Plus royaliste que le Roi ! Par Françoise Näser
Assistante maternelle, auteur
Par rapport à nos parents-employeurs, par rapport aux enfants accueillis, nous devons définir par nous-mêmes quelle attitude adopter. Par rapport à notre emploi du temps, par rapport à notre propre famille, au matériel utilisé, aux activités (ou pas), à la fréquentation du RAM (ou pas), aux relations avec notre puéricultrice référente (lorsqu’on sait qui c’est). Même par rapport à la manière dont nous appliquons la Convention Collective, quelle interprétation nous décidons d’en faire, ou comment nous allons appliquer concrètement telle ou telle nouvelle loi. Définir ce qui fera de nous de bonnes professionnelles occupe donc une bonne partie de notre temps.
Parfois on peut sourire de certaines questions qui commencent invariablement par « a-t-on le droit de ? » . Ai-je le droit, en effet, de recevoir un paquet et de laisser pénétrer un livreur chez moi sur mon temps de travail ? Ai-je le droit de faire venir un artisan (électricien ou plombier, si déjà tu as la gentillesse de bien vouloir venir me réparer ce qui est cassé, vais-je devoir exiger de toi un extrait de casier judiciaire ?). Ma sœur (ma cousine, mes amis ...) peuvent-ils passer quelques jours chez nous et dois-je en avertir la PMI ? Certains, plus strictes que la PMI elle-même, auront tôt fait de répondre que nous ne devons voir personne sur notre temps de travail : « inviterais-tu ta famille, tes amis, sur ton lieu de travail, bureau, usine, magasin, toi la mauvaise professionnelle ?! »
Ai-je le droit d’avoir un chien (un chat, un iguane ...), dans la maison, dans un enclos, à l’extérieur ? Mon fils fête son anniversaire : a-t-il le droit d’inviter ses copains ? Mon conjoint a-t-il le droit de rentrer déjeuner à midi ? Mon conjoint (encore lui) est en arrêt maladie : a-t-il le droit de se reposer dans notre chambre (de faire venir le médecin, le kiné ...) ? Ma fille a son cours de danse le mercredi après-midi : puis-je l’y emmener avec les petits ? Ai-je le droit d’aller chercher mes propres enfants à l’école ou dois-je les inscrire obligatoirement à la garderie ? Et que faire d’eux durant les vacances ? Ai-je le droit d’aller avec les petits à la piscine (d’avoir une pataugeoire, de les laisser jouer dans l’eau ...) ? Ai-je le droit de sortir lorsqu’il fait très chaud (très froid) ?
« Ma puéricultrice exige que je supprime mes lits-parapluies (mes lits à barreaux, mes chaises hautes, mon micro-ondes …) : a-t-elle le droit ? » On exige de moi que je clôture mon jardin trop grand, que j’enlève les cailloux de mon allée, que j’arrache mes rosiers, que faire ? Je passe en commission car dans ce département, mes quatre place d’agrément sont incompatibles avec le nombre de mes propres enfants : comment me défendre ? On me demande d’acheter une poussette quatre places, pour conserver mes quatre places d’agrément, alors que les plus grands ont acquis la marche : que répondre ?
Grande question : ai-je le droit de donner des médicaments ? Là-dessus, les plus calmes d’entre nous en viendraient presque aux mains ! Ai-je le droit de prévenir les autres parents que Petit Loulou a la rougeole (la gastro, la varicelle ...) ? Comment respecter mon devoir de confidentialité ? Dois-je donner le nom de l’enfant qui a mordu Petit Loulou (le pauvre !) ou bien dois-je préserver son anonymat (tout relatif, l’anonymat, compte tenu du petit nombre d’enfants chez nous, encore plus si les autres bébés n’ont pas de dents !) Comment dois-je prendre la température ? Ai-je le droit de donner des suppositoires, d’utiliser le mouche-bébé ? Ai-je le droit de fabriquer mon liniment moi-même ? Si les parents de Petit Loulou ont oublié sa crème solaire, puis-je utiliser la mienne ?
Un millier de questions commençant invariablement par « Avons-nous le droit de ... » ! Un témoignage de la très grande fragilité dans laquelle nous travaillons et de l’inquiétude par rapport à l’absence de règles clairement connues de tous : chercher un cadre, des réponses, des solutions, voilà pourtant une attitude très professionnelle ! Souvent le simple bon sens nous aide, l’empathie des collègues devant des situations difficiles et douloureuses, le retour d’expérience, les échanges amicaux.
La bientraitance commence par nos relations entre nous : évitons de nous traiter mutuellement de mauvaises professionnelles et ne nous montrons pas plus royalistes que le Roi !
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