Passage aux morceaux : faire de cette étape un moment de plaisir
Lors des transmissions, vous devez bien le constater, le moment de la journée qui intéresse le plus les parents est le temps du repas. « A-t-il bien mangé ? » / « A-t-il fini son assiette ? » / « A-t-il goûté / aimé le plat » ?... Autant d’interrogations qui en disent long sur l’importance de la nourriture aux yeux des parents. Alors quand une nouvelle phase se présente, elle devient vite l’objet de toute l’attention. C’est par exemple le cas avec le passage aux morceaux. « C’est une grande étape dans la vie d’un bébé mais elle ne se fait pas forcément au même âge pour chacun », rappelle Sylvie Archambeau. Il faut donc tenir compte de l’individualité de chaque enfant.
Pour que cela se passe bien à la crèche ou chez l’assistante maternelle, il faut avant toute chose « prendre la température de la famille » poursuit-elle. C’est-à-dire que les professionnels doivent se renseigner sur ce qui est pratiqué à la maison. Le bébé est-il déjà passé aux morceaux ? Quel type ? Apprécie-t-il ? Que lui donnent les parents ? Qu’observent-ils ? C’est seulement à partir de ces questions que vous saurez si vous pouvez proposer à l’enfant autre chose que des purées lisses. « C’est fondamental de savoir ce qu'il se passe à la maison pour ne pas créer de rupture. Il faut qu’il y ait une continuité, un lien avec la famille. C’est le pilier primordial pour que l’enfant vive bien les différentes étapes de sa nutrition », insiste la formatrice. Ce n’est en aucun cas aux professionnels de prendre l’initiative de passer aux morceaux. « L’idéal est de préparer cette transition ensemble, main dans la main, avec les parents » recommande Sylvie Archambeau.
Passage aux morceaux : les indices qui prouvent que le bébé est prêt
Même si chaque enfant avance à son rythme, certains indices peuvent vous indiquer que l’enfant est prêt ou pas.
- Il s’intéresse de près à la nourriture, il est conscient que c’est le moment du repas.
- Il a une forme d’interaction avec la nourriture (contrairement au biberon où il est passif).
- Il porte à sa bouche des aliments, il a une certaine habileté motrice qui prouve qu’il est bientôt capable d’accepter la cuillère.
- Il est en mesure de dire « non » avec la tête.
- Il déglutit de façon « contrôlée ». En effet, la succion entraine une déglutition dite « réflexe ». Vers 4 mois (ou plus tard pour certains), les bébés peuvent déglutir de façon contrôlée.
- Il « appuie » avec ses gencives, il commence à mastiquer.
- Il commence à boire au verre.
Une fois que vous avez observé ces attitudes, vous pouvez essayer de proposer des repas avec des petits morceaux aux enfants que vous accueillez, avec l’accord des parents.
Avant toute chose, sachez que deux cuillères à café pour commencer à apprécier une nouvelle texture, c’est déjà très bien ! Vous pouvez donc d’abord commencer avec des morceaux broyés plus grossièrement. On passe ainsi du lisse au broyé. Ensuite vous pouvez proposer des petits dés de courgettes, de poires, ou même du râpé de carottes, de pommes, des petites tranches de banane… Les enfants en raffolent ! Vous pourrez alors garnir leur assiette de légumes et fruits bien cuits, pour qu’ils demeurent fondants.
Un point d’attention sur le pain : « Souvent, pour les aider à passer aux morceaux on leur propose du pain. Mais prenez garde à la mie qui colle aux parois respiratoires. Je vous propose plutôt de leur donner des biscottes » conseille Sylvie Archambeau.
Le repas : un temps de plaisir avant tout
« La nourriture c’est d’abord un enjeu relationnel », explique Sylvie Archambeau. En fonction de la manière dont les repas se déroulent à la maison et de la manière dont ils sont vécus, les enfants ne se comportent pas de la même façon devant leur assiette. La patience des parents, le bruit pendant les repas, les attentes de l’entourage, les habitudes des parents à table, leur rapport à la nourriture : tout entre en compte dans la relation qu’a l’enfant avec son alimentation.
