Plan pauvreté, pauvres de nous ! Par Françoise Näser
Assistante maternelle, auteur
« Pour l'assistante maternelle, je m'étais renseignée : effectivement, elle me demandait dans les 800€ par mois, ce qui est aberrant ! », s’écrie cette jeune maman dans un poignant reportage du journal télévisé à une heure de grande écoute (1). Et on la comprend ! On compatit devant sa difficulté à faire garder ses enfants et ses inextricables démarches pour obtenir une place en crèche. Néanmoins, présenter de la sorte ces méchantes assistantes maternelles qui exploitent la misère humaine, sans aucune explication complémentaire sur les aides conséquentes, crédit d’impôts et autres allocations que perçoivent nos parents-employeurs, c’est un violent camouflet pour toute la profession !
D’autant que la semaine précédente, c’était de nouveau les salaires des assistantes maternelles et leur soi-disant flambée qui étaient au cœur de l’actualité ! Quel média n’a pas repris et détaillé cette hausse phénoménale : telle notre collègue Olga qui a augmenté ses tarifs de 0,20€ en 8 ans (2) et qui semble s’en excuser, arguant de son ancienneté dans le métier, de son expérience et de l’augmentation du prix de la vie. Avec un temps de retard, la FEPEM a sorti d’autres statistiques, mais auprès du grand public, le mal est fait. Les assistantes maternelles sont donc riches et exploitent les plus vulnérables : c’est dit !
Le problème concrètement, c’est l’avance de trésorerie lorsqu’on devient employeur d’une assistante maternelle. Une fois le salaire déclaré en fin de mois à Pajemploi, il peut s’écouler un temps non négligeable entre le paiement de l’assistante maternelle et le versement des aides, mettant en péril le budget de nos parents-employeurs, rendant même quasi impossible l’accès à l’accueil individuel pour les plus démunis. Suis-je donc la seule à avoir proposé des arrangements financiers ponctuels pour faciliter à telle jeune maman le retour à l’emploi, ou pour avoir permis à d’autres de conserver leur droit à une formation débouchant sur un travail ? Je ne le crois pas.
Néanmoins, le gouvernement remet au goût du jour le projet du tiers payant pour permettre aux familles modestes de faire garder leur enfant. Cette idée est loin d’être nouvelle, mais comme c’est la seule concernant l’accueil individuel, il faut bien la mettre en avant. L’avantage pour nous serait de garantir le paiement de la plus grosse partie de notre salaire et rassurerait donc celles et ceux d’entre nous qui ont déjà dû faire face à des problèmes de salaires impayés. Certains employeurs indélicats poussant même le bouchon jusqu’à empocher le Cmg sans pour autant payer leur salariée, si, si ! Cependant la mise en place concrète du système peut d’autre part inquiéter, surtout s’il est concomitant au prélèvement à la source de l’impôt… Il va falloir rester zen !
Il est bien évident que face à cette absence de mesures, les assistantes maternelles se sentent abandonnées par les pouvoirs publics. Nous ne pouvons que constater avec tristesse et inquiétude la diminution régulière d’année en année du nombre d’assistantes maternelles en activité. Ce merveilleux métier n’attire pas : solitude, manque de soutien, dénigrement, problèmes de tous ordres… Pourtant, tous les matins, nous les voyons arriver heureux, nos petits loulous, et se jeter dans nos bras en riant. Nous les voyons partir au travail le cœur léger, ces parents qui nous confient ce qu’ils ont de plus précieux et qui nous font confiance. Assistante maternelle, c’est un métier certes épuisant et contraignant à bien des égards, mais qui remplit de joie et de bonheur. Se sentir utiles, appréciées par les tout-petits comme par leurs parents nous aide un peu à faire passer la pilule !
(1) France TV info
(2) JT de TF1 du 29 août 2018 : « Garde d’enfants : les nounous coûtent de plus en plus cher »
Connectez-vous pour déposer un commentaire.