La « slow pédagogie » : la simplicité au service de l’accompagnement des jeunes enfants
C’est ainsi que Méline fait vivre le projet pédagogique de sa structure. Ses ateliers ont même valu à son équipe de remporter un Girafe Award à chacune de ses trois participations à la Grande Semaine de la Petite Enfance.
Redonner de l’inspiration aux professionnels
En échangeant avec d’autres professionnels, Méline s’est rendue compte que cette approche n’était pas si répandue et que beaucoup, « en manque d’oxygénation », cherchaient avec peine des idées d’ateliers à proposer aux enfants. « J’en ai déduit que la simplicité est parfois complexe à mettre en œuvre, on est parfois amené à oublier les évidences qu’on a en nous. » Elle décide alors de mettre en mots son approche pédagogique et de lui donner un nom pour pouvoir en parler. Elle s’inspire des différents mouvements « slow » qui fleurissent depuis les années 90 et s’appuient sur le centrage, la qualité, la relation : la « slow food », le « slow media », la « slow esthétique » et même la « slow education ».
A son tour de créer le terme « slow pédagogie » qui signifie un accompagnement du jeune enfant ajusté à ses besoins et sa capacité à recevoir, comprendre et intégrer. Avec comme principe préalable de considérer positivement la curiosité de l’enfant et son activité spontanée. « Souvent il reste plus longtemps avec un objet qu’on ne lui a pas proposé parce qu’il a lui-même choisi de l’investiguer. Ce serait dommage de l’arrêter dans son élan de curiosité ! … Même si l’objet choisi n’est pas classifié, par l’adulte, comme un « jouet ». Il n’y a pas que ces derniers (et loin de là d’ailleurs !) qui possèdent un grand potentiel de découverte ».
En pratique, la slow pédagogie se décline en 4 axes.
- Valoriser la curiosité de l’enfant
« Cuisiner avec les parents, faire de la couture avec les grands-parents… Si les enfants restent avec nous pendant une activité quelconque, c’est parce que ça les intéresse ! Je suis partie de ce constat pour créer des ateliers de vie, comme dans la pédagogie Montessori. » Méline propose ainsi des ateliers de manipulation avec des objets du quotidien, tels que des jeux de transvasement avec du matériel en verre, un moulin à café... Des ateliers tisanes où on fait couler de l’eau tiède dans la théière, dégouliner du miel dans l’eau. Des ateliers cuisines pour simplement tamiser de la farine, casser des noisettes. Ou encore des tâches quotidiennes de la maison : faire la vaisselle, étendre le linge, laver les vitres. « S’ils ont envie de le faire, ce serait dommage de ne pas répondre à ce besoin. On recrée donc volontairement ces situations et ils y passent facilement une heure tous seuls… » Il s’agit de valoriser la curiosité de l’enfant, la transformer en vrai temps d’acquisition et pouvoir aussi partager ces moments avec lui.
- Elargir les possibles des jeux habituels
« Quand on empêche un enfant de sortir du cadre de son activité, on interrompt tout le cheminement intellectuel qu’il peut y faire ». L’idée de la slow pédagogie est donc de mixer les jeux. L’enfant peut sortir du coin dinette avec son assiette ou au contraire mettre un Kapla dans sa casserole pour faire des frites ! « Une petite fille s’est amusée à poser des ballons sur les paires de bottes, une autre a pris soin d’empiler des tortues sur des cubes de couleurs correspondantes… Il n’y a pas un coin réservé pour chaque chose. » La clé pour éviter un trop grand désordre : d’office, ne pas installer trop de matériel à la fois dans la salle de jeu.
Il en va de même pour l’espace extérieur. Dans le jardin de la crèche La Crapa’hutte, il n’y a pas un coin sable et un coin eau. Car à force d’observer les enfants mélanger les matières, les professionnels les ont devancés en leur proposant des mises en scène pédagogiques propices au mélange : des figurines dans la boue à laver, des figurines à peindre puis à rincer. L’idée de cet atelier est d’ailleurs venue d’un jour où un petit garçon accueilli a demandé à nettoyer son petit zèbre à la salle de bain. « Cela m’a surprise - on est souvent rattrapé par notre regard d’adulte. Mais on a appris à se mettre un curseur dans l’équipe : c’est grave ou ce n’est pas grave. Dans le deuxième cas, on laissera l’enfant vivre son expérience. »
- Proposer de l’expérience
Ce troisième axe repose sur la mise en place d’ateliers qui donnent à comprendre à l’enfant - faire, défaire, répéter… Le rôle des professionnels est de mettre à disposition de l’enfant une activité dans laquelle il puisse lui-même se créer de l’expérience. Méline propose d’allumer un rétroprojecteur dans une salle obscure pour que l’enfant puisse y déposer ce qui lui passe sous la main et fasse ensuite le lien entre l’objet et sa réflexion sur le mur.
L’éducatrice encourage également les ateliers glaçons, grande source d’inspiration dans sa crèche où on congèle des pétales de fleurs, des figurines… enfin, à peu près tout ! Puis les petits ont à disposition des coupelles de sel, des pilons, des sprays d’eau chaude et réfléchissent eux-mêmes au meilleur moyen de récupérer l’élément. « En cachant des choses à l’intérieur des glaçons, on leur donne envie d’aller les chercher. Cela leur demande de la patience, car ça prend du temps. »
- Jouer en extérieur
L’environnement naturel trouve bien sûr sa place dans la slow pédagogie car pour Méline, autant profiter d’un cadre qui offre naturellement une multitude de découvertes et d’occasions d’apprentissages. « L’extérieur n’est pas fait que pour courir, faire du trotteur, se dépenser. Les enfants en auront vite fait le tour ! » Il s’agit d’habiller l’espace extérieur de propositions ludiques, avec le même soin et la même réflexion portée à l’aménagement intérieur. Tous les éléments naturels peuvent être mis à contribution : pétales de fleurs, graines, pommes de pin, terre, sable… Permettre un accès à l’eau (dans l’idéal, une pompe en circuit fermé), disposer des brouettes pour satisfaire le besoin de charrier, créer un chantier pour manipuler les cailloux…
Mais pas que. On peut recréer le même type d’espaces qu’à l’intérieur, comme le coin cuisine, le circuit de voiture ou la peinture. « On n’a pas besoin de sortir beaucoup de matériel pour vivre des aventures formidables. »
Adopter une écologie de fonctionnement
Pour mettre en pratique la slow pédagogie, Méline conseille d’adopter une posture dans laquelle le professionnel soit chercheur et impulseur des projets. Elle parle d’« écologie de fonctionnement », soit cibler l’investissement sur du matériel qui puisse servir à plusieurs ateliers. Cela demande un gros travail de recherche en amont et d’observation quand les enfants sont là. « L’idée est de ne plus être en posture de « devoir les occuper » mais de leur proposer un cadre ludique dans lequel ils peuvent cheminer seuls, avec toujours le soutien et la valorisation de l’adulte. »
Montessori, Reggio Emilia… On retrouve de nombreuses approches dans la slow pédagogie. Méline tient d’ailleurs à le rappeler : « Je n’ai rien inventé ! J’ai simplement rassemblé les connaissances sur le jeune enfant et remis en lumière des évidences que nous avons au fond de nous. »
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