Le rôle des professionnels est de rappeler l’essentiel : le repas demeure un temps de plaisir et de partage. « Il ne doit en aucun cas devenir un temps de menace ou de conflit » rappelle Sylvie. Un enfant ne finit pas son assiette ? Ce n’est pas grave ! Il n’a pas voulu gouter le plat ? Une prochaine fois ! « Il ne faut vraiment pas forcer les enfants » poursuit-elle. Cela nécessite parfois de lutter contre certains adages bien ancrés « Il faut finir son assiette ». Pourtant, « la satiété est différente pour chacun de nous. Quand un enfant dit qu’il n’en veut plus, il faut lui faire confiance. Soit il en a assez, soit il est à satiété de ce goût-là » détaille la formatrice. On peut en effet être à satiété du goût de la courgette mais avoir encore faim ! « Priver un enfant de dessert parce qu’il n’a pas fini son assiette de courgettes serait alors un non-sens ».
Le repas : prendre de le temps de les faire manger
Il est facile de l’écrire mais dans la réalité, ce n’est pas toujours facile de leur laisser le temps de manger tranquillement. En crèche, il y a souvent 2 temps de repas. Parfois des tensions éclatent car le premier service n’est pas terminé, or il faut se dépêcher pour installer les suivants car le reste de la journée risque d’être décalé (sieste, goûter…). « Si cela se produit dans l’endroit où vous travaillez, essayez de trouver des solutions pour que les enfants puissent manger à leur rythme. Parlez-en en équipe. Voyez ensemble comment vous concevez le temps des repas », préconise la formatrice. « Si un petit prend plus de temps qu’un autre pour déjeuner, et que le deuxième groupe doit arriver, il peut par exemple rester à table, » poursuit-elle.
Pour que le temps du repas se passe bien, l’idéal est de ré-individualiser chaque enfant et de s’organiser en fonction de cela.
Ensuite, mesdames et messieurs les professionnels : déculpabilisez ! « J’entends souvent les professionnels dire : je n’ai pas su faire cela, je fais mal ceci. Mais ce n’est pas de votre fait ! C’est du fait d’une organisation qui vient contredire les valeurs de l’accompagnement de l’enfant. Il faut donc tenter d’organiser les temps de repas au plus près des valeurs que vous avez » propose la formatrice.
Chez une assistante maternelle, le temps de repas peut vraiment être individualisé. Avec 3 ou 4 enfants, chacun peut aller à son rythme, prendre le temps de gouter, de partager son assiette avec un autre. La professionnelle peut donc faire de ce temps un véritable temps de plaisir.
Et quand ça ne se passe pas bien ?
Mais parfois, même si les pros y mettent la meilleure volonté du monde, ça ne se passe pas bien.
Quand le passage aux morceaux se passe bien à la crèche ou chez l’assistante maternelle mais pas à la maison, vous pouvez être certain qu’il y a un enjeu relationnel. Lequel ? Impossible de savoir sans en discuter avec les parents. Quoiqu’il en soit, chaque cas est différent (des parents angoissés, une séparation, une période difficile à traverse…) « Ce qui est intéressant, c’est d’accueillir la problématique de chaque personne », explique Sylvie Archambeau.
Si les parents vous confient que cela se passe mal à la maison, vous pouvez les amener à se diriger vers un professionnel en disant par exemple « Je constate que le problème persiste à la maison. Si cela devient à ce point conflictuel, vous pourriez peut-être aller consulter telle personne », propose la formatrice.
Mais il arrive aussi parfois que le passage aux morceaux se passe mal à la crèche ou chez l’assistante maternelle. Comment réagir alors ? « Il suffit de revenir au lisse, tout simplement », explique Sylvie. « Il ne faut pas hésiter à revenir en arrière. Un enfant ne grandit pas de manière linéaire. Ce n’est pas parce qu’une étape nous semble acquise qu’on peut passer à la suivante, » rappelle-t-elle.
Ré-introduisez donc des aliments lisses ou broyés. Et soyez surs d’une chose : il ne restera jamais jusqu’à 50 ans avec pour seul repas de la purée lisse !
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