Le dogme du sommeil-roi. Par Laurence Rameau
Puéricultrice, formatrice, auteure.
Pour exemple je pense aux équipes de crèche qui ont du mal avec l’idée de réveiller un enfant lorsque sa sieste dépasse l’horaire de 15h00, 16H00 ou même 17H00 parfois. Ils se heurtent alors à des parents mécontents car ils viennent chercher un enfant qui sort du lit et n’a pas encore goûter ou à des parents fâchés car la soirée risque d’être longue avec cet enfant qui n’aura pas sommeil de sitôt. Les professionnels sont choqués que des parents demandent que leur enfant soit réveillé pour ne pas dormir aussi longtemps à la sieste. Ces professionnels supposent-ils alors que ces parents ne font pas les choses correctement ? Qu’ils ne font pas ce qu’il y a de mieux pour leur enfant ?
C’est parce qu’ils ont été bercés par le dogme du sommeil-roi qui se traduit par la sacro-sainte phrase : « on ne réveille pas un enfant qui dort ! ». Ils ne tiennent pas compte de la vie familiale à suivre et pensent même que si l’enfant dort autant c’est qu’il ne dort pas assez chez lui. Un vrai cercle vicieux ! Sans doute sont-ils un peu hypocrites car cet enfant qui ne doit pas être réveillé à la sieste et n’arrive pas à s’endormir le soir chez lui, le sera à coup sûr par ses parents le lendemain matin pour cause de travail ! Certes il ne le sera pas par les professionnels de la crèche !
Le sommeil de la sieste est-il plus important que celui de la nuit ? Bien évidemment non : à la sieste l’enfant se repose alors que la nuit il grandit, son cerveau se réorganise, et pleins d’autres évènements biologiques se déroulent. Les professionnels préfèrent-ils laisser les parents se débrouiller, reléguant alors leur rôle de soutien à la parentalité, complètement occulté par le dogme en question ?
Sans doute est-ce cela une recette de puériculture qui a vocation à changer en fonction des époques. Il fut un temps où l’on réveillait les bébés afin qu’ils mangent à heure fixe et soient bien « réglés ». Cette recette a subi un virage à 180 degrés pour s’installer aujourd’hui dans une pratique inverse dont il est difficile de sortir. Suivre le rythme de l’enfant au mieux ne relève pas de la recette et s’entend en fonction d’autres paramètres.
Si nous ne voulons pas tomber dans les pièges de ces recettes il convient de toujours bien réfléchir. Que vient faire un enfant à la crèche ? Quel est l’intérêt de sa venue à la crèche ? Il vient jouer, explorer, expérimenter les objets comme les relations sociales, et ce dans un environnement différent de celui de sa maison avec ses parents. Le temps de jeux et d’accompagnement de ce jeu par les professionnels est le plus important pour lui. Evidemment il doit pouvoir se reposer, faire la sieste, une ou deux heures après le repas du midi. Parfois une petite sieste du matin et du soir en fonction de son âge. Mais dormir trois ou quatre heures et parfois plus de manière régulière, à cause de ce fameux dogme : « s’il dort c’est qu’il en a besoin », me semble erroné parce qu’il ne tient pas compte de l’ensemble de ce qu’il vit et de ce que disent ses parents. Je pense qu’à ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, nous devons suivre la volonté parentale et nous départir de ces recettes toutes faites qui sont en réalité des pièges dans lesquels il est facile de se laisser entraîner tant le dogme peut être puissant, énoncé par des professionnels qui représentent alors l’institution et parfois son omnipotence.
Notez ici qu’à aucun moment je n’ai supposé que les professionnels préféraient laisser dormir longtemps les enfants à la sieste parce qu’ainsi ce temps est plus calme avec moins d’enfants…Notez aussi que je n’ai jamais vu aucune équipe décider de ne lever les enfants qu’à partir d’une certaine heure... Pas plus d’équipe préférant que les enfants dorment dans le noir, parce qu’ils dorment mieux. D’ailleurs n’est-ce pas pour cette raison qu’ils sont souvent déshabillés, parfois mis en pyjama ou dans une gigoteuse, pour faire comme la nuit ? Non c’est pour qu’ils soient mieux !
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