Parlez-vous le langage des émotions ? Par Arnaud Deroo
Consultant en éducation, thérapeute et psychanalyste, auteur
Françoise Dolto disait : « le jeune enfant est un être de langage », ajoutons qu'il est avant tout un être d'émotions. Émotions qui ont besoin d'être entendues, reconnues, nommées, mises en mots. Si l'enfant n'est pas entendu dans son vécu émotionnel et même puni pour ces états (si, si je vous assure...ça peut se voir encore !) il développera une fragilité de son estime de soi, vitamine si indispensable pour devenir adulte.
Quand je dis que le bébé, le jeune enfant, est un être d'émotions, c'est simplement se rappeler ce que nous ont appris Wallon et Piaget. L'un parle du stade émotionnel et l'autre du stade sensori-moteur, donc s'occuper de l'émotion de l'enfant n'est pas une chose neuve bien que l'on pourrait le croire, vu le nombre d'ouvrages autour de ce sujet.
L'émotion est ce qui se meut en soi, en l'enfant, ce qui donc, met en mouvement, en vie. L'émotion est physiologique, le jeune enfant va sentir, ressentir dans son corps et il va ensuite l'exprimer par le corps.
Une émotion vécue par l'enfant peut être bruyante dérangeante, déstabilisante... Le vécu et la mise en mot de l'émotion du jeune enfant va l'éveiller à la vie : moment heureux, moment moins heureux, et face à ces états intérieurs l'enfant a besoin d'adultes hautement compétents.
Offrir aux tout-petits des professionnels, des accueillants qui accompagnent « suffisamment bien » les émotions de l'enfant va leur permettre de développer cette fameuse autonomie que nous retrouvons dans tous les projets crèche alors que l'objectif premier selon moi devrait être plutôt : accompagner les émotions de l'enfant.
L'émotion n'aime pas être interrompue, elle a un cycle de vie qui lui est propre, elle surgit et disparaît sur un mode tout à fait imprévisible et irrationnel. Une émotion a besoin de s'exprimer là, maintenant.
Si l'émotion ne s'exprime pas et est enfermée, elle trouvera d'autres moyens pour se faire entendre (crise de rage, réactions disproportionnées...). Le jeune enfant n'a pas cette capacité de chercher des options « civilisées » dirons-nous pour évacuer....
Développer son écoute émotionnelle auprès du jeune enfant, du bébé, c'est développer son empathie, le jeune enfant n'a pas de mots, il a besoin d'adultes de référence, stables, réguliers qui le connaissent, le reconnaissent pour lui servir de caisse de résonance, de miroir de son vécu émotionnel, d’où l’importance du référent (j’y reviendrai lors d’une prochaine chronique). L'empathie qu'il recevra de l'adulte par les mots, par la gestuelle, par le corps à corps va donc l'aider à s'épanouir à la vie. Cette écoute émotionnelle, cette empathie est le premier jalon pour construire une humanité.
Accompagner l'émotion du jeune enfant ne veut pas dire s'approprier l'émotion de l'enfant, ne pas chercher à la faire taire (tétine dans la bouche, bercer, attirer sur).
Non, accompagner l'émotion de l'enfant suppose d'être proche de l'enfant pour soutenir l'émotion, même lorsqu'il est pris d'une grande colère, de ne pas interpréter, établir un contact par un toucher respectueux, ni trop envahissant, ni trop protecteur, mettre en mots ce qui se passe pour l'enfant, donner confirmation à ce vécu et d'aider l'enfant à trouver satisfaction.
Plus l'enfant est confirmé dans son vécu émotionnel dans ce qui ce vit pour lui, plus il apprend à civiliser son comportement. Plus une équipe aura développé des compétences dans l'accompagnement émotionnel, plus elle aidera l'enfant à enrichir son estime de soi.
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