Grandir tout simplement. Par Anne-Cécile George

Directrice de crèche, infirmière-puéricultrice

bébé
C’est l’heure des commissions d’attribution des places en crèche dans les collectivités, moment clef pour les chefs d’établissement qui permettra d’orchestrer leur rentrée. Bon nombre de parents idéalisent ce mode de garde en lui attribuant une vertu presque magique voire thérapeutique pour leur enfant :« La Socialisation » (oui, il n’y a qu’en crèche que l’enfant est capable de se socialiser, autrement et sans plus de détours il sera étiqueté associable jusqu’à la fin de ses jours.). Plutôt tragique comme devenir, c’est pourquoi nous avons beaucoup de courriers qui abondent à l’aube des commissions afin de se prémunir contre le pire. Dans l’esprit de nos jeunes parents, la socialisation démarre jeune. C’est important, même primordial de savoir partager ses jouets ou attendre son tour à deux mois et demi.  A défaut, bébé pourrait échouer à son concours d’assistant social qu’il passera aux alentours de deux ans.  Vous l’aurez compris, j’ironise et bébé aura bien le temps de devenir sociable. Il apprendra tout d’abord à se connaître lui-même avant de faire connaissance avec l’autre.
Plusieurs courriers sont de véritables lettres de motivations. Cinq pages d’argumentation avec introduction, développement, conclusion qui valent un courrier pour rentrer à Sciences Po. Bébé candidate sérieusement pour occuper un poste/une place en crèche. Parfois les parents bousculent notre crédulité jusqu’à faire parler le fœtus, parfois ils choisissent d’attendrir la commission avec une dizaine de photos du  nouveau-né triés sur le volet (à quand le book en agence de mannequinat pour obtenir la place ?). Souvent maman est seule, mais attend son sixième enfant (du même père, faut-il le préciser ?).  Autre vertu de la crèche prônée régulièrement au gré des échanges avec les familles qui souhaitent plus que tout une place en Sup de Co, euh… en crèche : l’éveil, les activités. Une tension se créée pour que l’enfant emmagasine nombre de connaissances ou de compétences motrices (afin d’éviter de prendre du retard vis-à-vis du cousin, du voisin, du neveu…). Mais au nom de quoi et de quelle norme, l’enfant se placerait en compétiteur pour rattraper un prétendu retard ? Chaque enfant a son propre rythme, expérimentera selon ses envies, affinera ses traits de caractère par ses choix et se différenciera ainsi des autres enfants. Nous proposons un éveil des sens. Mais oublions le tir à l’arc, les cours magistraux de morale et d’éducation civique, l’initiation au poney, et les travaux dirigés. A la question « quel est le programme cette année à la crèche ? » « Grandir ».


 
Article rédigé par : Anne-Cécile George
Publié le 21 avril 2017
Mis à jour le 12 juin 2023
Un article d'une grande lucidité qui fait vraiment du bien, merci Anne-Cécile !