Le maître est l’enfant
Un film documentaire sur la pédagogie Montessori
Alexandre Mourot
Alexandre Mourot l’a découverte quand il est devenu père et s’y est intéressé de près. Il nous propose aujourd’hui un film qui montre concrètement comment cette pédagogie fonctionne auprès des tout-petits. Le réalisateur nous offre d’abord quelques images issues de la première année de sa fille : nous nous émerveillons avec lui de sa capacité à progresser sans l’aide d’un adulte, par exemple quand elle passe du ramper à la marche. Il nous invite ensuite à suivre le quotidien d’une classe accueillant des enfants de 3 à 6 ans au sein de la plus ancienne école Montessori de France. Il y a posé sa caméra pendant plus d’un an : des images sur lesquelles se greffent parfois la voix off du réalisateur ou la parole de Maria Montessori, incarnée par l’actrice Anny Duperey.
Dans la classe de Christian Maréchal, on découvre une trentaine d’enfants, tous attelés à des activités différentes… dans le silence. Ce calme serein est une des sensations qui nous marquent le plus en regardant le film. Quel est le secret de cette réussite ? Une grande fermeté de la part des accueillants ? Justement, non. Ici, on ne gronde pas un enfant, on ne lui dit pas qu’il s’est trompé, on ne lui impose pas une activité qu’il ne veut pas faire : on pratique la communication non-violente et on lui laisse choisir ce qui lui plaît. On les voit ainsi arroser des plantes, transvaser de l’eau, construire des ponts, découper du papier, empiler des cubes… Et aussi des choses qui peuvent nous surprendre, voire nous choquer : allumer une bougie avec une allumette, couper des tiges avec un sécateur… Les enfants semblent avoir une grande liberté, loin du souvenir de nos classes maternelles classiques où nous nous attelions à une seule et même activité imposée par le maître ou la maîtresse.
Tout cela est pourtant bien pensé et attentivement surveillé par l’éducateur et les autres professionnels. Ils veillent à ce que chacun accomplisse en toute sécurité son « travail » et emploie utilement les objets à sa portée. Mais en restant en retrait, pour permettre à l’enfant de s’exprimer… et le laisser se tromper ! « L’erreur est constitutive d’une réussite », souligne Christian Maréchal. C’est ainsi qu’au fil des jours, des semaines et des mois on suit la progression de chaque enfant dans ses acquisitions : lecture, motricité fine… Toujours dans le respect de son rythme, de ses envies, de ses besoins. Les enfants circulent librement au sein des espaces. Ils choisissent un atelier, travaillent dessus aussi longtemps qu’ils le souhaitent, puis se tournent vers un autre… Et s’ils veulent jouer dehors ? C’est d’accord. Pourquoi insiste-t-on autant sur le respect du rythme de l’enfant dans cette classe ? Comme l’explique Alexandre Mourot, il faut prendre en compte sa période sensible, qui correspond à « un moment privilégié dans [son] développement pour acquérir des compétences spécifiques. Une fois cette période passée, la sensibilité cesse et se perd alors l’occasion pour l’enfant d’une conquête naturelle d’un apprentissage ».
Naturellement un climat de paix s’installe dans la classe : chacun respecte l’activité de l’autre et les plus grands aident les petits nouveaux à comprendre les ateliers. Une entraide qui nous rappelle – ou nous prouve - que la socialisation des enfants commence très tôt.
Toutes ces valeurs sont importantes pour Alexandre Mourot qui n’adresse pas son film qu’aux professionnels ou aux parents mais à toute la société : « Les défis de l’éducation, de la citoyenneté, de la paix, du respect des hommes et de la planète accompagnent toute l’œuvre de Maria Montessori et traversent mon film me semble-t-il ».
On est complètement pris par ces images qui nous rappelle des sensations émotions et des de notre propre petite enfance. On se sent porté et apaisé.
La seule question qui reste en suspens c’est l’après. Après une telle liberté d’action dans la classe, comment les enfants réussiront-ils à s’intégrer plus tard dans une école « classique » où les règles sont figées, l’erreur est pénalisante et le collectif prime sur l’individualité ?
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