Charte pour la représentation mixte des jouets : la petite enfance s’engage
Le principe même de cette charte est de déconstruire les stéréotypes de genre véhiculés dès le plus jeune âge par les jouets, avec en ligne de mire la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes. De ce fait, en la signant, les fabricants de jouets ont pris plusieurs engagements : concevoir des jouets neutres ou mixtes (avec des notices/descriptions et visuels sur les packagings dans le même esprit), promouvoir les jeux scientifiques avec la création d’un label « Sciences, technologie, ingénierie, maths » (STIM), lancer un prix spécial « jouet qui lutte contre les stéréotypes genrés » dans le cadre du grand prix du jouet, supprimer des catalogues le classement par genre (jouets filles/jouets garçons)…
De leur côté, les distributeurs ont pris des engagements similaires concernant leurs catalogues, l’organisation des jouets dans les magasins ou sites internet, c’est-à-dire en préférant le classement par catégorie à celui par genre, et en mettant en avant les jeux scientifiques. Ils prévoient aussi de former et sensibiliser les vendeurs et vendeuses via « un module audiovisuel de formation créé en partenariat entre les associations signataires de la charte, les fédérations de fabricants et les distributeurs ». Et de réaliser un guide des bonnes pratiques avec les associations à destination des acheteurs, industriels…
D’autres se sont aussi engagés comme le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, l’Union des marques et les acteurs publics. Quid des acteurs de la Petite Enfance ?
Les engagements de la Petite Enfance
Cette année, « les signataires initiaux de la charte ont souhaité s’ouvrir aux utilisateurs », explique Elsa Hervy de la FFEC. L’Ufnafaam, l’Anamaaf, l’Acepp, Accent petite enfance, la FFEC… ont ainsi été conviées pour la signer. « Les engagements étaient pré-écrits. On les a trouvés clairs et à notre portée », précise Sandra Onyszko de l’Ufnafaam. En pratique, les acteurs de la petite enfance signataires ont quasiment tous pris les mêmes engagements. « Nous nous sommes engagés à proposer des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux, à faire bénéficier nos professionnels de formations sur le sujet et à relayer des supports de communication au sein des EAJE », résume Elsa Hervy. A l’Ufnafaam, un visuel a même été créé pour faire passer le message plus facilement. « Nous allons le diffuser avec la Charte pour la représentation mixte des jouets sur notre site, par le biais des circulaires que l’on envoie à nos adhérents… », détaille Sandra Onyszko.
Le principe n°7 de la charte nationale d’accueil du jeune enfant
Les acteurs de la petite enfance n’ont toutefois pas attendu la charte pour la représentation mixte des jouets afin de sensibiliser les professionnels à cette question du stéréotype de genre et de façon plus large à l’égalité entre les sexes. « Entre la version projet et la version adoptée, nous avons pu rappeler que l’on avait le rapport Giampino et la charte d’accueil du jeune enfant, que dans les structures d’accueil on n’empêche pas et on n’incite pas l’enfant à prendre tel ou tel jouet en fonction de son sexe. Tout ça fait partie de la qualité de l’accueil », explique Elsa Hervy. Effectivement, le principe n° 7 (version courte) proclame : « Fille ou garçon, j’ai besoin que l’on me valorise pour mes qualités personnelles, en dehors de tout stéréotype. Il en va de même pour les professionnel.le.s qui m’accompagnent. C’est aussi grâce à ces femmes et à ces hommes que je construis mon identité. »
Pour rappel, la charte nationale d’accueil du jeune enfant, issue du rapport Giampino, « énonce dix grands principes pour accueillir les jeunes enfants et leurs familles, de la naissance à trois ans ». Un texte-cadre à destination des EAJE, mais aussi des assistantes maternelles et auxiliaires parentales, qui deviendra d’ici à fin 2020 obligatoire. Il sera même une condition d’octroi des autorisations d’ouverture aux EAJE, des agréments et renouvellement d’agréments aux assistantes maternelles. (Cf interview d’Adrien Taquet)
Les initiatives dans les EAJE pour lutter contre les stéréotypes de genre
La question du stéréotype de genre, des discriminations, « c’est quelque chose que l’on travaille déjà (jouets, place des papas…). Plusieurs fédérations de l’Acepp ont ainsi lancé, depuis quelques années des malettes, dont le contenu sert de support pour animer des temps de formation de professionnels et des temps parents/pros », détaille Claire Gougeon de l’Acepp. C’est notamment le cas de l’Acepp 38 avec la malle chou-fleur qui « contient des albums jeunesse, des jeux d’imitation, des jeux d’expression et un jeu coopératif pour les enfants. Et pour les adultes, un photolangage, des articles, des revues, des livres, un DVD et un guide d’observation des pratiques professionnelles adaptées aux structures petite enfance », peut-on lire sur leur site internet.
Il est aussi possible d’agir directement sur les coins-jeux, en les réorganisant et/ou en les rebaptisant. Ainsi, Valentine Milcent de E2S Scop Petite Enfance, adhérent d’Accent petite enfance, a expliqué lors de la signature de la charte : « Dans la structure adhérente d’Accent où je travaille, au sein de nos crèches, on essaie de dégenrer les espaces symboliques. La dînette est devenue le restaurant, le garage est devenu l’atelier. » Outre les malles, l’Acepp propose d’autres actions concrètes : « (…) l’aménagement de l’espace afin que les coins “cuisine” côtoient les coins ”bricolage”, le choix des couleurs en évitant la confrontation binaire du rose et du bleu, le choix des jouets en proposant notamment des jeux coopératifs, des déguisements métiers mixtes et enfin en choisissant des livres jeunesse qui permettent d’aborder la question des stéréotypes de manière critique. »*
Les conférences sur cette thématique sont également essentielles pour sensibiliser les professionnels et leur apporter des réponses quant à leur pratique au quotidien. « On propose des colloques avec des intervenants capables d’expliquer de façon très concrète aux assistantes maternelles la question des stéréotypes de genre car certaines peuvent se trouver en difficultés face à un parent, ne pas savoir quoi lui répondre, ou ne pas oser, car n’oublions pas que les parents sont leurs employeurs directs », indique Sandra Onyszko de l’Ufnafaam.
Quel intérêt pour les acteurs de la petite enfance d’être partie prenante ?
Les acteurs de la petite enfance agissent depuis longtemps sur les questions de discrimination liées notamment aux stéréotypes de genre. Toutefois, une piqûre de rappel n’est jamais inutile car les clichés ont la vie dure. « Il est toujours bon de s’interroger sur ses pratiques car rien n’est acquis », souligne Elsa Hervy. Et d’ajouter : « Cela nous a aussi permis de dire qu’il ne fallait pas aller trop loin, notamment en limitant les jeux d’imitation dont les enfants ont besoin ». Les acteurs de la petite enfance ont donc pu également faire passer quelques messages auprès des autres signataires. « Cette charte est un bon outil mais ça serait bien d’aller plus loin en l’ouvrant aux livres pour enfants », affirme aussi Claire Gougeon de l’Acepp. Au final, l’ouverture de cette charte aux acteurs de la petite enfance semble cohérente. Car qui mieux que les professionnels de la petite enfance pour contribuer à agir sur le sujet de l’égalité des genres dont l’action commence dès le plus jeune âge ?
*Communiqué de presse de l’Acepp
Voir l’intégralité de la Charte pour la représentation mixte des jouets ci-dessous
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Pièce(s) jointe(s):
- 648.48 Ko charte_pour_une_representation_mixte_des_jouets_2020.pdf
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