Épuisement professionnel : les salariés d’EAJE en première ligne
• La première variable importante est le contexte d’accueil. « Selon une étude de 2014 sur le vécu des différentes professions du secteur, menée avec le réseau Devenir d’EnFaNce, les salariés évoluant en collectif (EAJE) sont beaucoup plus soumis à ces questions de stress professionnel, du fait de contraintes spécifiques, évoque Pierre Moisset, sociologue et expert des politique sociales et familiales. A contrario, les assistantes maternelles font état d’un vécu assez positif de leur profession, la dimension d’isolement social étant contrebalancée par l’autonomie dont elles bénéficient face aux enfants. »
• Seconde variable : la fonction exercée. Si les professionnels de terrain sont aussi exposés à ce stress que ceux en responsabilités, c’est à des degrés et pour des raisons diverses. Les auxiliaires de puériculture connaissent un stress plus important que les autres, surtout dans les grands établissements (plus de 40 berceaux), et en particulier quand elles sont amenées à gérer des accueils à temps plein. « Un phénomène avant tout imputable, semble-t-il, au manque d’encadrement face aux enfants accueillis, impliquant un sentiment de dégradation du travail », note Pierre Moisset. D’autres facteurs s’ajoutent à cette surcharge mentale : l’environnement sonore ; les activités répétitives ; les sollicitations multiples des enfants tout au long de la journée…
Du côté des directrices et des EJE, le sentiment dominant est un morcellement accru du travail, du coup considéré comme plus usant, moins facile, surtout par les directrices. « Une position qui peut s’expliquer par le fait que ces deux catégories de professionnels ont un sentiment de tiraillement entre la gestion des équipes, celles des parents et celle des enfants. Lequel s’ajoute à une sensation d’éparpillement : ils ont à penser au quotidien à l’aménagement des sections, à la maitrise des logiciels (inscription des parents, facturation, gestion des horaires des professionnels… », décrypte Pierre Moisset.
• Troisième variable : le niveau ressenti des perspectives d’évolution professionnelle. « En EAJE, on constate que les non-diplômées - les titulaires d’un CAP ou d’un BEP Petite enfance - sont beaucoup plus enthousiastes sur leur activité que les auxiliaires de puériculture, pointe Pierre Moisset. Explication : ces dernières sont prises dans l’effet cuvette, avec un accès à la VAE assez compliqué, pour devenir EJE notamment. Alors que CAP et BEP ont plus de facilité à évoluer. Sans compter qu’elles peuvent ressentir un sentiment de qualification par le simple fait de travailler en structure. »
Une évolution du vécu diverse selon les profils des professionnels
Pourtant, si l’on se penche sur l’évolution du vécu dans les cinq dernières années pour les professionnels, la situation est plus nuancée. Les professionnels de terrain estiment que la situation s’est plutôt améliorée. « Ces professionnels trouvent le travail moins morcelé, moins stressant, explique Pierre Moisset. Elles notent aussi une amélioration par l’expérience ». Ce n’est pas le cas des personnels de direction. Selon Catherine Vasey, psychologue et fondatrice du cabinet NoBurnout, ceux-ci sont en effet les victimes collatérales de tracasseries administratives croissantes. « Avant, chacun gérait son institution comme il l’entendait. Désormais, chaque euro investi doit être justifié, explique-t-elle. Les directrices de structures sont soumises à des injonctions contradictoires : d’un côté, la nécessité de gérer le court terme, avec des objectifs de rentabilité. De l’autre, les contraintes de l’éducation des enfants, qui nécessitent des échelles de temps de moyen à long terme. A la clé, un sentiment de perte du sens de son métier. »
Autre facteur d’alourdissement récent de la charge mentale pesant – de manière globale cette fois - sur les professionnels de la petite enfance : les changements sociétaux. « Plus exigeants et privés du soutien de la famille élargie, les parents modernes sont plus exigeants, ajoute Catherine Vasey. Ils attendent que la structure les supplée dans de nombreux rôles. Avec, parfois, des attentes irréalistes, particulièrement néfastes pour les personnes qui vont quand même tenter d’y répondre, alors même que leur environnement de travail ne leur en donne pas les moyens », conclut Catherine Vasey.
Des difficultés encore accrues par la présence persistante d’une certaine forme de déni. « Face à l’idée inscrite dans l’imaginaire collectif, selon laquelle travailler auprès de jeunes enfants, c’est un job enchanté, les professionnels de la petite enfance ont beaucoup de mal à dire et à se dire la pénibilité de leur travail », commente Pierre Moisset. Autant de facteurs qui s’alimentent les uns les autres, formant un cercle vicieux de démotivation et de fatigue.
Quels signes avant-coureurs et comment le prévenir ?
