Témoignage d'une assistante maternelle : « Quand la joie d’être maman se heurte à la réalité »

Voici le témoignage de Nadège, assistante maternelle que son métier n’a pas protégée d’un sérieux baby blues frisant la dépression post partum quand elle a eu son premier enfant. « Je pensais que j’y échapperai » explique-t-elle. Son récit, poignant, précis, dissèque ce mal étrange qu’on ne voit pas venir concerne tous les pros (être pro et informée n’empêche rien pour soi-même) et toutes les mamans.

 
Toutes les femmes ne passent pas par là. Et j'ai envie de dire tant mieux ! Il y a celles qui critiquent :“fallait pas le faire alors !” Celles qui ne comprennent pas : “moi j'ai eu 3 enfants et je n'ai jamais eu ça !”Tant mieux pour vous ! Parce que moi aussi je pensais y échapper !

Je suis assistante maternelle, les bébés je connais !
Déjà numéro un, je suis ass mat! Les bébés ça me connait ! Pas de panique ! Et deuxio, on est quand même plutôt bien informées nous les futures mamans maintenant ! Reconnaître un mal, c'est déjà avoir des armes pour le combattre non ? Et paf ! Je suis tombée dedans. Bêtement sans le voir. Quelle gourde alors ! J'ironise mais pour celles qui connaissent...non, je ne riais pas. Une grossesse c’est 9 mois de chamboulements hormonaux et psychologiques, 9 mois pour certaines de petits et grands maux, un accouchement de rêve vs un accouchement horrible ! Moi ça a été ainsi : mon principal problème a été la fatigue ! J'ai tenu jusqu'au bout au travail. Avec le recul je ne sais même pas comment. Les deux derniers mois de grossesse sous canicule m’ont achevée. Bébé est donc arrivé un peu avant le terme. Par surprise lol. Au moins je n'ai pas appréhendé l’accouchement. Le voilà. Dans mes bras. Le choc. L'amour. Je l'ai de suite aimé ce petit.

Avant même de quitter la maternité, les premières idées noires
Puis la veille du départ de la maternité, je me suis retrouvée quelques minutes seule avec mon bébé. Il était dans mes bras après le biberonet  s'est endormi. Et là je l'ai regardé… Et j'ai ressenti une émotion indescriptible. J'ai littéralement eu l'impression de me sentir submergée. Par quoi ? Par un sentiment que je ne peux pas vous décrire. Je l'ai regardé et j'ai de suite pensé que si je le perdais je ne m'en remettrais pas. Je ne savais pas pourquoi je pensais ça, mais je l'ai serré tout contre moi. Et j'ai pleuré. Puis je me suis dit que c'était sûrement normal cette pensèe, que c'était peut-être ça l’instinct maternel… Quelques heures après, je camouflais comme je pouvais mes envies de pleurer. Une sage-femme peu sympathique est arrivée dans la chambre et a dit à mon mari “avec la chute des hormones votre femme va sûrement beaucoup pleurer. C'est ça qu'on appelle le babyblues ! Mais elle ne sera pas triste hein ! Elle aura juste besoin de pleurer, c'est normal et ça dure 3 jours”. Tiens ! Déjà je suis dans la pièce, yououh, n'hésitez pas à vous adresser directement à moi ! Lol. En tout cas ça m’a fait tilt ! Le babyblues c'est ça que je ressens ? On est rentrés chez nous dans l'après-midi. J'étais fatiguée, je n'avais pas dormi depuis la veille de mon accouchement. On avait eu du monde tous les jours à la maternité, et mon mari ne l'entendait pas la nuit car il était crevé aussi, je n'ai pas pu récupérer. Bébé se réveille toutes les 1h45, 2h pour le biberon. Normal, il vient de naître.

