Amusez-vous ! Par Amandine Micoulin
Puéricultrice, cadre de santé
- Allez maman, dit oui, dit oui, dit oui !!
Je suis seule contre deux, mes enfants me tirent le tee-shirt qui par miracle a résisté aux glaces dégoulinantes et aux multiples essuyages de bouche. Je vois déjà le tableau : quelques rires, de jolies vagues dans lesquelles on saute, la joie qui se lit sur leurs visages.
Et puis le mal aux pieds, la surveillance constante, se fâcher parce qu’ils vont trop loin dans la mer, parce qu’ils se sont entièrement trempés. Les rappeler à l’ordre, réconforter les pleurs du ça pique, c’est salé, tu as oublié la serviette. Comment les faire redescendre, les canaliser après cette excitation ?
Finalement, l’enfant qui sommeille en moi cède. Nous finissions tous les trois par courir sur la plage de cassis. Le soleil est là, la mer bien que fraîche agréable, et puis c’est … vraiment amusant !
Nous avons fini trempés, mon pantalon me colle aux cuisses, mon fils pleure parce que la mer efface ses dessins dans le sable, mais c’était génial.
Cette petite scénette d’une vie de mère de famille ordinaire m’a ramenée un instant à ce que je conseille souvent aux professionnelles accueillant les enfants : A-Mu-Sez-Vous !
Je sais bien que l’on ne peut pas parler d’accueil sans quotas, que nous avons des feuilles de route à tenir, un planning de la journée, un rythme collectif à suivre. Je sais que le travail est parfois difficile, que les enfants peuvent être émotionnellement et physiquement épuisants.
Bon, ok, maintenant que nous avons mis cela de côté, que nous savons que le cadre est respecté, laissons sortir ce qui sommeille.
Il y a encore, j’en suis certaine, une part enfantine en nous qui ne demande qu’à se déhancher sous les spot lights au rythme des comptines mais pas forcément, qui aime courir après les bulles, faire une bataille de boules en plastiques.
Je me souviens de ce jour où, alors que je donnais son bain à ma fille de deux ans, elle s’était mise à remuer ses fesses en chantant Ah, qu’est-ce qu’on est serrés, au fond de cette boîte... On était loin de ce que nous lui faisions écouter et je me posai alors la question : « est-ce que cela me va qu’elle écoute ça à la crèche ? ». Mais oui, bien sûr, que ça va m’a soufflé mon mari : elle a passé un superbe moment à rire, à danser sous une boule à facette, autonome, libre et heureuse et elle le partage maintenant avec nous.
Alors finalement, que Mozart m’en excuse, mais j’ai décidé à cet instant que ça aussi c’était du grand art ! Nous avons fini au concert d’été de la ville voisine quelques semaines plus tard à danser avec elle Chante les sardines en riant et en espérant que personne ne nous reconnaisse.
Nous hésitons parfois à laisser s’exprimer dans notre travail notre spontanéité et nous craignons ne pas arriver à gérer un groupe d’enfant qui se serait trop agité et peinerait à se recentrer.
Alors je me permets de vous poser cette question existentielle : et alors ?
Vous avez passé un très bon moment avec les enfants, vous vous êtes fait plaisir ? Vous avez même peut-être ri avec vos collègues et votre groupe a du mal à se calmer ?
Et alors ?
Peut-être allez-vous, la prochaine fois, prendre deux ou trois livres afin de permettre aux enfants de se recentrer...
Vous êtes en retard de dix minutes pour le service du repas ?
Et alors ?
Peut-être que la prochaine fois que vous déciderez d’arroser tout le monde en salle pataugeoire vous préviendrez la cuisinière qui vous proposera de faire un pique-nique ce jour là ?
Ou peut-être pas d’ailleurs… Mais est-ce que c’est si grave ? Tout le monde va bien après tout non ? Vous vous êtes amusés, les enfants sont heureux.
Comme je le disais à la puéricultrice de la structure d’accueil dans laquelle je travaillais : quelqu’un est malade, blessé ? Un pronostic vital est en jeu ?
Elle riait en rétorquant avec ironie : je reconnais bien là le cadre de réa…
Il y a toujours de bonnes raisons pour une prochaine fois. On sera plus aguerri, on aura mieux préparé les choses, on sera « en nombre », on aura un autre matériel. C’est certain : c’est mieux, beaucoup mieux, mais plus tard on aura peut-être moins envie de rire, les enfants seront fatigués, etc.
Tout ce que nous avons au final c’est aujourd’hui et maintenant : laissons monter cette envie de soleil et de rires, de spontanéité et de joie.
C’est le printemps ! Les choses ne seront peut-être pas plus propices. Le jour où effectivement le travail sera plus calme, le matériel bien meilleur, et bien ce jour-là nous aurons peut-être passé une mauvaise nuit car le petit dernier aura de la fièvre, peut-être aurons-nous mal à la tête, serons-nous inquiets pour un proche.
Alors s’il vous prend l’envie de profiter, de perdre l’espace d’un instant 20 ans tout à coup, et bien faites-le !
Il y a toujours une manière de mieux faire et il est important de le garder en tête, de se promettre de s’améliorer, mais que cela ne nous empêche pas de danser au son des sardines !
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