Les professionnels exposés à ces différents facteurs de stress doivent prendre garde aux signes avant-coureurs du burn out. Catherine Vasey énumère les symptômes qui doivent alerter : hausse de la tension artérielle, maux de tête, troubles de la digestion, mais aussi de la mémoire et du sommeil, tensions musculaires permanentes, difficultés de concentration, émotions exacerbées (tristesse, angoisse, irritabilité…), manque d’estime de soi, ruminations et pensées toxiques qui envahissent la vie privée… La prévention du burn out peut passer par deux voies.
Les premières solutions sont d’ordre organisationnel et managérial. « Les arrêts de travail ne peuvent être qu’une mesure d’urgence : ils ont un impact économique et ne résolvent pas le fond, estime Pierre Moisset. Ce qu’il faudrait vraiment, c’est changer le quotidien des travailleuses de terrain en EAJE. »
Revoir l’organisation et le management en petite enfance
Il préconise que les managers soient en mesure d’offrir un espace de partage des pratiques ou de parole, où les équipes peuvent exprimer la pénibilité de leur travail. « Qu’il y ait un consensus sur le fait que les émotions ne sont pas mauvaises en soi et qu’elles doivent pouvoir être exprimées pour pouvoir s’alléger, précise-t-il. Ces échanges font partie des principales choses demandées par les professionnels, devant la formation. »
Une condition qui passe, selon lui, par une réforme profonde du management de la petite enfance, actuellement principalement tenu par les puéricultrices. « De ce fait, les personnels de direction - des puéricultrices, la plupart du temps - sont avant tout dans une position d’accompagnement technique, alors qu’on aurait plutôt besoin d’un accompagnement des professionnels dans leurs ressentis », développe-t-il. Sa proposition : aller jusqu’au bout de l’évolution en distinguant deux types de managers : les EJE, sur l’accompagnement des équipes, et les puéricultrices, davantage sur celui des enfants et des parents. « Ce qui ne coule pas de source, du fait d’une concurrence larvée entre les deux profils, sur l’aménagement de l’espace ou l’accompagnement de l’enfant dans son développement, regrette-t-il. Cela demanderait aussi à mieux entériner les compétences acquises sur le terrain par les auxiliaires de puériculture, afin de leur faciliter l’évolution sur l’une ou l’autre fonction. »
Mettre en place des techniques anti-stress
Second type de solutions : les mesures d’ordre individuel. La clé ? Agir sur tout ce qui est de l’ordre de la décharge du stress. « Il ne s’agit pas seulement se relaxer, mais aussi de se défouler : chanter à tue-tête dans la voiture en rentrant de son travail, encourager son équipe à un match de foot, faire du sport, entretenir son jardin… », illustre Catherine Vasey. On peut aussi s’aider de certaines techniques, comme la cohérence cardiaque (fait de contrôler sa respiration pour gérer ses émotions). Autre conseil : bien distinguer la vie professionnelle de la vie privée, et s’épanouir hors de son temps de travail. « Objectif : cadrer les ruminations mentales, qui envahissent souvent la vie personnelle », pointe-t-elle. Il faut aussi focaliser son attention sur ce qu’on a bien réussi dans la journée, les moments où l’on s’est sentie utile, pour nourrir le sens de son travail. Enfin, cultiver la dynamique d’équipe, la bonne ambiance, le respect et reconnaissance mutuelle, qui sont d’importants compensateurs de stress.
Pour aller plus loin
• Pierre Moisset « Accueillir la petite enfance : motivation, travail, vécu des professionnels » (Erès), sortie prévue en mars 2019.
• Catherine Vasey « Burn out : le détecter et le prévenir » (Jouvence), 2015
• Catherine Vasey « Comment rester vivant au travail : guide pour sortir du burn out », Dunod, 2017.
Manque de pros dans les établissements, le ratio d'une pro pr 5 bébés et 8 enfants qui marchent est insuffisant.. On fait un travail qui nous plaît, on en a besoin pour vivre,mais notre santé et notre vie privée reste notre priorité.. Donc il faut ds pros en plus pr nous permettre de prendre nos vacances quand on en a besoin et non quand les enfants sont en vacances dans les établissements..
On a besoin de s'organiser et pour cela connaître nos vacances 3 mois avant est un minimum,beaucoup d'entreprises posent les vacances pour l'année.. Nous on est toujours en stresse pr savoir si on auras nos jours,si on pourra réserver quelque chose et partir en vacances.
Tension et migraines je connais bien..
J'ai aussi eu la chance d'avoir une responsable qui ne refusait jamais 1 jour de repos,car pour elle si on demandait une journée s'est qu'on en avait besoin et du coup pas d'arrêt maladie.
Les EJE n'ont pas un rôle d'EJE elles sont tjs entrain de remplacer à droite a gauche en jonglant parfois sur 3 sections ds la journée ( 88 berceaux)
Alors oui revoir le ratio des pros ds la petite enfance il y a urgence .