ! » regorge de trésors : une première lecture mène aux richesses de l’entraide, du travail d’équipe, du groupe social, du tricotage des liens inter et transgénérationnels.
La question de l’attachement traverse également le récit : celui d’une vieille « maîtresse » à son chaton, mais qui pourrait bien être transposé à d’autres types de relations.
Cette histoire me fait penser à un rêve, ou plutôt un cauchemar que font souvent les mères de jeune enfant : celui de le perdre ou de l’oublier quelque part. Car le processus de fusion/séparation se vit à deux, les angoisses de l’un et de l’autre se faisant écho inconsciemment, le long du parcours d’autonomisation du jeune enfant, tout-petit devenant grand.
La protection, la dépendance du petit chat, le portage physique et psychique sont finement représentés ici, offrant une sécurité de base au chaton qui lui permet alors de (re)jouer.
Enfin pour les initiés, la pelote de laine avec laquelle joue le chaton à la fin de l’histoire n’est pas sans rappeler la bobine avec laquelle jouait le petit fils de Freud dans la session du « Fort-Da » (selon les traductions : « là-bas-là » ou « parti-revenu »). Cette expérience sensori-motrice répétée a été décrite comme soutenant le jeune enfant dans l’élaboration du vécu de la séparation avec sa mère. On la retrouve dans d’autres jeux du jeune enfant, comme celui de faire tomber sa cuillère et attendre que l’adulte la lui rende à peu près 10 fois de suite !
A partir de : 18 mois jusqu’à 6 ans environ
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