Sylvie d'Esclaibes : « On ne fait pas de la "garde d’enfant" »

Pionnière sur la pédagogie Montessori en France depuis plus de trente ans, Sylvie d’Esclaibes accompagne aujourd’hui le réseau de crèches Montessori Neokids dans son développement. Nous avons recueilli sa vision de Montessorienne convaincue, indépendante et ouverte aux richesses des pédagogies alternatives. 
Les Pros de la Petite Enfance : Maria Montessori avait-elle une véritable vision pour l’accueil des tout-petits ? 

Sylvie d’Esclaibes : Bien sûr, elle a défini un certain nombre de choses en observant les tout-petits : le topponcino (ce petit cocon dans lequel porter un nouveau-né), la boite à permanence de l’objet, le mobile, le nido… Et puis l’idée d’une motricité très libre, le développement de la concentration qui se fait très tôt, la préférence pour les matériaux nobles sans couleurs surstimulantes et agressives, le rôle de l’éducateur. Elle a défini les périodes sensibles notamment celle de l’ordre que les enfants traversent entre 1 et 3 ans : les enfants ont besoin de grandir dans un environnement ordonné et que la journée soit séquencée par des routines. J’ai été effarée de voir que dans certaines crèches, c’est le bazar !  

Comment être attentif à la progression de chacun dans un accueil collectif ? 
Comme dans une classe Montessori, il y a un énorme rôle d’observation. Pour les bébé comme pour les grands, on s’adapte au rythme de développement de chacun. On organise un environnement autour de l’enfant, que l’on adapte en fonction de sa progression. Ce qui est compliqué c’est que souvent les professionnels ne sont pas assez nombreux pour porter cette attention à l’enfant. 

Quelle accueil proposez-vous dans les micro-crèches Neokids ? 
Ce que l’on fait chez Neokids est différent de toutes les crèches que j’ai pu visiter. Toutes nos micro-crèches ont le même projet pédagogique : on a installé des environnements complets Montessori, là ou certaines crèches ne prennent que quelques éléments... C’est un investissement important ! J’ai ajouté le mobilier de Pikler car je trouvais que tous ces éléments de motricité avaient vraiment leur place dans nos crèches. Ensuite, la formation du personnel est essentielle. Car vous pouvez créer toute une ambiance Montessori, si le personnel n’est pas formé à l’utilisation du matériel, à l’observation des enfants, aux périodes sensibles, ça n’a pas de sens ! Chez Neokids on forme nous même le personnel. Une première formation courte de 48 heures pour comprendre l’environnement. Puis une seconde formation pour mieux comprendre cette ambiance et comment accompagner les enfants. Ensuite, c’est une formation permanente et continue des équipes, avec des visites régulières de formateurs, des entretiens mensuels avec eux pour pouvoir faire part de ses difficultés et être capable d’adapter l’environnement aux enfants accueillis. Personne n’intègre la crèche s’il n’est pas formé Montessori. Et souvent la formation est un vrai choc ! 

Quel regard portent les pros sur cet engagement pédagogique ?
Cette approche rend leur métier passionnant, on ne fait pas de la « garde d’enfant » ! Maria Montessori disait qu’avant de s’occuper d’enfants il fallait faire un gros travail sur soi, se débarrasser de l’orgueil (« c’est moi qui sais tout, c’est moi qui commande ») et puis de la colère (ne jamais s’énerver sur un enfant). D’abord c’est une grosse remise en question et puis c’est un investissement énorme. C’est difficile, mais les professionnels apprécient de travailler dans un environnement plus calme, avec moins de stress. Mais cela ne convient pas à tout le monde, il faut vraiment avoir cet état d’esprit et être soutenu.  

N’est-il pas trop difficile de suivre l’esprit Montessori dans sa globalité ?
Il y a des crèches qui petit à petit changent leur environnement et leur manière d’être avec les enfants. Certaines y arrivent, c’est plutôt encourageant. Je suis plus inquiète des gros groupes qui ont beaucoup de crèches et sont moins enclins au changement. 

Les établissements Montessori gardent une image assez élitiste…
Pour moi, les crèches sont un excellent moyen de rendre Montessori accessible à tous : autant les écoles Montessori sont chères et demandent un certain niveau de vie, à la crèche, tout le monde est sur un pied d’égalité et reçoit une aide de la CAF en fonction de ses revenus !              
 
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 08 juillet 2021
Mis à jour le 01 décembre 2021