Première nuit à la maison, première crise de larmes !
Moi je suis un zombie. Premier soir chez nous, nuit atroce ! Jamais je ne l'oublierai. Bébé se réveille vers minuit. Le dernier biberon de 22h était encore un des micro bibi qu'on nous donne à la maternité. Minuit, moi, maman zombie, me lève, prends bébé koala et prépare son tout premier biberon de la maison. Et là, début du drame. Bébé se tord, s'acharne sur la tétine mais rien ne sort. Est-il trop fatigué ? Il n'avait pas vraiment faim ? Il n'aime pas ce lait ? Fatigue intense, accouchement, stress. Je me mets à paniquer. J'arrive à calmer bébé qui s'endort dans mes bras. Deux heures plus tard, même sketch. Bébé ne se calme plus aussi facilement, je pleure je lui parle, rien ne fonctionne. Il se rendort. 4h du mat :  nuit blanche pour maman. Bébé se réveille et hurle. Il aurait dû prendre déjà deux biberobs et il n’a pas bu plus de 10 ml. Je le prends, et refais un bibi. Je respire, je souffle, je me calme. Rien. Il devient rouge bleu je suis en larmes ! je pleure sans même essayer de ne plus faire de bruit et là je suis tellement en panique que je mets bébé à plat sur moi pour que le bibi coule de lui-même. Cette fois ça marche, mais bébé ne peut pas faire de pause, déglutit mal, s'étouffe presque. Je suis en pleurs en même temps que je lui donne à manger ! J'ai l’impression de le torturer. Mais je suis à bout et j'ai besoin qu'il mange. Cela va me rassurer. Le bibi terminé, je le recouche tendrement et là, je pars dans le garage pleurer par terre de nerfs et de fatigue. Les nerfs ne me tiennent plus, je n’arrive plus à m’arrêter. J'ai pleuré une heure comme ça. J'ai appelé ma meilleure amie. Elle est déjà maman. Elle va m’aider. J'ai eu la sensation d'appeler le messie. J'en attendais trop. En pleine nuit elle a répondu. Elle m’a écouté pleurer. Moi je culpabilisais. Je me disais que je la dérangeais. Je suis plus vieille qu'elle et elle a eu son enfant très jeune et elle a su faire de suite. Et moi j'étais là à pleurer toutes les larmes de mon corps. Elle m’a conseillé d'appeler au réveil la sage-femme.

La visite de la sage-femme me rassure
J'ai appelé la maternité qui m’a laissé à l’abandon. J'ai appelé la sage-femme de ma ville, 6h du matin, et lui ai laissé un message vocal de moi en larmes (pour changer lol). 9h elle était chez moi. Bébé dort depuis sa dernière crise avec moi. Moi je n'ai pas trouvé le sommeil. Elle me regarde, moi maman zombie, et me demande combien d'heures j'ai dormi. Je réfléchis …hum…1h cette nuit, 1h la veille…. J'ai accouché de nuit…. Ben 4h mis bout à bout. 4heures en 5 jours ! Je comprends mieux mes réactions.  Mon mari me dit que je prends ça trop à cœur, je pète un câble devant la sage-femme, de suite les larmes remontent ! Notre bébé ne s’alimente pas, il est con ou quoi ? (Texto), normal que je panique, non ? Il était où lui, quand notre pauvre bébé avait faim et attendait que sa maman lui donne à manger ? La sage-femme me calme. Elle comprend que je suis à bout, en manque de sommeil, et surtout, que ce qui s'est passé cette nuit m’a fait mal dans mon nouveau cœur de maman. Mon premier échec. Finalement on nous explique que bébé a sûrement du mal avec les tétines que j'avais achetées, elle nous conseille une marque de biberon en pharmacie, j'y envoie Monsieur dès l’ouverture. 11h00 : bébé mange dans mes bras. Lentement, sûrement, doucement et surtout paisiblement. J'embrasserais la terre entière.

Je ne pense qu'à mon bébé  et cela m'insupporte
Premier constat : alors comme ça maintenant tout va tourner autour de lui, chaque sentiment, échec, passion… Tout sera intense comme ça ? Les jours passent. Bébé me remplit de joie et de désespoir. Je n'accepte pas ce nouvel état. Que m’arrive-t-il ? Pourquoi je pleure dès qu'il pleure, dès que je ne comprends pas ce qu'il a. Pourquoi je panique ? Pourquoi je suis une épave ? Je ne supporte pas l’idée qu’à présent il n’y ait plus que lui dans ma tête ! Comme toute mère on ne peut pas dire ce qu'on ressent. On va être jugée ! Ils ne vont pas comprendre… Les gens. Les parents. Les amis. On est censé être juste sur un nuage non ? Les fameux jours du baby blues sont passés et je pleure toujours autant. Je suis en osmose avec bébé mais au moindre de ses cris, c'est la panique la plus totale. J'ai honte, je me cache. Maintenant il a des coliques. C'est la catastrophe pour moi de le voir comme ça. Je tâte le terrain avec mes copines... Mais aucune ne comprend mes allusions. Aucune n’a apparemment été mal comme ça. Je repense à la sage-femme de l'hôpital “elle pleure mais n'est pas triste”. Quelle idiote, je suis malheureuse comme pas permis tu as menti !

