Les réactions au « scandale » des crèches privées
Salim Bouakaz du REMi : « Ce ne sont que des effets d’annonces »
Le co-fondateur du Regroupement des Entreprises de Micro-crèches (REMi), Salim Bouakaz, est pour le moins dubitatif quant aux propositions d’Aurore Bergé, qu’elle a rappelées ce matin à l’antenne de BFMTV-RMC. « Les contrôles, c’est très bien, mais on va se trouver face à une nouvelle problématique : qui va les faire ? Dans quelles mesures ? Elle a parlé de 120 personnes en plus, mais ce n’est pas suffisant. Et cela va prendre du temps pour recruter ces personnes, les former. Elle souhaite également changer la loi pour que les contrôles puissent se faire dans les grands groupes privés. Mais voter une loi, cela prend du temps. Ce ne sont que des effets d’annonces. Pour nous, au REMi, il faut aller au fond des choses et, pour cela, il faut que des enveloppes budgétaires soient votées rapidement pour pouvoir vraiment se dire que dans nos crèches de France, il y a une qualité d’accueil vraiment digne de ce nom, un bien-être au travail qui pourra être instauré et installé où nous aurons des professionnelles investies, épanouies ; un bien-être qui sera retranscrit au sein même des échanges avec l’enfant. Et, aujourd’hui, si on ne va pas dans ce sens, on fera des 'mesurettes'. Or l’enfant ne doit pas être traité avec des 'mesurettes'». Et termine en invitant Aurore Bergé à venir visiter une structure d’un des adhérents du REMi.
Cyrille Godfroy du SNPPE : « 120 personnes où ? A la PMI ? A la Caf ? Moi, je continue à répéter qu’il faut faire des brigades de contrôle pluridisciplinaires »
Pour le co-fondateur du SNPPE, Cyrille Godfroy, vouloir instaurer le 1 adulte pour 5 enfants est bien entendu une bonne chose. « On ne peut que souligner que nous sommes enfin entendus », indique-t-il. Mais il explique aussi : « les questions maintenant, c’est quand ? et comment ? Car, connaissant la pénurie qui touche le secteur, le 'comment ?' me paraît très compliqué et le 'quand ?', ce ne sera pas dans l’immédiat ». A propos des revalorisations salariales, évoquées également par Aurore Bergé, pour sa part, le SNPPE s’inquiète de celles du secteur public. « On parle beaucoup des entreprises de crèches, mais 80% des places ne sont pas dans le privé lucratif. Les modalités entre autres sur la fonction publique m’interrogent beaucoup. Si c’est ce qui a déjà été évoqué, c’est-à-dire le régime indemnitaire avec le fameux Rifseep, cela ne nous convient pas du tout ». Puis, sur les contrôles et les 120 personnes supplémentaires pour les réaliser, il demande : « 120 personnes où ? A la PMI ? A la Caf ? Moi, je continue à répéter qu’il faut faire des brigades de contrôle pluridisciplinaires comme cela peut exister dans le commerce pour une efficience des contrôles, aussi bien pour les contrôleurs que pour les professionnels de terrain. » Enfin, il interroge : « Si on arrive à donner plus de moyens aux contrôles, que se passera-t-il pour les dysfonctionnements pointés ? Quels moyens seront proposés aux structures pour rattraper le coup ? On attend quelque chose de plus précis. »
Elsa Hervy de la FFEC : « Nous sommes favorables à plus de contrôles. Notre seule demande : des grilles nationales, publiques, exhaustives et opposables. »
« Ce qui m’a frappé ce matin, c’est l’énergie qui est mise dans le sujet, c’est l’investissement de la ministre qui a choisi d’incarner les solutions et de les incarner de manière pratique. Elle a veillé à protéger l’ensemble des professionnels de l’opprobre que ces ouvrages ont jeté sur le secteur. Et elle travaille avec un seul objectif qui est de garantir une sécurité d’accueil des enfants aux familles. A la FFEC, nous partageons ces deux points de vue », souligne Elsa Hervy, la déléguée générale. Elle continue : « Après, la ministre demande plus de contrôles. Depuis le mois d’avril et la publication du rapport de l’IGAS, la FEEC n’a pas changé de position. Nous sommes favorables à plus de contrôles. Notre seule demande : des grilles nationales, publiques, exhaustives et opposables. » Sur le contrôle des groupes, c’est très clair également du côté de la FFEC : « Nous y sommes favorables, mais nous souhaitons un contrôle définit selon une définition objective et pas seulement en fonction de leur statut juridique. Si les entreprises sont considérées comme groupe à partir de 10 établissements, les associations qui ont 10 établissements devront être contrôlés selon les mêmes règles que les entreprises. »
Philippe Dupuy de l’Acepp : « Pour nous, c’est la double peine. On a encore le lucratif et on va avoir des contrôles supplémentaires »
« Le 1 adulte pour 5 enfants, ça n’empêche pas que les gens soient fatigués et qu’on ait une pénurie de professionnels », commente pour sa part le directeur de l’Acepp. Et remarque : « Le gouvernement n’a pas remis en cause la part du lucratif dans la petite enfance. Pour nous, c’est donc la double peine. On a encore le lucratif et on va avoir des contrôles supplémentaires, qui vont mobiliser du temps administratif dans les structures pour les préparer. Sans compter les référentiels envisagés. Comment le monde associatif va-t-il pouvoir garder une marge de liberté, d’innovation, si tout est normalisé ? ».
