Geneviève Appell, psychologue : « J’avais envie de transmettre aux parents et aux professionnels ce que le prendre soin piklérien donne à l’enfant ».
Geneviève Appell : Non, je ne dirais pas ça. Ce livre c’est est la somme de mon cheminement et de mon expérience. Il s’adresse aux parents et aux professionnels mais son sujet c’est l’enfant. C’est mon regard sur l’enfant pour amener les adultes qui sont auprès de lui à l’accompagner dans son développement. C’est une sorte de boîte à outils pour aider les adultes à trouver le bon accordage avec l’enfant. Celui qui lui permettra de se déployer harmonieusement et à son rythme. C’est un livre qui explique et montre comment les processus innés du développement du bébé sont influencés par les soins et par l’environnement qui lui sont offerts.
Vous avez fait connaitre l’expérience de Lóczy et les travaux d’Emmi Pikler en France notamment à travers le livre le maternage insolite écrit avec la pédopsychiatre Myriam David. Néanmoins vous faîtes la différence entre accueil lóczien et accueil piklerien. Pourquoi ?
Oui, il faut bien différencier l’accompagnement piklérien et l'accueil lóczien. Dans ce livre j’évoque l’accueil piklérien et son « prendre soin » si spécifique. Les circonstances ont fait que nous avons découvert la pouponnière Lóczy avant de savoir qu’Emmi Pikler avait été pédiatre de famille pendant une dizaine d’années. Nous avons donc dans Lóczy ou le maternage insolite présenté ce qui nous paraissait particulièrement important dans cette pouponnière et qui semblait pallier les carences affectives si fréquentes à l’époque dans ces structures.
En résumé, l’accueil lóczien c'est l’organisation institutionnelle qu'Emmi Pikler a conçue pour la pouponnière qui ensuite a été développé dans les crèches. Le prendre soin piklérien est lui l’ensemble des pratiques de soins physiques et psychiques proposé par la pédiatre aux familles.
Aujourd’hui donc et dans ce livre-là vous présentez donc l’accompagnement piklérien et ses bénéfices pour les enfants, les parents et les professionnels
Ce qu’apporte Emmi Pikler me parait bénéfique, quel que soit le lieu où l’enfant grandit. A commencer dans sa famille. Cela ne veut pas dire qu’hors Pikler point de salut ! Beaucoup d’enfants bien -sûr ont été élevés sans Pikler et vont très bien. Mais ce que Pikler apporte, notamment avec sa liberté de mouvement et toute cette activité auto induite à la fois pendant le temps libre du bébé mais aussi au moment des soins, est me semble-t-il un véritable « plus ». Un « plus » qui donne des forces à l’enfant, une très grande satisfaction aux parents et aux adultes de référence qui s’en occupent. Grâce à cette approche, il y a quelque chose de très bénéfique dans les interactions qui se mettent en place.
Donc, oui j’avais envie de transmettre aux parents et aux professionnels ce que ce « prendre soin à la Pikler » donne à l’enfant.
Comment définiriez-vous cet accueil, ce prendre soin piklérien ?
Il n’est ni exotique, ni révolutionnaire. Bien-sûr, il s’appuie sur quelques grands fondements - et propose un autre regard sur l’enfant donc un autre positionnement de l’adulte vis à vis de l’enfant mais se prendre soin piklérien est surtout fait d’une foultitude de petits détails qui font la différence. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai dans le livre à chaque fin de chapitre, réuni une malle à détails : une posture, un geste, un équipement, un environnement, une attitude propice au développement du bébé.
Je ne donne pas de recettes ! Je tente d’expliquer le pourquoi du comment. Qu’est-ce qu’on offre à l’enfant ? Comment lui répond-t-on ? Qu’est-ce qu’on lui renvoie ? C’est une dynamique que je mets en évidence : je montre comment l’enfant se saisit de ce qu’on lui propose pour se développer. Il faut que les adultes soient observateurs et attentifs pour s’ajuster à l’enfant. C’est assez subtil et pas si facile à transmettre.
Vous avez demandé à vos proches et connaissances, parents ou grands-parents des photos et des vidéos des bébés qu’ils côtoient. Et vous interprétez ces vignettes prises sur le vif. Comment cette idée vous est-elle venue ?
Justement devant la difficulté à décrire et transmettre les subtilités du prendre soin piklérien, j’ai pensé que partir du concret était une bonne idée. D’ailleurs je suis réellement partie des photos et vidéos reçues pour construire le livre. Car, c’est à partir d’elles que les thèmes se sont dégagés.
Quel est pour vous qui toute votre vie avez observé et accompagné le développement du jeune enfant, le principal apport de Pikler ?
Pour moi la grande découverte d’Emmi Pikler, une découverte assez remarquable d’ailleurs, c’est d’avoir pris conscience que sans apprentissage un enfant va passer de lui-même à la position verticale. C’est une acquisition majeure qu’il fait par lui-même, qui apporte aisance corporelle, harmonie du geste et qui en plus va avoir des effets bénéfiques sur le plan psychique.
Un enfant peut mettre du temps à marcher. La moyenne n’est pas la norme. Et des rééducations trop précoces peuvent avoir des effets psychiques.
En général, l’approche piklérienne n’est jamais dans la stimulation directe mais plutôt une stimulation indirecte. L’adulte fait des propositions en lien avec les possibilités et intérêts de l’enfant.
Pikler fait aussi le lien entre liberté de mouvement et activité créatrice et enfin je dirais que qu’il permet à l’enfant de se sentir compétent et de se faire confiance.
Aujourd’hui vous dites que bien des troubles très courants pourraient être évités par ce « prendre soin piklérien »
Il me semble qu’aujourd’hui l'on voit beaucoup d'enfants avec des troubles du sommeil ou de l’alimentation, et qu’en effet cette approche serait plutôt de nature à les éviter.
Pour Emmi Pikler sur l’alimentation, il y a une règle d’or : « pas une cuiller de plus que celle que l’enfant prend avec plaisir ». Ne pas rajouter une dernière cuiller n’est pas un réflexe anodin, c’est une attitude fondamentale. Il faut être prudent dans la présentation des aliments … A Lóczy, quand un enfant ne finissait pas son biberon plusieurs fois de suite, le jour suivant il en avait moins.
Pour le sommeil, il y a notamment tout un travail à faire pour bien différencier le temps de jeu au tapis et le sommeil dans le lit. Dans le lit, il n’y a pas de jouets et on ne met jamais un bébé à dormir sur le tapis.
Quel grand enseignement tirez-vous de vos années de pratique et de recherches
Le bébé est acteur de son développement, il se construit avec ce qu’on lui offre. Il a de grandes capacités d’auto-progression dans tous les domaines, l’adulte, professionnel ou parent, l’accompagne dans ses découvertes, tout en lui assurant sécurité affective et physique.
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