La loi et l'esprit de la loi. Par Françoise Näser
Assistante maternelle, auteur
La peur s’est installée et on ne peut donc plus se réunir à plusieurs pour faire de la pâte à sel ou pour organiser un goûter collectif sans craindre le pire !
Parce qu’il y a la loi et l’esprit de la loi. Il y a le sens général, pas si éloigné du sens commun ou du bon sens, et il y a l’interprétation restrictive du texte, mot pour mot et au pied de la lettre. Ce qui donne donc pour certain : « si tu es agréée pour ton domicile ou pour une Mam, en dehors de chez toi et à fortiori chez une collègue ou dans une salle associative prêtée par la mairie, tu ne l’es plus. » Quoi ? L’assistante maternelle agréée pour son domicile n’aura bientôt plus le droit d’en sortir ? Pauvres enfants et pauvres de nous !
Ainsi dans de nombreux départements, les associations qui fonctionnaient souvent depuis des décennies sans le moindre problème reçoivent des courriers les sommant d’arrêter toutes activités avec les enfants, quand ce ne sont pas les mairies, qui, prenant peur des conséquences juridiques d’un potentiel incident dans leurs locaux, annulent les conventions existantes ou refusent de les proroger. Un simple dommage collatéral de la loi sur les Mam ? On précise, mi-figue, mi-raisin, qu’il reste néanmoins possible de se regrouper dans les Ram : or tout le territoire n’est pas couvert de Relais, l’accès n’y est pas toujours si facile et la relation avec l’animatrice par toujours aussi simple. Les associations d’assistantes maternelles se voient souvent comme complémentaires aux Ram.
Les regroupements d’assistantes maternelles au sein d’associations ont de multiples avantages : participer à la professionnalisation des assistantes maternelles, lutter contre l’isolement et la solitude qui pèsent lourd sur notre quotidien, habituer les enfants à d’autres collègues ce qui est fort utile en cas de remplacement et leur permettre de jouer avec d’autres petits de leur âge ce qui n’est pas toujours le cas chez leur propre assistante maternelle.
D’autre part, ces regroupements permettent aux collègues en difficulté de pouvoir s’épancher, de pouvoir prendre du recul et de trouver du réconfort auprès de celles qui traversent ou ont traversé les mêmes difficultés. Enfermées entre nos quatre murs, seules, difficile de trouver une motivation, une énergie, une bonne humeur sans cesse renouvelées : finis donc les sorties entre collègues, les fêtes d’anniversaire, les défilés de carnaval et autres animations de Noël. Nos parents-employeurs qui choisissent un accueil individuel et familial souhaitent-ils pour autant nous voir affronter seules jour après jour les difficultés inhérentes à notre profession sans possibilité d’échanger avec d’autres collègues ? Souhaitent-ils voir leurs enfants mis à l’isolement ?
Certaines associations ont donc fait le choix de se regrouper en Collectif pour se donner plus de visibilité et pour médiatiser le problème. C’est par exemple le cas dans les Yvelines où la situation s’est brusquement tendue fin 2016, suite à un courrier du Conseil départemental rappelant toutes les assistantes maternelles à leurs obligations et à leurs responsabilités (4). De même les Maires de toutes les communes ont été informés du vide juridique laissant planer un doute sur la légalité de ces regroupements. Pas d’interdictions directes, mais pas non plus de statut légal. « Les services de Pmi sont légitimement embarrassés par ce cas non prévu par la réglementation. » (5) Certaines mairies ont donc aussitôt dénoncé les conventions existantes, laissant dehors les assistantes maternelles et les enfants, sans locaux où se regrouper, d’autres faisant le choix inverse et continuant malgré tout à accueillir les associations.
Dans un même département, on trouve donc des situations diverses preuve s’il en est de la difficulté à se positionner en absence de loi. Ainsi nos courageuses collègues du Collectif 78 ont frappé à toutes les portes, écrit à toutes les instances, remué ciel et terre, alerté la presse et tiré toutes les sonnettes d’alarme...
Néanmoins, le problème étant général sur tout le territoire, la création d’un collectif national qu’appellent de leurs vœux nombre de présidentes d’association actuellement sur la sellette, permettrait peut-être de faire vraiment bouger les choses.
(1) Loi n° 2010-625 du 09 Juin 2010 du Code de l’action Sociale et des familles
(2) Article 108, loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 : « Par dérogation à l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, l'assistant maternel peut accueillir des mineurs dans un local en dehors de son domicile.»
(3) Sandra Nadjar, avocat à la Cour, dans Assistantes Maternelles magazine n°79 de Mai 2011, page 29
(4) courrier du 17/11/2016 d’Olivier Lebrun, Vice-Président du Conseil départemental des Yvelines, délégué à la famille : « Dans le mesure où chaque agrément d’assistant maternel a été instruit et acté au domicile de l’assistant maternel, l’exercice du métier en dehors du domicile relève de la seule responsabilité de l’assistant maternel. »
(5) Rapport Giampino, page 181 qui préconise pourtant « de soutenir le développement des associations d’assistant-e-s maternel-le-s »
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