Pourquoi les émotions (des petits et des grands) sont contagieuses
Et vous, comment vous sentez-vous ? En tant que simple observateur, avez-vous ressenti personnellement une émotion différente entre le moment où Liam était en colère et le moment où il est devenu joyeux ? Imaginez maintenant que le papa de Liam affiche sur son visage une forte expression de dégoût. Ses yeux sont plissés, son nez est replié et sa lèvre supérieure est relevée. Avez-vous la sensation que votre propre émotion vient encore d’évoluer ? Que vous en soyez conscient ou non, la réponse est oui. Vous êtes, au même titre que les primates, les rats et bien d’autres mammifères sociaux, soumis à la contagion émotionnelle involontaire. C’est-à-dire que l’émotion de votre interlocuteur, petit ou grand, va « raisonner » en vous.
Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut vous présenter un petit groupe de neurones-clés qui fut découvert par hasard dans les années 90 (les scientifiques ont tellement été contents de cette découverte que, depuis, ils ne cessent d’en parler et d’y consacrer des recherches !).
Neurones-miroirs : leur rôle au quotidien
Parmi les 80 milliards de neurones que renferme votre robuste boîte crânienne se cachent les neurones-miroirs. Leur rôle ? S’activer à la fois quand on fait soi-même un mouvement ou quand on voit une autre personne faire ce mouvement. Ce peut être lever le bras ou taper du pied. C’est aussi grâce (ou à cause) de nos neurones-miroir que l’on se met à bâiller quand quelqu’un bâille devant nous ou à nous gratter le nez quand, au détour de la conversation, notre interlocuteur se gratte le nez ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, nos neurones-miroirs agissent aussi dans le cadre des émotions. En les rendant aussi contagieuses qu’une bonne gastro.
De nombreuses recherches ont montré que l’observateur qui ne fait que regarder l’expression faciale d’un interlocuteur amorce lui-même les mêmes expressions faciales sur son propre visage. En observant le visage coléreux du petit Liam, sur votre visage se sont dessinées des micro-crispations des sourcils, comme si vous étiez vous-même en colère. A l’inverse, lorsque Liam est devenu souriant, vous avez manifesté de manière très fine et automatique des micro-crispations de la bouche, comme si vous alliez vous-même sourire ! En clair, vos neurones-miroirs vous permettent d’être en « résonnance », en « miroir » avec votre interlocuteur. Ce mécanisme cérébral de contagion émotionnelle est une des composantes de l’empathie. Toutefois, contrairement aux idées reçues, l’empathie ne se résume absolument pas à l’action de ces neurones-miroirs. L’empathie, qui est la capacité à se mettre à la place de l’autre, fait également intervenir des composantes intellectuelles.
Neurones-miroirs : ils peuvent nous sauver la vie !
Ces neurones-miroirs représentent, au quotidien, leur lot d’avantages et d’inconvénients. Déjà, on pourrait se demander pourquoi Dame Nature a décidé de nous mettre dans la tête ce petit lot de neurones sans prétention. Quelle idée ! Nous en avons déjà tellement ! Vous imaginez bien que rien n’est laissé au hasard. Si ces neurones existent, c’est forcément parce qu’ils contribuent à la survie de nos espèces depuis des milliers d’années. Comment ? C’est très simple. Imaginez que c’est la fin du monde et que vous êtes perdu au milieu d’une forêt peuplée de zombies (tout est possible, surtout chez nos amis américains). Devant vous se tient une autre personne dont vous ne parlez pas la langue. Soudainement, celle-ci fixe un point derrière vous et manifeste une expression faciale de peur, de terreur. Ses yeux s’écarquillent et sa bouche se crispe. Naturellement, vous allez adopter la même expression faciale que cette personne, votre rythme cardiaque va accélérer, votre respiration va s’intensifier (votre corps se prépare au combat ou à la fuite). Sans réfléchir, vous allez retourner, identifier le danger et… courir ! En deux temps trois mouvements, vos neurones-miroirs vous auront probablement sauvé la vie en reproduisant dans votre cerveau la même émotion que votre interlocuteur. Ce type de situation peut très bien se vivre dans le métro, sur un bateau, dans la rue, dans une crèche. Ça, c’est le bon côté des choses.
