Nelly Nahon : de l’école d’art à la formation de professionnels de la petite enfance

Nelly Nahon a fait de l’art le centre de tous ses métiers. Parce qu’elle ne s’arrête jamais à une expérience mais décline sa passion dans différents secteurs. C’est ainsi qu’elle est passée de décoratrice de cinéma à formatrice en art pour les professionnels de la petite enfance… en passant par un grand nombre de projets.
C’est à l’Ecole des Arts Déco de Strasbourg (ESAD) que tout commence, il y a 14 ans. Nelly Nahon y suit deux années de formation et travaille dès sa sortie comme décoratrice de cinéma. Parallèlement elle met en place des ateliers artistiques à destination des enfants puis de publics plus spécifiques, comme à la prison Fleury Mérogis. « C’était très riche, cela a guidé ma pratique, raconte-t-elle. J’ai quitté le champ de l’occupationnel ». Elle intègre également la compagnie La Marotte qui propose des ateliers autour du recyclage et des marionnettes. Une dizaine d’années plus tard, elle quitte définitivement l’univers du cinéma et prépare un diplôme universitaire d’art thérapie à Paris V. « Je suis allée chercher un corpus théorique qui me manquait cruellement pour pouvoir mettre en œuvre des ateliers à médiation artistique », explique-t-elle. Deux années d’études très chargées puisqu’elle intervient en parallèle comme plasticienne dans des foyers de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Elle sort major de sa promo et devient à son tour formatrice à l’université.

Des passerelles entre l’art et la petite enfance
C’est à Montreuil que Nelly découvre le monde de la petite enfance. Elle y emménage et trouve tout de suite la ville très dynamique. Et si elle participait à sa vie artistique ? Justement, un « Mois de la petite enfance » approche et la chargée des publics du centre d’art contemporain Le 116 lui propose de concevoir un dispositif artistique expérimental « Hors les murs » pour les 0-3 ans. Elle a carte blanche. Une occasion en or pour Nelly, qui ne connaissait pas du tout cette tranche d’âge, de relever un challenge et d’imaginer quelque chose de nouveau. Elle crée donc au milieu du relai petite enfance Pauline Kergomard un grand cube blanc à l’intérieur duquel enfants et adultes sont invités à découvrir matières et couleurs. Cela devient un lieu d’échanges : « l’équipe du relais m’a accueillie avec confiance, générosité et bienveillance, souligne-t-elle. Elles ont cherché à comprendre ma démarche et j’ai pu avec leur concours me pencher sur les enjeux spécifiques de la petite enfance pour adapter ma proposition à ces spécificités ». La proposition est un franc succès et créer des passerelles entre la petite enfance et l’art est maintenant au cœur de la démarche de Nelly. Elle s’inspire aussi de sa propre relation avec son jeune fils pour comprendre la petite enfance et tester avec lui les dispositifs qu’elle souhaite développer.

Proposer des espaces sensoriels d’expérimentation
C’est plus affirmée qu’elle réitère le mois de la petite enfance un an après. « J’étais plus à même d’élaborer une proposition en tenant compte des enjeux que je connaissais. Je savais pourquoi et pour qui je faisais les choses ». Au sein cette fois du 116, elle crée « La promenade » : six cabanes monochromes proposant différentes expériences sensorielles. Bandes-sons musicales, piscine de tissus, matelas gonflable, gouache… Enfants, parents et professionnels en profitent sur des séances de trois quarts d’heure. Ils découvrent l’année suivante « le laboratoire des traces », un espace poétique aux multiples possibilités d’expérimentation de la trace : mousse à mémoire de forme, craies en cire, peinture sur moquette… « Il y a au cœur de ma démarche une volonté de proposer des espaces de création qui permettent une activité libre et spontanée. » Nelly apporte aux enfants comme aux adultes sa vision du processus de création en tant que plasticienne et art thérapeute : bien au-delà des loisirs, il est vecteur de mouvements très riches.

Changer le regard des professionnelles sur les ateliers d’art pour enfant
Après 3 ans, la direction de la culture de Montreuil propose à Nelly de mettre en place des modules de sensibilisation artistique pour les professionnels de la petite enfance. Depuis avril dernier, elle organise donc des sessions d’une journée où il s’agit d’aborder en premier lieu la pratique, ensuite la théorie. « Pour bien accompagner quelqu’un - ici les jeunes enfants -, dans le processus de création, il faut d’abord l’expérimenter soi-même. » L’idée est de proposer aux professionnelles des ateliers artistiques « en immersion » afin de les mettre dans les mêmes conditions que les enfants dont elles s’occupent… La découverte d'outils, la résistance de la matière, l'importance du faire, la relation à l'autre dans une création collective... « Je ne fais pas que de la transmission. Il ne s’agit pas uniquement de m’adresser à la professionnelle petite enfance, mais au créateur qui se cache en chacun de nous. Si j’aspire évidemment à ce qu’elles repartent avec des réponses, j’essaie surtout de provoquer des questionnements autour de la mise en œuvre du processus de création ! »

Etendre les formations
Les sessions de formation ont d’abord regroupé des assistantes maternelles et gardes d’enfant à domicile, puis des professionnelles de crèches. Les participantes repartent toutes ravies. Parce qu’elles ont une idée plus précise de ce qu’elles peuvent proposer aux petits accueillis et parce qu’elles apprécient ce temps qui leur est consacré. « Je trouve passionnants ces temps, dans le contexte de la formation professionnelle, qui mêlent sensibilisation et temps de création personnelle, analyse Nelly. J’ai très envie de continuer et d’étendre la proposition à d’autres lieux. ». Entre temps la jeune femme n’a pas changé ses habitudes puisqu’elle continue de travailler sur des projets en parallèle : elle intervient toujours à la PJJ et à la maison d’arrêt des femmes de Fresnes. Elle exerce également comme art thérapeute aux Petits Lutins de l’Art, dans un centre d’accueil psychologique parents-enfants et au domicile de patients en situation de handicap. Tout en continuant de former des étudiants en art thérapie à l’université.
Article rédigé par : Armelle Bérard Bergery
Publié le 18 août 2017
Mis à jour le 09 décembre 2019