Montessori pour les tout-petits, une grande diversité de pratiques
Une ouverture à double tranchant
Comment expliquer une telle diversité de pratiques ? Il se trouve que Maria Montessori n’a jamais voulu déposer son nom, pour éviter que quelqu’un ne s’approprie son travail, pour qu’on n’en fasse pas une pédagogie figée. Une ouverture à double tranchant : « Dans le monde entier, chacun peut ouvrir une école, une crèche, un centre de formation, ou se revendiquer de Montessori, sans autre contrôle que soi-même. Alors tout le monde s’en empare », explique Patricia Spinelli, directrice de l’Institut Maria Montessori (ISMM). Dans certains lieux d’accueil, l’utilisation du nom Montessori relève clairement du merchandising. « Les crèches doivent faire preuve d’honnêteté intellectuelle», réclame Charlotte Poussin, auteur et éducatrice Montessori (AMI). Ce qui veut dire, pour certaines, s’en tenir à indiquer « d’inspiration Montessori » et pas plus. Y a-t-il pour autant un risque à « mal faire » ? Pas en tant que tel pour les enfants, « mais on souhaiterait mieux pour eux ! » Des pratiques incertaines finissent par décrédibiliser Montessori et décevoir les parents qui passent à coté de l’essence même de la pédagogie Montessori. Dommage.
« Je veux être libre d’enrichir mes pratiques »
Il existe cependant une Association Montessori Internationale (AMI) créée en 1929 par Maria Montessori elle-même, qui souhaitait certainement commencer à instituer quelque chose autour de ses découvertes. L’association, référence Montessori au niveau mondial, compte des délégations et centres de formations agréés dans de nombreux pays, où elle a pour mission de conserver et diffuser l’héritage de la pensée Montessorienne mais n’a aucun pouvoir de contrôle sur ce qui se fait. « L’AMF se réjouit de l’engouement pour Montessori, constate la diversité des pratiques et se désole des dérives. Il n’y a qu’une solution, continuer à promouvoir ce qui est positif ! » explique Charlotte Poussin. D’autres ont fait de cette liberté un atout. « Je veux être libre d’enrichir mes pratiques, se défend Sylvie d’Esclaibes, pionnière de la pédagogie Montessori en France, aujourd’hui directrice pédagogique du réseau Neokids et directrice de la formation Apprendre Montessori. J’utilise Pikler, Snoezelen, je m’intéresse à Reggio, et je n’ai pas envie qu’on puisse me dire « eh bien non, ça tu ne peux pas parce que ce n’est pas purement Montessori ». De son temps, Maria Montessori elle-même faisait évoluer son approche au fil de ses observations. C’est une pédagogie qui s’adapte aux besoins de l’enfant. (…) Je trouve aussi que l’enfant a beaucoup évolué par rapport à l’époque de Maria Montessori, même si la base est la même. »
La formation, un critère de qualité
Alors comment faire la part des choses ? Si les pratiques diffèrent, toutes les voix s’accordent sur l’importance de former l’ensemble des équipes (et pas seulement la direction) qui doivent ensuite être accompagnées et soutenues dans l’exercice de leur mission. « Je suis toujours un peu dérangée lorsqu’on affiche une appartenance Montessori ou Pikler et que cela reste une vitrine, remarque Fabienne Ferrandini, directrice pédagogique du groupe Plaisir d’enfance. Pour développer une approche ou une méthode pédagogique, il faut déjà former en amont le personnel et accompagner les équipes dans leurs pratiques. Ce n’est pas parce qu’on va décréter qu’on est une crèche Montessori ou Pikler que les pratiques vont suivre ! » Mais là encore, il y a de quoi se perdre, tant l’offre de formation s’est diversifiée ces dernières années : en fonction de vos projets, de votre exigence (et de votre budget) vous pouvez choisir de vous former sur quelques heures ou bien sur plusieurs mois, avec votre Compte Formation ou vos propres moyens, en présentiel ou en distanciel, pour obtenir une formation diplômante ou certifiante, mais d’un sérieux parfois aléatoire selon les organismes.
Entrer dans la pensée de Maria Montessori
« On n’aborde pas Montessori dans une continuité de formation, explique Patricia Spinelli (Institut Maria Montessori). Il faut déconstruire l’identité professionnelle sur laquelle on s’est construit. Il y a forcément une période conflictuelle, une remise en cause de ce que l’on a appris et ça, ça prend du temps ! C’est pour ça que nos formations sont longues… Il ne s’agit pas juste de donner quelques recettes et présentations de matériel, il faut entrer dans la pensée de Maria Montessori qui est une autre façon de considérer l’enfant ». L’Association Montessori Internationale (AMI) agrée deux centres de formation : l’Institut Maria Montessori (ISMM) et le Centre de Formation Montessori Francophonie (CFMF). Elle se porte garante du contenu des formations et de la formation des formateurs mais « aucun contrôle d’aucune sorte ne s’exerce sur les formations Montessori proposées ici et là. Mais quand une institution ne rend pas compte à quelqu’un, alerte Patricia Spinelli, les déviations arrivent rapidement si l’on n’est pas ramené dans l’axe assez régulièrement. » Si vous choisissez une formation privée non agréée, assurez-vous de son sérieux en vérifiant ses références et sa réputation. Allez voir ce qui s’y vit et faites confiance à votre instinct ! Si vous avez pris le temps de lire et de découvrir la philosophie de Maria Montessori en amont, de vous questionner sur ce qui vous attire dans son approche, vous saurez vous demander « Est-ce que je retrouve ici l’esprit Maria Montessori » ? Et bien au delà du business lucratif engendré par le développement de sa pédagogie, Maria Montessori elle-même n’aurait-elle finalement pas souhaité cette ouverture et cette diversité d’approches autour de ses travaux ?
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