Son éphémère prédécesseur, Damien Abad, avait brillé par son absence, au grand dam de tout le secteur, gestionnaires comme professionnels de terrain. Jean-Christophe Combe, lui, fait une entrée remarquée. Il semble avoir pris la mesure de ses responsabilités. C’est en tout cas assez déterminé et conscient des enjeux qu’il est apparu ce matin devant le groupe de travail pénurie du comité de filière Petite Enfance qui venait découvrir les résultats de l’enquête Cnaf sur la pénurie de professionnels.
« Une semaine après ma nomination, a-t-il expliqué, il m’est apparu indispensable de vous voir rapidement : car en tant que ministre des Solidarités, je suis, et je tiens à vous le dire très clairement le ministre de la petite enfance et des familles ». Voilà c’est dit, le secteur n’a pas de ministre ou de secrétaire rien que pour lui, mais il a un Ministre !
Voilà plutôt une bonne nouvelle…
Et le Ministre a insisté : « Je sais que l’absence de présence claire dans mon intitulé des mots « enfance et famille » a suscité des regrets ou des craintes que ces politiques publiques soient mises de côté ». Mais il s’est voulu rassurant en affirmant haut et fort qu’il sera auprès de tous les acteurs de la petite enfance pour décider et agir.
Une feuille de route ambitieuse
Jean-Christophe Combe a rappelé que sa feuille de route était claire et ambitieuse, conformément aux engagements du président de la République repris par la Première ministre lors de son discours de politique générale. Au programme : la construction du service public de la petite enfance avec à la clef la création de 200 000 places d’accueil. Et bien sûr si l’on veut des places d’accueil de qualité, il faut des professionnels « formés et en nombre suffisant ». « Au vu des résultats de l’enquête Cnaf, c’est 10 000 professionnels qui nous manquent dès aujourd’hui pour revenir à notre pleine capacité d’accueil et nous connaissons les profils dont nous avons besoin et les territoires où nous en avons besoin », a-t-il souligné.
A partir de constat partagé par tous, le ministre a annoncé des mesures concrètes et détaillé ses intentions. Mais auparavant il a tenu à revenir sur l’affaire du bébé décédé dans une micro-crèche de Lyon.
Bébé décédé à Lyon : une enquête IGAS et 4 pistes de réflexion
Conscient du traumatisme que ce tragique évènement a fait vivre à l’ensemble des professionnels du secteur, Jean-Christophe Combe s’est dit résolu « à ce que toute lumière soit faite et à ce que tous les enseignements en soient tirés. ». Rappelant que la loi de février 2022 a étendu aux professionnels de la petite enfance le contrôle des antécédents judiciaires à l’embauche et tous les 5 ans, il a convenu qu’il fallait aller plus loin. Il a donc annoncé avoir saisi l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) pour que soient apportés des éclaircissements sur ce qui a pu amener à ce passage à l’acte et plus généralement ce qui peut amener à des situations de maltraitance ou de danger. La mission devra s’intéresser à la micro-crèche en cause, à l’ensemble du réseau People and Baby à laquelle elle appartient, voire aux modes d’accueil en général. Et attend que des pistes d’amélioration soient proposées.
Sans attendre les conclusions de cette mission, le Ministre a avancé 4 idées :
1.l’obligation de créer un conseil de parents dans chaque crèche
2.la mise en place d’un système de signalement et de suivi national des incidents
3.l’instauration d’une obligation périodique d’évaluation externe sur la base d’un référentiel national, comprenant le cas échéant la satisfaction des parents, dont les résultats seront rendus publics
4.la limitation dans le temps de la durée d’autorisation des établissements à l’image de ce qui se pratique pour l’agrément des assistants maternels.
Des mesures immédiates pour pallier les conséquences de la pénurie
• Report au 1er janvier 2023 de l’entrée en vigueur des dispositions de la réforme des services aux familles (Norma) qui devaient s’appliquer à la rentrée de septembre et que les actuelles tensions de recrutement auraient rendu quasi impossibles à mettre en oeuvre. (ndlr : c’était une demande notamment de l’ACEPP et de l’Uniposs).
• Publication d’ici la fin du mois de l’arrêté relatif aux personnels de crèche et qui permettra d’ouvrir l’exercice en crèche à de nouveaux profils sans transiger en rien avec la qualité d’accueil (ndlr : c’est l’arrêté le plus discuté , celui qui inquiète nombre de professionnels )
• Déblocage de 500 000 € pour un accompagnement du Comité de filière sur 18 mois par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail vers la construction d’un observatoire de la qualité de vie au travail dans la petite enfance (ndlr : une des propositions phares du comité de filière)
• Doublement des crédits locaux disponibles (soit 3 millions d’euros supplémentaires) pour la plan Ambition Enfance-Egalite. « C’est ainsi désormais 6 millions d’euros qui permettront de financer l'analyse des pratiques pour l’ensemble des modes d’accueil », a précisé le ministre.
• 2 millions d’euros seront affectés au financement d’une campagne de promotion et de valorisation des métiers de la petite enfance. Tous les métiers de l’accueil individuel et collectif seront concernés.
Ces nouveaux moyens seront effectivement débloqués pour ces actions d’envergure dès cette année 2022.
Le ministre, « ambassadeur » des professionnels et de leurs difficultés
Mais Jean-Christophe Combe semble avoir pris la mesure de l’ampleur de la pénurie et de la nécessité de construire des solutions pérennes. C’est pourquoi il annoncé, que fort de cette enquête Cnaf, il sensibilisera à cette crise de recrutement sans précédent tant le Ministre de l’Éducation nationale que la présidente de Régions de France (ndlr : le premier pour les diplômes tels le CAP-AEPE, la seconde pour les places de formation d’EJE et d’AP notamment).
De la même façon, il ira dès la rentrée à la rencontre des comités départementaux des services aux familles pour les mobiliser quant à leur mission de recensement des besoins à venir en termes de professionnels de la petite enfance. Leur rôle sera clé pour prévenir de nouvelles tensions de recrutement.
La question des rémunérations sera abordée à la rentrée
Parmi les propositions du communiqué du Comité de filière Petite Enfance, l’une concernait les rémunérations des professionnels du secteur. Elle était ainsi formulée : « Pour donner à tous les partenaires sociaux concernés les informations dont ils ont besoin pour engager des discussions éclairées sur les rémunérations, les droits sociaux et les conditions de travail dans le secteur de la petite enfance, le comité de filière : - Mettra à leur disposition : o Une grille de comparaison des droits sociaux et rémunérations réelles en 2019 des professionnels de la petite enfance dans l’ensemble du secteur, établie dans le cadre du comité de filière et grâce aux coopérations inédites qu’il a permis d’instaurer ; o Les données relatives au niveau de rémunération des professionnels de la petite enfance d’autres pays que le comité de filière aura rassemblées ; - Parallèlement, et conscient de la nécessité de préserver la soutenabilité économique du secteur, appelle le Gouvernement et la branche Famille de la Sécurité sociale à s’engager à soutenir financièrement la filière ».
Sur ce point le ministre veut se donner du temps pour regarder ces propositions en détail durant l’été. « Je le ferai, car je sais l’importance du sujet et avec quelle attention vous suivrez les suites que j’y donnerai ». Rendez-vous pris pour septembre.
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