Les séances d’Analyse de Pratiques Professionnelles : richesse et limites ? Par Monique Busquet

Psychomotricienne, formatrice petite enfance

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Les professionnels sont de plus en plus nombreux à bénéficier de séances d’Analyse de Pratiques Professionnelles (nommés aussi Groupes d’Analyse des Pratiques), depuis que les gestionnaires des établissements d’accueil ont obligation de mettre en place ces séances.
Il s’agit de donner à chaque professionnel des temps, en dehors de la présence des enfants, avec un intervenant qualifié pour les APP, extérieur à l’équipe, sans lien hiérarchique et dans un cadre de confidentialité des échanges.  C’est une reconnaissance de l’importance de pouvoir s’exprimer, échanger, penser et réfléchir à ses pratiques, dans un cadre protecteur. C’est une reconnaissance des enjeux émotionnels de ces métiers, de la nécessité de revisiter ses propres réactions et celles des enfants, des parents ou de ses collègues, de pouvoir exprimer ses ressentis sans peur du jugement, de prendre du recul, d’ouvrir d’autres compréhensions et perspectives d’actions en bénéficiant du regard de ses collègues et d’une pensée en groupe.  
Malgré cet intérêt évident, les expériences que je fais de ces séances, les échanges avec mes collègues intervenant aussi en APP et les remontées de la part de nombreux professionnels que je rencontre par ailleurs, m’amène à quelques constats et questionnements.

En premier lieu, l’ensemble des professionnels de l’accueil collectif comme individuel, manifestent leur fort besoin de s’exprimer ainsi qu’une réelle envie de réfléchir pour accueillir au mieux les enfants. Ils nomment l’importance d’être écoutés et la richesse d’échanger entre collègues, qu’ils soient de la même structure ou de structures différentes. Ils témoignent également de l’ouverture et changement de perspectives possibles en entendant d’autres points de vue et ressentis.

Mais ils manifestent aussi leur regret que ces temps soient parfois seulement un temps de partage de leurs difficultés et questionnements et leur souhait d’avoir des éclairages théoriques et cliniques de la part de l’intervenant, d’avoir quelques éléments de réponses et de pistes pour améliorer leur accompagnement des enfants.   Et en effet nous sommes nombreux à constater cet immense besoin de mieux comprendre ce qui se joue pour les enfants et leurs parents.  Ce n’est pas le cadre initial des APP mais avoir suffisamment de connaissances sur les besoins des enfants et de leur vie psychique, est un socle indispensable pour pouvoir interroger ses propres modes de faire. C’est alors tout le savoir-faire de l’intervenant de veiller à ce que ses apports ou éclairages n’empêchent pas la réflexivité des participants mais au contraire la soutiennent.

Les professionnels souhaitent également que ces temps se transforment en pratiques pensées et décidées en équipe.  Effectivement, la qualité d’accueil ne peut se développer sans des temps en équipe pour penser et organiser ses pratiques dans un minimum de cohérence, et des temps plus « cliniques » autour des enfants, pour comprendre leurs réactions et leurs besoins et ajuster leur accompagnement.

Or, il semble que dans de nombreux lieux d’accueil, il y ait de moins en moins de temps de réunion, voire pas du tout. Et des gestionnaires nous confirment fréquemment que, du fait des contraintes d’organisation et de temps de travail en période de manque chronique de professionnels, seuls ces temps d’APP obligatoires soient mis en place et au détriment d’autres temps de réunions, voire de temps de formation comme les journées pédagogiques.

L’obligation de ces APP et non des autres temps de réunion n’est-elle pas alors un contre sens ?
Les APP, et leur confidentialité, sont des espaces de parole importants et utiles s’ils viennent en complément des espaces d’organisation, de décision, de réflexion en équipe pour soutenir la qualité du travail auprès de chaque enfant.
Et de fait, les temps d’APP semblent être aujourd’hui des espaces assez fluctuants, très variés selon chaque intervenant qui crée à partir d’un cadre théorique d’intervention et ce qu’il perçoit comme prioritaire des besoins des participants et donc des enfants et de leurs familles.







 
Article rédigé par : Monique Busquet
Publié le 05 novembre 2024
Mis à jour le 05 novembre 2024