Il ne veut pas dormir

Certains enfants, tous âges confondus, ne parviennent pas à trouver le sommeil dans leur lieu d’accueil. Un phénomène qui tend à inquiéter les parents et les professionnels compte tenu de l’importance des siestes pour le bien-être et le développement des tout-petits. Voici quelques clés pour faire le point et réajuster votre accompagnement.
Pourquoi un enfant peut-il avoir du mal à dormir ?
S’endormir, c’est se séparer. S’endormir revient à se séparer de ce qui rassure et stimule l’enfant, à savoir les professionnels, les autres enfants, ses jouets préférés, ses repères, etc. Aller se coucher implique également de passer de l’environnement animé, stimulant et lumineux du lieu d’accueil à un univers sombre et solitaire - le dortoir – dans lequel l’enfant se retrouve seul, dans la pénombre, face à ses rêves, ses angoisses, mais aussi éventuellement ses cauchemars. Enfin, s’endormir revient à passer d’un état d’activité intense, propre à l’enfant, à un état de passivité, de détente. Rappelons qu’un jeune enfant vit dans le moment présent et qu’il n’a pas conscience de l’importance du sommeil pour la qualité de santé psychique et physique !
Il ne se sent pas en sécurité. Le comportement de l’enfant à l’entrée dans le sommeil s’analyse au regard de son attitude le reste de la journée. Il arrive que certains enfants, dont ceux qui découvrent tout juste le lieu d’accueil, ne s’y sentent pas encore en confiance ou en tout cas, pas suffisamment pour se laisser glisser dans le sommeil. Comme pour l’adulte, un sentiment de sécurité minimum est nécessaire pour baisser son niveau de vigilance et s’endormir. Pour certains enfants, ce n’est donc pas qu’il « ne veulent pas » dormir c’est tout simplement qu’ils « ne peuvent pas » dormir. 
Tous les enfants n’ont pas les mêmes besoins de sommeil. Tout comme l’appétit, le besoin de sommeil varie nettement d’un individu à l’autre, enfant comme adulte. En moyenne, on estime que ces besoins s’élèvent, par tranche de 24 heures, à 16h pour un nouveau-né, 15h pour un bébé de 6 mois, 14h pour un petit d’un an, 13h pour un enfant de deux ans et 12h pour un grand de trois ans. Ainsi, il est judicieux de s’inquiéter lorsque l’enfant dort significativement moins que ces moyennes et/ ou qu’il manifeste régulièrement les signes suivants : irritabilité, excitation importante, difficultés de concentration, impulsivité répétée et élevée pour son âge, intolérance excessive à la frustration ou, au contraire, somnolence, maladresse démesurée, pleurs continus avec un besoin d’être pris dans les bras, regard vague, se frottant régulièrement les yeux… 
Le besoin de sommeil varie également chez un même enfant. La qualité et la quantité de sommeil évoluent au fil du développement, de la croissance, mais aussi de la maturation du système nerveux central de l’enfant. Il n’est pas rare que le sommeil soit perturbé ou que l’endormissement se révèle plus périlleux lorsque l’enfant expérimente une nouvelle acquisition (motrice ou psychologique) ou qu’il traverse un événement à la maison ou dans son lieu d’accueil. Ce peut être le changement de poste du papa, l’arrivée d’un petit frère, le départ d’une professionnelle, un conflit au sein de l’équipe de la section, etc.  Autant de changements qui peuvent bouleverser un enfant, sans que les adultes ne s’en doutent. 
A la crèche et à la maison, c’est différent. Comme pour l’acquisition de la propreté, le sommeil d’un enfant à la crèche et à la maison n’est pas toujours comparable, tant il s’agit de deux environnements de vie différents. Deux cas de figure peuvent se présenter : l’enfant qui dort mieux à la maison et celui qui dort mieux dans son lieu d’accueil. En théorie, il pourrait paraître logique qu’un enfant parvienne plus facilement à s’endormir auprès de ses parents, à son domicile, un milieu qui est, par définition, connu, individualisé, intime et rassurant. Pour autant, certains enfants parviennent plus facilement à faire la sieste en crèche qu’à la maison, où ils sont portés par le groupe d’enfants et les rituels collectifs. 

