Repenser la place du corps de l’adulte dans les lieux d'accueil du jeune enfant

Il suffit de visiter des crèches et d’écouter les demandes et les plaintes des personnes qui y travaillent pour comprendre qu’il faut revoir complètement la place de l’adulte dans le système de prise en charge des tout petits dans les structures d’accueil. Il est urgent de se pencher sur la pénibilité des conditions de travail de ces personnels et de prendre en compte les risques pour le rachis et les articulations des membres supérieurs.
Des aménagements peu respectueux des professionnels
Les structures d’accueil collectives sont conçues par des hommes qui n’ont jamais manipulé de tout -petits. Les pièces de psychomotricité par exemple souvent très grandes alors qu’elles accueillent des enfants qui marchent et qui sont autonomes alors que les dortoirs, eux sont systématiquement étroits et obligent souvent à faire dormir les plus petits des enfants dans des lits à barreaux superposés dans des locaux aveugles sans fenêtres. L’accès au couchage bas, sous le couchage haut présente un risque énorme pour le rachis de l’adulte car les manipulations sont pluriquotidiennes pour l’adulte.
Les postes de change sont trop souvent standard. La place pour changer bébé est étroite et ne permet pas de placer l’enfant de côté quand il commence à grandir et à donner des coups de pieds dans le ventre de l’adulte qui le change. L’accès au robinet est souvent éloigné et oblige l’adulte à se pencher dangereusement, voir de monter sur un petit banc pour accéder au point d’eau.  Pour le poste de change des plus grands les fabricants intègrent souvent maintenant des escaliers mais ceux-ci sont peu utilisés car les marches sont parfois trop hautes et les enfants ne peuvent pas monter seul.

Du matériel pensé pour la sécurité de l’enfant au détriment de celle de l’adulte
• Les lits hauts pour le couchage des tout petits. La grande majorité de ces lits nécessitent une manipulation des deux mains voir plus puisque certains ne s’ouvrent qu’en appuyant a quatre endroits simultanément ! Comment faire quand on porte un bébé dans ses bras ?
• Les tables et les chaises des repas des « grands » sont conçues pour que ceux-ci soient bien installés à la bonne hauteur. Très bien mais quid de la position de l’adulte qui doit gérer et s’occuper du repas  pendant au moins une demi-heure ? Comment et où s’installe-t-il ?
• Les meubles de rangement sont conçus pour durer, ils sont solides, souvent en bois et très lourds. Mais il faut faire le ménage quotidiennement et déplacer tout ce mobilier qui n’est pas encore systématiquement  proposé sur roulettes par les fabricants.

Apprendre les bons gestes et les bonnes postures
Les contraintes rachidiennes et articulaires sont une réalité quotidienne des femmes qui travaillent dans le secteur de la petite enfance. Il faut donc intégrer la notion de risque de port de charge répétitif. Il faut repenser la place de l’adulte et demander aux fabricants de matériel de puériculture qu’ils intègrent la notion d’ergonomie de l’adulte dans la conception de leur matériel. Enfin, il faut évidemment former ces personnels aux techniques de port de charges mais pas n’importe comment ! La manipulation des tout petits ne s’effectue pas comme la manipulation d’un pack d’eau ou d’une bouteille de gaz ! Il ne suffit pas de plier les genoux et de garder le dos droit pour protéger son dos. Les formations à la prévention des risques rachidiens doivent être effectuées par des professionnels de santé qui appliquent le principe de la balance rachidienne et prennent en compte l’enfant/charge. La formation doit être effectuée avec l’ensemble de l’équipe et sur le lieu de travail.
Article rédigé par : José Curraladas Masseur-kinésithérapeute DE Fondateur de « L’Ecole du Dos de la Petite Enfance »
Publié le 21 mars 2017
Mis à jour le 28 avril 2021

2 commentaires sur cet article

Bonjour, depuis 15 ans en crèche, les constats que vous faites ne sont pas nouveaux. Les formations gestes et postures n'ont jamais permis aux professionnels de changer en profondeur leurs mauvaises habitudes prises dès leur premier poste. Mon analyse est qu'en crèche, les géants évoluant dans un environnement de nains vont forcément s'épuiser physiquement. Certes le mobilier y est pour beaucoup, mais il y a aussi la mobilisation souvent inutile des enfants. Prendre un enfant au sol pour le lever à hauteur d'adulte est le mouvement le plus pratiqué et le plus éprouvant. Alors, nous pourrions nous dire : et si tout était fait au sol ? oui, mais pensons aux professionnels qui peinent à se mettre au sol...Bref, vous constatez que je n'ai guère plus d'arguments que vous, mais la réflexion sur ce sujet m'intéresse au plus au point...J'ajouterais que je n'ai jamais rencontré de professionnels et de groupe de travail s'intéresser à ce problème de pénibilité, vécu essantiellement par des femmes (domaine quasiment féminin). Si d'aventure ce sujet intéresserait des professionnels comme moi, je serais ravie de faire partie d'un réel travail d'innovation en la matière. Ed Wood
Merci Ed Wood pour ce commentaire malgré tout un peu pessimiste; non, il est possible de faire évoluer la situation dans les crèches. La formation gestes et posture ne suffit pas certainement, encore faut-il que celle-ci soit une BONNE FORMATION! ce qui est très loin d'être le cas car à ma connaissance, je suis le seul professionnel de santé avec l'Ecole du Dos de la Petite Enfance qui apporte un message de prévention cohérent et spécifique dans le secteur de la petite enfance basée que la balance rachidienne et l'approche gestuelle de l'enfant. Je suis d'ailleurs malheureusement le seul a publier sur ce sujet en France!!! D'autre part, il faut effectivement réunir trois critères pour que cette ergonomie soit efficace: 1/ Une formation de qualité sur site, avec l'ensemble de l'équipe 2/ Une conception des locaux en prenant en compte l'avis des professionnelles et des préventeurs qui travaillent sur le sujet depuis de nombreuses années 3/ Une collaboration avec les fabricants de mobilier pour qu'ils intègrent le corps de l'adulte dans leur projet c'est possible, ce sera long mais le Label Qualité que l'Ecole du Dos a lancé cette année va peu être faire bouger les lignes http://www.dosetpetitenfance.fr/le-label-qualite.html