Un médecin à l'écoute
J'ai eu un médecin traitant formidable. Au début elle n’a rien vu ! Je le cachais très bien il faut dire aussi. Puis quand on est jeune maman on peut tout camoufler sous l'excuse de la fatigue. Mais au fil des semaines elle voit un malaise chez moi. Que personne ne voit. Mon bébé fait de l'eczéma sur tout le visage. Il est à vif. J'ai cru à l'acné du nourrisson et j'ai tardé à y aller. Lorsqu'elle m’annonce ça, et rajoute qu'il faut de suite traiter car ça ne doit pas traîné aussi longtemps, je m’effondre. J'embrasse le front de mon bébé en pleurant et en m’excusant. Là elle me fait asseoir. Me diagnostique d'abord un baby blues un peu longuet mais hésite sur une dépression post-partum. Ça me rassure. Elle me dit que de par mon métier je me mets trop de pression, que je reste une nouvelle maman et que j'apprends. Elle me reproche de ne pas avoir dit mon état. Si elle savait… Pour l'instant on me diagnostique un gros babyblues à cheval entre ça et le post-partum. Mais c'est sans compter sur les prochaines semaines. Je crois voir de l'amélioration. Mon conjoint reprend son travail. Un nouveau rythme va s'installer. Pas simple du coup. Tous les couples passent par là ! J'essaie de pas paniquer. Mais peu à peu mon état général s’aggrave. Je suis isolée. Mes amies habitent loin. La seule qui est d'ici vient de perdre son bébé à 3 mois de grossesse. On s'est pas mal éloignées depuis la naissance. Je n'ose plus trop lui écrire. Et comment me plaindre à elle, qui ne le portera jamais dans ses bras cet enfant, alors que le mien est là, sous mes yeux en pleine santé ! J’ai trop honte. J'envoie des photos où je suis toute heureuse avec bébé koala. Je le suis ceci dit.

Des penssées morbides m'envahissent : j'ai peur pour mon bébé
Mais je cache autre chose. Maintenant depuis quelque temps j’ai des pensées étranges. Je pense à si je le perdais. S’il mourrait. Au début je me suis dit que j'avais peur de la mort subite du nourrisson. Ça peut se comprendre. On a tous cette crainte. Mais les images sont apparues. Je ne suis pas encore apte à en parler car même après tout ce temps j'ai honte. Mais des choses qu'une maman ne devrait pas s’imaginer ont fait surface. Suis-je en train de devenir folle ? J'essaie de parler à mes amies mais c'est difficile et je suis très vague, aucune ne comprend que je vais mal. Toutes me croient dans une bulle et me laissent tranquille. C’est tout le contraire dont j'ai besoin. Je souffre. Je suis terrifiée. Je voudrais juste ne plus ressentir quoi que ce soit de mauvais comme ça. Juste le bonheur d'être maman. Zut,  je l’ai attendu ce bébé. J’ai vu toutes mes amies devenir mère avant moi j'en souffrais tellement. En silence. Et là il est enfin là et en bonne santé. Un après-midi je m'effondre, les images et scénarios passent dans ma tête de maman épuisée…je le regarde dormir et je n'arrive jamais à me raisonner. Qu'est -ce qui se passe ? Suis-je folle ? J'écris une lettre à mon médecin et je la mets dans sa boîte aux lettres.

Sauvée par mon médecin traitant !
Ce geste a été salvateur. Le lendemain elle m’appela en me disant de venir de suite. Je prends koala avec moi, et pars chez le médecin pleine de culpabilité, comme un mauvais élève va dans le bureau du directeur. Et là, de toute sa douceur, elle me dit que non, je ne suis pas folle, qu’elle sait enfin ce que j’ai ! On avait fait fausse route. Enfin pas tout à fait… Dans ma lettre j'ai expliqué au docteur mes images. Notamment celle de mon bébé dans un cercueil. Cette image me faisait mal car quelques années avant ma sœur avait perdu son bébé. Et cette image d’elle devant son cercueil m’avait fortement marquée à l'époque. M’avait terrorisée même. J'avais bien fait un babyblues mais il s'est transformé en choc post traumatique. Être devenue maman a fait ressurgir ce choc de l'époque, ce deuil que je n'avais pas fait, et me bouffait ma maternité. J'avais peur de le perdre car je savais que c'était possible et que j'ai vu la souffrance causée à une mère. J'étais obnubilée par cette peur. On m’a de suite dirigée vers une psychologue fabuleuse et rien que d'en avoir parlé à quelqu'un, tout a commencé à rentrer dans l’ordre. Un congé maternité dans la souffrance dont je ne veux retenir que le meilleur aujourd'hui et une explication à la fusion qui unit mon bébé koala à sa maman. Je pense à toutes ces mamans qui ont eu ne serait-ce qu’un baby blues ou une dépression post-partum. C'est un isolement dont il faut parler pour s’en sortir. Je pense à toutes celles qui n'osent pas et j’espère que ce texte pourra les aider.

 
Article rédigé par : Nadège
Publié le 06 mars 2018
Mis à jour le 06 mars 2018