Comment favoriser son endormissement ?
Sur le plan individuel

Proposez-lui de dormir dans la section. S’il s’agit d’un bébé qui manifeste une réticence à entrer dans le dortoir, n’hésitez pas à lui aménager un espace de sommeil dans le lieu de vie. Veillez à ce que ce dernier soit confortable et surtout sécurisé, c’est-à-dire physiquement préservé des enfants qui se déplacent. L’environnement familier de la section (lumineux et animé de voix et de sons) peut être rassurant. En revanche, prenez bien le temps en amont d’expliquer votre projet aux parents. Certaines familles interprètent comme une exclusion le fait que leur enfant dorme dans la section alors que les autres ont une place dans le dortoir. Enfin, l’avantage de cette pratique est de permettre une surveillance plus accrue de l’état de l’enfant en période de sommeil, et ainsi de prévenir la mort subite du nourrisson.
Respectez la continuité des soins. Les bébés sont particulièrement sensibles à votre contact physique et à sa continuité. Veillez à accompagner l’enfant dans le sommeil (et pas uniquement dans le dortoir !) juste après lui avoir donné à manger et avoir changé sa couche. Si vous reposez l’enfant en cours de route sur le tapis, ne serait-ce que quelques secondes, vous rompez cette continuité. Dès lors, l’enfant risque d’être plongé dans un état de stress et de se mettre à pleurer. Cette disposition d’insécurité peut le maintenir dans un état de vigilance et freiner son endormissement.
Proposez-lui un accompagnement individualisé. Tous les enfants n’ont pas les mêmes ressources et la même capacité à s’endormir seuls, loin de leurs parents et de leur lit douillet. La transition entre le moment du déjeuner et l’entrée dans le dortoir peut être une source d’anxiété particulièrement vive pour certains enfants. C’est pourquoi il est bénéfique que vous puissiez leur apporter une attention toute particulière. Quelques minutes avant l’heure de la sieste, aménagez-vous un temps en tête à tête au cours duquel vous pourrez le prendre dans les bras, lui parler, lui demander comment il se sent, ce qu’il a mangé au déjeuner, etc. Cet échange individuel empreint d’affection et de tendresse permettra de le ressourcer et de l’apaiser, une disposition propice à l’endormissement. Veillez à l’accompagner dans le dortoir en le prenant par la main afin qu’il ne se sente pas délaissé. Enfin, n’hésitez pas à vous installer au chevet de son lit. Peu à peu, il finira par déployer la confiance et l’autonomie nécessaires pour franchir seul cette étape délicate.
Ne l’obligez pas à dormir, ne le maintenez pas de force au lit. Cette attitude, contreproductive et maltraitante, risque de renforcer son malaise et de cultiver son appréhension de la sieste. S’il ne souhaite pas dormir, il peut tout simplement s’allonger sur son lit pour se reposer, les yeux ouverts. S’il ne tient pas à entrer dans le dortoir, vous pouvez lui proposer un livre ou une activité autonome à mener dans le lieu de vie. Pour autant, il est important que vous lui conserviez son lit et que, chaque jour, vous lui proposiez de s’y reposer. Bien entendu, invitez-le à aller se coucher avec ses vêtements s’il ne souhaite pas se déshabiller. 
Veillez à être présent au réveil. Il peut être anxiogène pour un tout-petit de s’endormir en votre présence et de se réveiller en votre absence. Certains enfants se mettent d’ailleurs à pleurer à leur réveil lorsqu’ils ne voient pas la professionnelle dans le dortoir. La stabilité d’un environnement de sommeil est favorable à la détente et au sentiment de sécurité.

Sur le plan collectif

Créez et respectez les rituels de sieste. Le passage sensible de l’état de veille à l’état de sommeil, ou encore du lieu de vie au dortoir, doit être anticipé et réfléchi. Le caractère répétitif des rituels va permettre de franchir cette étape plus sereinement. Avant l’heure de la sieste, organisez un temps collectif de chansons ou d’histoires qui visera à rassembler le groupe et à faire redescendre la pression et l’agitation collectives. Veillez à le répéter tous les jours à la même heure, au même emplacement. Encore mieux, dans votre playlist, planifiez des chansons de plus en plus calmes et apaisantes, et pourquoi pas en lien avec le sommeil. Evitez d’annoncer soudainement l’heure de la sieste. Certains enfants risqueraient de s’y opposer d’autant plus qu’ils n’y ont pas été préparés. 
Proposez un temps de relaxation avant le repas. Pour éviter que les enfants soient trop stressés et agités juste avant la sieste, n’hésitez pas à leur proposer, tous les jours et dans les mêmes dispositions, un temps de relaxation avant le repas. Car une agitation ou un stress trop importants sur le temps du repas peuvent se répercuter sur celui de la sieste. Il est déconseillé d’organiser un temps de relaxation juste avant la sieste car certains enfants risqueraient de s’endormir sur le tapis !
Chuchotez et détendez-vous ! Quelques minutes avant le temps de la sieste, commencez à chuchoter pour baisser le niveau sonore du lieu de vie et plonger les enfants dans une ambiance plus sereine. N’oubliez pas que vous êtes le chef d’orchestre. Si vous accompagnez les enfants dans le dortoir en criant, en gesticulant, en courant partout à la recherche des derniers doudous égarés, le climat général ne sera pas très propice au sommeil ! Dès lors, comment voulez-vous que les enfants les plus sensibles parviennent à se détendre ? D’autant plus qu’il est tout à fait paradoxal de crier sur un enfant pour lui demander de se calmer.
Héloïse Junier
Par
Héloïse Junier, psychologue
Publié le 10 mars 2017
Mis à jour le 10 octobre 2024