L'éducateur qui sommeille en nous. Par Bernadette Moussy
EJE, formatrice (enseignement des courants pédagogiques)
Mais pour cela nous avons à apprendre à nous écouter. Il arrive que lorsque nous sentons par exemple, que nous voulons laisser une certaine liberté à un enfant, la famille ou les autres adultes nous critiquent. De bons conseils nous sont donnés par des membres de notre famille ou des collègues de travail : moi j’ai fait cela et ça a marché. De plus il y a tous ces ouvrages qui nous donnent des recettes, qui à la fois nous soulagent et nous culpabilisent. Si nous travaillons dans une institution, les horaires, les habitudes entretenues pas les anciens, les arguments pédagogiques, peuvent nous donner envie d’enfouir nos propres élans éducatifs. Nous avons à nous ajuster parfois à des données qui n’ont rien à voir avec l’éducation mais qui la rendent impossible, comme par exemple des questions d’horaire, de nombre d’enfants, d’absences de personnel... Si nous pensons que c’est mieux « d’écouter » un enfant quand nous le voyons souffrir, des habitudes éducatives nous sont rappelées quelque fois avec véhémence : tu vas te faire avoir ! L’expérience des autres, les principes, les références trouvées dans des lectures servent d’argument et nous perdons confiance.
Lorsque nous sommes en formation, les cours et les stages, nous enrichissent mais aussi nous déséquilibrent dans nos convictions. C’est intéressant oui, indispensable sûrement, mais nous avons ensuite à construire notre propre identité avec ce que nous sommes et non pas en laissant tel ou tel auteur nous impressionner. Nous sommes dans le « que faire » alors qu’il s’agit de penser, de se référer à sa culture pédagogique que nous continuons à construire entre théories et expériences. Nous connaissons nos limites, nous savons ce que nous pouvons faire ou pas, mais le contexte ne permet pas quelquefois de façon implicite et quelque peu insidieuse, que nous nous écoutions. Alors nous nous taisons et nous espérons le moment où nous pourrons utiliser notre démarche.
Et nous mêmes ? Ne serions-nous pas quelquefois notre propre censeur ? Nos peurs de ne pas dominer la situation, de ne pas savoir la gérer, d’être dépassés par nos comportements spontanés et ceux de l’enfant que nous ne régentons pas, nous empêchent de mettre en place un projet ou de répondre à une demande enfantine. Nous entrons dans un rapport de force.
Mais, ce qui sommeille en nous est bien là. Nous sommes amenés à le réveiller par une rencontre, une lecture, une conférence et surtout une expérience, qui nous redonnent confiance et nous confirment dans notre vérité. Nous confrontons nos idées avec des personnes pour qui nous avons de l’estime, nous nous enrichissons. Nos pensées se structurent, on peut les laisser se reposer aussi. Et au bout d’un certain temps, ce que nous avions mis en sommeil se révèle, nous avons pris de l’assurance, nous argumentons calmement auprès des autres nos choix, nos projets. Entre équilibre et déséquilibre, nous avançons et chaque expérience nous éclaire.
Et puis, les enfants ne seraient-ils pas les meilleurs éveilleurs de « notre l’éducateur » ? Ils nous donnent la possibilité de réfléchir sur soi, de se connaitre, de confirmer notre connaissance de nous-même que ce soit nos zones d’ombres et nos zones lumineuses. Comme dans le conte « La belle au bois dormant », ils vont nous chercher dans nos retranchements, ils réveillent en nous le créateur-éducateur à la recherche de la réponse opportune. Le dialogue s’instaure, l’éducation est là…
Et c’est cette recherche que l’enfant perçoit en nous, ces allers-retours entre nos différentes expériences. Il sent aussi nos doutes et nous sent vivants.
N’est-ce pas cela dont l’enfant a besoin ?
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