Comment repérer les enfants exposés aux violences conjugales ?
On a cette image de la femme battue qui un jour arrive avec un œil au beurre noir et dit qu’elle s’est cognée dans l’escalier… Or les violences conjugales ne sont pas que physiques. Elles peuvent aussi être verbales, sexuelles, psychologiques ou économiques. Ces cinq types de violences clairement identifiées peuvent être cumulatives. C’est d’ailleurs assez fréquent. En tout cas, il y a toujours des violences psychologiques. Autre caractéristique qui différencie les violences conjugales de simples tensions de couples : une relation dominant/dominé qui s’installe. « Il y a toujours un dominant et un dominé, toujours les mêmes. Ce rapport est figé et ne change jamais » précise Élise Mareuil
Les violences conjugales fonctionnent par cycles« C’est parce qu’elles fonctionnent par cycles qu’on le reconnait car c’est une caractéristique qui les différencie des conflits de couple » explique Élise Mareuil. La première phase s’appelle la lune de miel. Comme son nom l’indique c’est une période où tout va bien où tout est beau dans le meilleur des mondes. La relation est fusionnelle et idyllique.
La deuxième phase correspond à un temps normal. Tout va bien avec quelques conflits comme dans toute vie de couple.
Le troisième temps est celui des tensions. C’est le moment où les conflits ne sont pas résolus de façon normale et où la domination, l’emprise psychologique se met en place.
Et alors arrive l’explosion de violence proprement dite sous toutes ses formes.
Enfin la dernière phase du cycle, c’est le temps de la réparation et de la culpabilité. Il y a des excuses, des regrets, des "je t’aime" mais aussi des "tu l’avais cherché, c’était de ta faute" … « car un auteur de violences ne se sent jamais responsable, il trouve toujours des raisons chez l’autre pour justifier ses gestes ou paroles » constate Élise Mareuil.
Ce cycle fini, cela reprend dans un ordre immuable : la lune de miel, etc. Au début, un cycle peut s’écouler sur des années, à la fin il peut se dérouler sur une journée. « Car note encore Élise Mareuil les violences conjugales sont récurrentes, De plus elles s'aggravent et s’accélèrent toujours avec le temps. ».
L’impact des violences conjugales sur les enfants de moins trois ans est considérable
« Dans 68% à 80% des cas, l’enfant est présent quand leur maman subit des violences de la part de leur conjoint. On ne dit pas qu’un enfant est témoin de violences conjugales, car il n’est pas extérieur à la scène, il n’est pas neutre » insiste Élise Mareuil.
Les symptômes qui doivent alerter
L’enfant victime de violences conjugales est toujours aux aguets, inquiet, jamais tranquille. En hyper vigilance pour sa survie. Il va détecter tous les signes de tension. « Même à la crèche (ou chez l’assistante maternelle), il est en hyper vigilance constante explique Élise Mareuil. Ce qui l’empêche de se concentrer sur les apprentissages ou activités ». Il sera très sensible aux bruits et aux sons, et soit s’enfermera dans le silence (avec d’éventuels retards de langage) soit au contraire sera dans l’hyperactivité. On peut aussi constater des troubles de l'attachement avec de grandes difficultés à se séparer.
Il y a des troubles extériorisés : agressivité, tolérance très limitée à la frustration avec colères et violence à l’appui. Et des troubles intériorisés : repli sur soi, froideur affective, l’enfant se déconnecte de ses émotions, a peu d’interactions sociales.
Quelle attitude adopter vis-à-vis de l’enfant … et de sa maman
« Un enfant exposé aux violences conjugales présente de 10 à 17 fois plus de troubles affectifs et comportementaux qu’un autre souligne Élise Mareuil. Alors quand on connait un peu la question, on peut détecter dans le lieu d’accueil. »
On peut déjà observer l’enfant et ses réactions grâce à des outils : des livres, des poupées ou des ballons des émotions, mais aussi à des personnages liés à la famille et une maison de poupées qui amènent l’enfant à rejouer des scènes. En interne, il faut en parler avec le psychologue et le médecin référent de la structure ou à la PMI pour les assistantes maternelles. Et voir si la maman est prête à parler. « Il suffit parfois de lui demander : et à la maison comme ça va … pour qu’elle se confie. 68% femmes ayant subi des violences conjugales disent que si on leur avait posé la question, elles auraient parlé » rappelle Élise Mareuil. Et alors là, pas question de jouer les apprentis sorciers. Une fois les violences avérées, l’aide doit venir d’organismes compétents. « Il faut orienter la maman-victime vers des associations comme SOS femmes, une maison des femmes, ou des juristes et psychologues spécialisés. »Et après ? La vigilance s’impose
« Il faut prévient Élise Mareuil quand on accueille des familles où les parents sont séparés mais où il y a eu des violences conjugales, rester vigilants. La coparentalité est très difficile dans ces cas-là. Et il faut que les équipes réfléchissent en amont à ce qu’il conviendrait de faire en situation d’urgence. Il faut imaginer des protocoles pour ne pas être pris au dépourvu. » Dans le respect de l’autorité parentale partagée et des jugements de divorce quand il y a en a eu. Un exercice parfois périlleux.
Pour aller plus loin
Un site
Celui de Muriel Salmona : https://www.memoiretraumatique.org/
Une formation
Proposée par Elise Mareuil : "Les violences intrafamiliales et conjugales dans la petite enfance"
Des livres pour aider les enfants à s’exprimer
• Grosse colère (L’école des Loisirs)
• Ça fait mal la violence (Gallimard jeunesse
• Va-t’en grand monstre vert (Kaléidoscope)
• La couleur des émotions (Éditions quatre fleuves)
• Quand j’ai peur (Piccolia)
Des jouets pour exprimer les émotions
• Des poupées et des ballons à émotions (Wesco)
• Les personnages Little Family (Haba)