Les P'tits Princes : Une MAM (complètement) intergénérationnelle !

Une mère et sa fille, toutes deux assistantes maternelles, qui créent une MAM ? L'initiative aurait déjà pu être saluée pour son originalité ! Et pourtant, Sonia Ulrich et Elodie ont choisi d'aller plus loin : plus qu'une affaire de famille, la Maison d'Assistantes Maternelles les P'tits Princes à Illzach (68) est devenue une belle histoire intergénérationnelle, quand les deux professionnelles ont posé leur matériel dans l'Ephad de leur village haut-rhinois.

En plus de 25 ans de carrière, Sonia Ulrich a tout vu de la petite enfance ou presque ! Assistante maternelle à ses débuts, elle est ensuite Atsem dans une école maternelle pendant 15 ans avant de se rendre compte que les tout-petits lui manquent. Elle décide donc de pratiquer en crèche, mais finit là encore par réaliser que le poste n'est pas en phase avec ses attentes. « Les quotas d'enfants, les horaires d'accueil, les conditions de travail : je manquais de temps de plaisir avec les enfants, cela ne correspondait pas à ma vision de l'accueil, » explique-t-elle. Finalement, c'est en cherchant à intégrer une structure « à taille humaine » qu'elle a le déclic : « je voulais un cadre de travail plus serein, dans lequel évoluerait moins d'adultes et moins d'enfants... Et je suis tombée sur un projet de MAM. Avec 16 enfants et 4 adultes tout au plus, cela me semblait parfait pour favoriser un accueil de qualité, humain, » continue-t-elle.

Une équipe de professionnelles intergénérationnelle aussi !
Reste alors à Sonia à trouver au moins une collègue pour monter le projet... Et la professionnelle n'a pas eu à chercher bien loin ! « Ma fille Élodie travaillait en crèche depuis 5 ans. On se retrouvait sur les mêmes idées, on était confrontées aux mêmes problématiques. Il fallait qu'on se lance ensemble, c'était une évidence !, » confie Sonia avec un vrai enthousiasme. Et c'est finalement grâce à Élodie que le projet pédagogique de la MAM se dessine plus concrètement. Ancienne aide-soignante auprès des personnes âgées, Élodie « sait qu'il manque le sourire des enfants aux personnes âgées. » C'est donc elle qui convainc sa mère d'installer leur future MAM en Ehpad.

Dès lors, la mise en place du projet se fait encombre, même si quelques obstacles, parfois chronophages, apparaissent en cours de route. « Un Ehpad a vite été intéressé par le projet. Sa directrice, hyper-dynamique, est une jeune maman convaincue que pour les personnes atteintes d'Alzheimer, le contact avec les enfants peut être une renaissance », souligne Sonia Ulrich. Un projet d'autant plus intéressant pour la direction de l'Ehpad qu'il peut être vertueux pour tous : les enfants, les personnes âgées, mais aussi le personnel de l'établissement.

Installer une MAM en EHPAD : un casse-tête administratif
Les professionnelles obtiennent aussi rapidement leurs financements : une aide de la commune d'Illzach où l'Ephad et la MAM sont installés, le financement de la CAF, une subvention complémentaire de la collectivité Européenne d'Alsace, qui a permis d'acheter le matériel de puériculture et d'aménager le local...

Plus difficile, par contre, a été l'obtention du go de la PMI pour ouvrir la structure : « Comme la MAM fait partie d'un établissement pour personnes âgées, elle devait répondre aux normes d'installation et de sécurité de deux secteurs », précise la professionnelle en se rappelant de toutes les questions inattendues qui se sont posées... autour des portes du local ! « La procédure a mis du temps car il fallait que les commissions des deux secteurs se mettent d'accord et s'adaptent aux demandes de chacune, » poursuit-elle.

Bienveillance et humanité
Les formalités administratives réglées, la MAM les P'tits Princes a enfin pu ouvrir ses portes. Pour l'heure, Sonia et Elodie accueillent 8 enfants de 10 semaines à 19 mois. Le local de la MAM, adjacent à l'espace de vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, permet aux petits et aux grands, de se côtoyer via une vitre partagée. Et cette simple ouverture sur le monde de chacun change tout : « Grâce à elle, chaque groupe fait désormais partie intégrante de la vie de l'autre. On se dit bonjour, les interactions entre les générations sont constantes et on en voit déjà les bienfaits, » rappelle fièrement la professionnelle.

Et de se réjouir de l'enthousiasme de toutes les parties prenantes dès le début de cette belle aventure : « le personnel soignant de l'Ephad s'est tout de suite approprié le projet. Nous échangeons sans cesse sur les bonnes pratiques notamment pour approcher les personnes âgées. Il répond à toutes nos questions... Nous évoluons vraiment dans un environnement bienveillant où l'on nous soutient », souligne Sonia Ulrich, reconnaissante. Il faut dire que la MAM est hébergée dans un Ehpad pas tout à fait comme les autres : « c'est le seul établissement du Grand Est a bénéficié du label Humanitude. Il y a ici une démarche inclusive à tous les points de vue. Nous avons beaucoup de chance d'accompagner les enfants dans un cadre aussi humain », précise-t-elle.

S'adapter à chacun, grandir et apprendre la tolérance
Quelles seront les prochaines étapes pour les P'tits Princes ? Déjà la mise en place d'activités avec les résidents de l'Ephad. Un moment important qui a été soigneusement réfléchi et organisé en association avec le personnel soignant : « Les soignants vont inviter certains résidents à partager ces temps avec nous car eux seuls sont à même d'évaluer qui peut interagir avec les petits. De notre côté, nous proposerons ces activités aux plus grands, car il n'y aucun intérêt pour les résidents d'être mis en contact avec des tout petits qui ont surtout besoin de dormir,» rappelle Sonia Ulrich. De ces rencontres naîtront des goûters, des temps de musique et de culture, des célébrations particulières pour les fêtes. Mais pour l'heure, pas de calendrier fixe en la matière. « Nous allons nous laisser porter par nos envies et celles des soignants, par les rythmes de vie des grands et des petits. Notre objectif est vraiment d'adapter notre pratique aux besoins de chacun », continue-t-elle, rappelant que mère et fille, même si elles se connaissent par cœur, doivent aussi prendre le temps de se découvrir en tant que collègues.

Dans tous les cas, le pari est déjà gagnant pour cette assistante maternelle véritablement passionnée par les petits qu'elle accueille. Elle l'avoue aisément : en quelques mois seulement, sa pratique a déjà évolué : « Installer notre MAM en Ehpad m'a appris à avoir beaucoup plus de tolérance, à changer de regard sur les personnes âgées et sur notre métier », conclut-elle. Une belle leçon de vie.