Laissons les enfants jouer dehors !
Les parents, les professionnel.le.s de l’éducation et les institutions expriment de fortes réticences à laisser jouer les enfants dehors. Injonction hygiéniste omniprésente et recherche constante de l’hyper-sécurité nous ont conduit à une méconnaissance de la nature et ont généré des peurs.
Certains parents ont en effet tendance à surprotéger leurs enfants en les "enfermant" à la maison plutôt que de les laisser jouer dehors car « il risque de prendre froid », « il va se faire mal » et perçoivent la nature comme dangereuse en termes d’hygiène.
Moins de maladies et de dangers
Les expériences de terrain disent tout le contraire : « En moyenne, dans les crèches classiques, les enfants sont absents pour cause de maladie 8% du temps contre 3% pour les "crèches en nature"», souligne Sarah Wauquiez, dans son ouvrage « Les Enfants des Bois ». « Nous n’avons pas d’épidémies de gastro par exemple », témoigne Valérie Roy, directrice du multi-accueil semi plein air « Le Petit Jardin » situé dans le 17ème arrondissement de Paris où les enfants passent 80% de leur temps dehors.
Moins de danger aussi, car « l’enfant peut exercer sa motricité, développer ses muscles, son équilibre, il prend des risques plus qu’à l’intérieur. Les éléments pour la motricité globale sont à sa disposition libre. Alors qu’à l’intérieur on a tendance à avoir plus de craintes : « attention, tu vas te faire mal ». A l’extérieur, on accompagne du regard », raconte Valérie. Or lorsqu’on écarte l’enfant du moindre danger, on ne lui apprend pas à gérer le risque. Il faut « une prise de risque maitrisée car c’est important dans le développement de l’enfant », rapporte Charline Cachat, fondatrice des micro-crèches Wild Child en Haute Savoie, labellisée Ecolo Crèche ®, où la nature est au cœur du projet pédagogique avec un trio poulailler, potager et jardin et où les repas et siestes sont passés dehors. Même pour les plus petits qui dorment dans des hamacs proches du sol. L’espace extérieur a été recréé comme une balade en forêt avec des éléments naturels pour favoriser la motricité et l’éveil des sens : « Les rondins de bois sont poncés pour avoir des prises rondes mais les professionnel.le.s laissent l’enfant monter seul. Cela permet la confiance en soi et l’aide envers les autres : les plus grands aident les plus petits à grimper. »
Le mot phare est la liberté : dehors les adultes sont debout, les enfants s’éloignent, partent à la découverte. Alors qu’on a tendance à privilégier une pédagogie du calme à l’intérieur et une posture où on s’accroupit au sol et les enfants viennent vers les adultes. Et ce à cause souvent d’une mauvaise insonorisation des bâtiments. Le bruit qui perturbe les professionnel.le.s et les enfants engage moins les jeux libres.
Accompagner et sensibiliser les professionnel.le.s
Comment faire si certain.e.s professionnel.le.s ont des réticences ? Quelles sont les astuces pour lever ces peurs ? et si on n’a pas la chance d’avoir un espace extérieur ?
Charline propose des « bacs d’exploration avec des éléments naturels comme la mousse, des pommes de pins, du sable, de l’eau etc…) faciles à mettre en place, ne demandant pas beaucoup de temps et à décliner selon les saisons ». On fait venir la nature à l’intérieur de la crèche et ensuite on voit comment les enfants s’en imprègnent et s’investissent.
Pour accompagner les professionnel.le.s et les parents, il faut les sensibiliser à la dangerosité de déconnecter les enfants de la nature et à la problématique du « syndrôme du manque de nature », explicité par Richard Louv en 2005 dans son livre « Last Child in the Woods » où il y dresse un constat : la diminution de l’exposition des enfants à la nature nuit à leur santé. Et enfin rappeler aux adultes les bienfaits pour les enfants sur :
- la santé : le contact avec la nature renforce leur santé physique et leur système immunitaire
- le bien-être : ils sont émotionnellement plus équilibrés, ont plus de facilité à se concentrer, se sentent bien dans la nature.
- le développement : éveil, motricité, expérimentation, créativité, entraide, empathie envers le vivant
- la découverte du monde : découverte des limites, confiance en soi, autonomie
Il ne faut pas hésiter à accompagner les professionnel.le.s pour comprendre d’où viennent ces freins, sans se faire violence, en respectant le vécu de chacun pour déconstruire ces peurs qui vont sauter petit à petit.
Par ailleurs, comme dit le proverbe suédois « il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais vêtements », il est important de bien se vêtir pour les enfants comme pour les professionnel.le.s l’hiver ou par temps de pluie (avec des vêtements imperméables, bottes de pluie par exemple) comme été (petit chapeau, protections contre le soleil). Et pour les professionnel.le.s, n’hésitez pas à privilégier les tisanes et boissons chaudes l’hiver par exemple.
Enfin c’est par l’expérience et la manipulation, en laissant faire les enfants que leurs peurs parfois archaïques ou bien transmises par les adultes vont pouvoir être appréhendées : peur de traverser une petite flaque, de s’asseoir dans l’herbe, des petites bêtes dans la nature, dégoût de se salir. Valérie suggère de mettre en place par exemple, un atelier de manipulation de la terre, de préférence bio et leur proposer de jouer.
Ainsi il est primordial dans un monde ultra connecté mais déconnecté de la nature, d’éveiller les enfants à leur environnement naturel pour qu’ils puissent la découvrir, s’en émerveiller, l’aimer et la respecter. « On protège ce qu’on aime et on aime ce qu’on connait. » Car sinon comment expliquer aux enfants les enjeux écologiques ?
Si vous souhaitez aller plus loin pour approfondir ce sujet, l’association Label Vie propose une formation « Eduquer à l’Environnement dès la petite enfance » disponible en format face à face, à distance et en autonomie (FOAD).
Sources :
Sarah Wauquiez « Les Enfants des Bois »
Richard Louv « Last Child in the Woods »
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