Concernant la publication des 2 livres-chocs
Emilie Philippe de Pas de bébés à la consigne sur Le prix du berceau : « Je n’ai rien appris de nouveau mais il a le mérite de faire un état des lieux de la situation »
Représentante du Collectif Pas de bébés à la consigne, Emilie Philippe a lu Le prix du berceau (ed. Seuil)*. Qu’en a-t-elle pensé ? « Je n’ai rien appris de nouveau,mais il a le mérite de condenser un certain nombre de chiffres et de faire un état des lieux de la situation et de poser la question de la rentabilité, souligne-t-elle et complète : Ce qui est intéressant, c’est de voir l’évolution au sein des entreprises de crèches qui se sont développées. Au départ, elles faisaient appel à des personnes qui avaient une expertise sur le plan pédagogique, puis, au fil des années, celles-ci ont été remplacées par des commerciaux. »
*A l’heure où nous avons échangé avec elle, elle n’avait pas encore eu accès au livre Babyzness (Ed. Robert Laffont)
Gilles de Larauze, des crèches Happy Babees : « Ces publications viennent une nouvelle fois ternir l’image de notre secteur »
Dans un communiqué publié ce jour, Gilles de Larauze, fondateur des crèches interentreprises Happy Babees, regrette : « Après la publication du rapport IGAS en mars dernier, ces publications viennent une nouvelle fois ternir l’image de notre secteur et renforcent à la fois la défiance des parents et un sentiment d’injustice d’une grande majorité de professionnels passionnés et investis ». Et poursuit : « Révéler ces dérives est primordial. Il est tout aussi important de ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble d’une profession dont le métier n’est déjà pas assez valorisé. » Par ailleurs, selon lui, « Le modèle économique ne doit pas être pensé uniquement à travers le niveau structurel effectif permis. Ce n’est pas parce qu’une crèche respecte la loi et la réglementation – 1 professionnel pour 6 enfants ou pour 5 comme l'évoquait récemment la ministre des Solidarités et des Familles - qu’elle offre un service de qualité. Mais c’est bien en établissant une relation de confiance avec les professionnels de la petite enfance, notamment en termes de politique de taux d’occupation et de remplacement des professionnels absents, que l’épanouissement des enfants peut être garanti. »
CESE : « Réfléchir à un service public d’accueil de la petite enfance plus efficace »
Avec la sortie de ces deux ouvrages, le secteur de la petite enfance est de nouveau sous les feux des projecteurs. A cette occasion donc, le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) insiste sur « la nécessité de réfléchir à un service public d’accueil de la petite enfance plus efficace ». Il rappelle que, suite à une saisine du Premier ministre, il avait rendu le 22 mars 2022, un avis intitulé « Vers un service public d’accueil de la petite enfance » avec 17 recommandations dont certaines sont particulièrement d’actualité. C’est le cas notamment de la préconisation 3 sur « la valorisation des métiers autour des priorités suivantes : les salaires ; la formation (renforcer son contenu, orienter davantage vers des formations certifiantes, lever les obstacles, notamment financiers et renforcer l’accompagnement de l’accès à la formation continue) ; les perspectives professionnelles (carrière et passerelles) ; la valorisation des compétences ; la mixité ». Ou encore de la préconisation 8 : « Rendre obligatoire un contrôle de la qualité de l’accueil et déterminer, dans les projets d’établissements et services, les modalités d’une politique de promotion de la bientraitance, de prévention, de repérage et de lutte contre la maltraitance. »
FFEC : « Les exceptions pointées du doigt par ces livres ne font pas la règle »
Dans un communiqué en date du 6 septembre, soit avant même la parution des deux livres, la FFEC avait tenu « à rassurer les parents des enfants accueillis et à soutenir les 26 000 professionnels diplômés des entreprises des crèches et micro-crèches adhérentes ». « Les exceptions pointées du doigt par ces livres ne font pas la règle, ne doivent pas être présentées comme des généralités et ne doivent pas permettre de jeter l’opprobre sur tout un secteur, des équipes professionnelles diplômées et des entreprises engagées au quotidien au service de l’éducation, l’éveil et l’accompagnement des jeunes enfants », peut-on également y lire.
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