Peut-on être juge et partie en matière de qualité d’accueil des jeunes enfants ? Par Laurence Rameau

Puéricultrice, formatrice, auteure

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bébé à la crèche
L’accueil des jeunes enfants est placé sous le contrôle et la surveillance des services départementaux de la protection maternelle et infantile (PMI)… Certes, c’est la loi. Mais cette dernière peut-elle être à la fois juge et partie en matière de qualité d’accueil ? Deux exemples pour illustrer cette question.

Premier exemple :
Un maire d’une petite commune décide de construire une crèche. Il s’entoure d’architectes et de professionnels de la petite enfance (directrice de crèche et spécialiste de l’accueil des jeunes enfants, expert en pédagogie et formation de professionnels), lesquels travaillent ensemble à allier pédagogie de la petite enfance et construction architecturale. Tous présentent le « pré-projet » lors d’un conseil municipal. A cette occasion les partenaires de la CAF et de la PMI sont également invités. La personne représentant les services de PMI prend alors la parole pour regretter de n’être pas plus associée au projet à ce stade et rappeler qu’il revient à ses services l’instruction des demandes d’autorisation ou d’avis pour l’ouverture d’un établissement d’accueil !
Les professionnels des services de PMI se veulent être des conseillers techniques en amont de toute réalisation de projet d’établissement d’accueil du jeune enfant, mais ne sont pas spécialistes ni du développement de l’enfant, ni de la pédagogie, et encore moins de l’architecture. Chaque architecte sait lire et respecter les normes obligatoires et nombreuses, particulièrement pour la construction d’une crèche. Chaque professionnel encadrant de crèche sait comment se déroule une journée avec les enfants à la crèche, chaque spécialiste de la pédagogie de la petite enfance connait les organisations les plus favorables au développement des enfants. Peut-on penser aujourd’hui que ces personnes se fourvoieraient dans un projet qui ne remplirait pas les conditions prescrites ?
S’il est normal qu’il existe un contrôle afin de vérifier la bonne conformité des locaux aux normes en vigueur, tant au niveau de la sécurité que de l’hygiène, s’il est normal que ces contrôles soient effectués par les services de PMI des départements, il n’est pas normal que la créativité, le dynamisme et l’envie des spécialistes de la petite enfance soient entravés par des personnes qui se proclament conseillers, refusant d’être dans un rôle unique de contrôle et d’enregistrement.  

Second exemple :
Une société rachète une crèche qui, faute d’entretien et de travaux, ne présente pas les normes d’hygiène et de sécurité en vigueur, alors que cette crèche bénéficiait d’un agrément donné par le Conseil départemental, suite à l’avis du même service de PMI. La société qui a acquis la crèche décide de faire des travaux pour la mise aux normes et l’amélioration de l’accueil des jeunes enfants. Elle informe les services de PMI du rachat effectué. Avant même qu’elle ait eu le temps d’entamer les travaux prévus, le représentant du service de PMI impose une visite pour notifier tout ce qui ne convient pas, c’est-à-dire tout ce que les professionnels spécialistes petite enfance de la société, avaient déjà constaté ! Alors quelle est la raison de cette visite ? Insister pour connaitre les intentions et à donner son avis sur les travaux envisagés ! De quel droit ?  Encore une fois si le contrôle est nécessaire et incontestable, pourquoi embêter les spécialistes, qui de toute façon, présenteront une crèche dont la rénovation ne fera qu’améliorer les conditions d’accueil ?  

Que cache la volonté de la PMI d’être partie prenante dans les décisions ? Sous couvert de partenariat « à l’amiable », ces services imposent leurs propres visions de l’accueil de la petite enfance, reflet de leur idéal personnel. Pour eux, cela s’avère plus efficace puisque, pour ne pas bloquer le projet, les gestionnaires cherchent à entrer dans les cases préétablies de chaque PMI ou de chaque professionnel de PMI, lesquelles cases sont souvent différentes d’une PMI à une autre ou d’un professionnel à un autre.

Les guides et référentiels existants tempèrent leurs ardeurs, mais n’ont pas de valeur légale et le problème est ailleurs. En effet, lorsqu’un un défaut de sécurité ou d’hygiène est constaté par un service de PMI, il est notifié et le gestionnaire a un certain délai pour faire opérer la rectification demandée. Mais ce dernier peut aussi contester la réalité du défaut et faire valoir ses droits, ne serait-ce que dans des cas d’abus de pouvoir ou de demandes non justifiées de la part de la PMI. Les faits sont à la fois constatables et contestables par tous. Ainsi, le service de PMI est juge et il peut aussi être mis en cause par un autre juge, celui du tribunal administratif, en cas de besoin. Mais lorsque le juge et aussi partie, il n’y a aucune contestation à produire, puisque pour ouvrir la crèche il faut bien faire comme il « veut » !
Sous couvert de bonnes intentions de type : « on doit travailler ensemble », c’est un monde de pressions qui surgit devant ceux qui veulent faire des crèches, avec des achats de matériels ou de travaux parfois parfaitement injustifiés. 
Un petit exemple ? L’obligation de mettre des escaliers pour la table de change alors que les professionnels ont fait le choix pédagogique de changer debout, les couches des enfants qui marchent ! Alors faut-il résister ou se courber ?
Article rédigé par : Laurence Rameau
Publié le 22 avril 2018
Mis à jour le 22 avril 2018