Neurones-miroirs : les pièges qu’ils nous tendent
Le moins bon côté est que cette contagion émotionnelle automatique et involontaire peut nous jouer des tours au quotidien. Surtout à vous qui œuvrez dans le champ de l’humain, auprès d’individus qui vivent des émotions fortes (enfants comme parents). De par l’immaturité de leur cortex préfrontal, les jeunes enfants n’ont pas cette capacité à réguler et à analyser leurs émotions. De ce fait, leurs émotions s’apparent à des tempêtes émotionnelles, à des feux d’artifices de tristesse, de joie, de peur, de colère.
Or, vous qui êtes à leur côté 8 à 10 jours par jour, 4 à 5 jours par semaine, vous vivez en résonnance ces ascenseurs émotionnels. Vous êtes un peu triste quand ils sont tristes, un peu joyeux quand ils sont joyeux, un peu en colère quand ils sont en colère. Que cela peut être épuisant, psychologiquement ! A l’inverse, vos propres émotions viennent également influencer l’état émotionnel de ces enfants. Ainsi, il n’est pas rare qu’une équipe en souffrance ou en conflit donne lieu à un groupe d’enfants plus agités, « agressifs » ou impulsifs que la moyenne. Vous êtes les chefs d’orchestre émotionnels du lieu de vie, ne l’oubliez pas.
Les neurones-miroirs peuvent également occasionner quelques turbulences du côté de votre relation aux autres adultes, parents comme collègues. Un exemple : c’est le temps des transmissions du soir. Une maman arrive en colère, frustrée par les bouchons qui l’ont mise en retard. Son visage est fermé, ses sourcils sont froncés, sa mâchoire est serrée. Immédiatement, vos neurones-miroirs détectent une expression faciale de colère et la reproduit sur votre propre visage. Vous voilà alors vous-même prise d’un début d’émotion de colère alors que vous étiez gai comme un pinson trois secondes auparavant ! Naturellement, votre attitude générale s’en ressent. Vous ne vous adressez pas de la même manière à cette maman que si elle était aussi joyeuse que Woody Woodpecker. Votre ton est peut-être plus agressif, plus tendu, tandis que votre visage est plus fermé. De l’autre côté, les neurones-miroirs de la maman captent alors à leur tour votre tension et la reproduit dans son propre cerveau. La boucle est bouclée. Votre épisode de communication est moins fluide que d’habitude. Le comble est qu’à la base, cette maman n’était pas énervée contre vous mais contre les bouchons qui l’ont retardée !
Sourire : la meilleure parade
Le plus efficace pour déjouer les pièges de ces neurones-miroirs est de sourire. De sourire avec un grand S. Et notamment lorsque votre interlocuteur est en proie à une émotion négative. Il ne s’agit pas de faire un sourire forcé ou un sourire hypocrite, mais un vrai et beau sourire d’être humain. Un sourire à la Hugh Grant dans « Coup de Foudre à Notting Hill ». Vous savez, celui qui fait plisser vos pattes d’oie et apparaître toutes vos jolies rides autour de vos yeux (c’est d’ailleurs la présence de ces plissements autour des yeux qui permet de distinguer les vrais des faux sourires). Votre sourire a un pouvoir magique. En plus de vous rendre attirant, de diminuer votre niveau de stress et votre tension artérielle, de booster votre système immunitaire et de vous mettre de bonne humeur, ce sourire est contagieux. C’est-à-dire que lorsque vous souriez à votre interlocuteur, son cerveau se met à sécréter des hormones de plaisir, comme s’il était lui-même joyeux. Cette sécrétion d’hormones lui permet de le détendre et d’aborder plus sereinement l’épisode de communication. Merci qui ? Merci à nos neurones-miroirs !
Pour aller plus loin, suivre notre formation en ligne : Comprendre et accompagner les émotions de l'enfant.
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