Il ne respecte pas les limites, ni les interdits
Sa compréhension évolue. Entre 8 et 12 mois en moyenne, un enfant est en capacité de comprendre des ordres simples, comme « non » ou « ferme la porte », à condition que les mots prononcés soient connus et que l’expression du visage soit cohérente avec le contenu de la phrase. Plus tard, aux alentours des 27 mois, il devient capable de comprendre les ordres doubles, comme par exemple « va dans la salle de bain et apporte moi la couche ». Notons que la compréhension précède la production, c’est-à-dire que l’enfant va saisir le sens des mots avant de pouvoir lui-même les prononcer.
Il ressent vos émotions avant de comprendre vos mots. L’intelligence du jeune enfant est émotionnelle avant d’être verbale. Ainsi, tout ce qui relève du non verbal - tels que votre regard, le ton de votre voix, votre posture ou encore l’expression de votre visage - va primer sur le contenu de vos phrases. C’est sur ces signaux que l’enfant va spontanément se baser pour décrypter ce que vous attendez de lui. Or, il arrive que les professionnels qui n’apprécient guère de formuler des directives de manière ferme tendent à « déguiser » les interdits par des phrases trop sophistiquées, qui ambitionnent de surcroît de raisonner l’enfant : « Je ne suis pas d’accord avec le fait que tu mordes Mathéo, je te l’ai déjà dit », « Tu vois bien que tu empêches Chloé de passer ! Elle aussi aimerait profiter du toboggan » ou encore « Tu n’as pas le droit de monter sur cette étagère, je n’arrête pas de te le répéter, tu risques de te faire mal si tu tombes ». Bien souvent, le professionnel conserve une expression faciale neutre, compatissante voire, dans certains cas, souriante lorsqu’il adresse ce type de requêtes. Résultat : l’enfant, qui se base avant tout sur l’émotion de l’adulte, risque de ne pas du tout saisir le contenu du message qui lui a été adressé !
Il est dans le concret. Entre 12 et 24 mois en moyenne, lorsque l’adulte lui adresse une consigne, à savoir – de son point de vue – une suite de mots pas toujours intelligibles, l’enfant va avant tout comprendre les noms d’objets (ex : fauteuil, poupée, couche) ainsi que les verbes d’action (ex : monter, courir, crier). Bref, tout ce qui relève de son environnement concret, physique et connu. Le jeune enfant n’est pas en capacité de comprendre les termes abstraits ou conceptuels du style « tu vas réfléchir à ce que tu viens de faire », « je t’ai dit d’attendre ton tour » ou encore « écoute-moi quand je te parle ! » (distinguer ici le verbe « écouter » du verbe « obéir »).
Il vit dans l’agir et le moment présent. Par définition, une règle est un concept complexe, une généralisation. Par exemple « il est interdit de mordre les autres enfants ». Or, le jeune enfant n’est pas en mesure de généraliser une consigne à plusieurs contextes de vie, ni de saisir d’ailleurs la notion abstraite de bien et de mal. L’interdiction que vous lui avez formulée à 10h34 alors qu’il serrait les dents sur le bras de Nola n’est, à ses yeux, plus nécessairement d’actualité à 15h25. Rappelons au passage que le jeune enfant, même s’il est capable de vous répéter mot à mot une règle que vous avez l’habitude de lui adresser, n’est de toute manière pas en capacité d’inhiber ses impulsions. Il ne s’agit donc pas de mauvaise volonté !
Les interdictions varient selon le professionnel, l’enfant et le moment de la journée. Chaque professionnel a ses limites et son propre seuil de tolérance vis-à-vis de tel ou tel comportement. Par exemple : certains d’entre vous vont accepter que l’enfant remonte le toboggan à l’envers ou qu’il grimpe sur la structure motrice avec un jouet, d’autres non. Il arrive que des professionnels se révèlent malgré eux plus stricts avec les enfants stigmatisés « perturbateurs » ou « pas obéissants » qu’avec les autres. Enfin, un même professionnel est susceptible d’être plus ferme et moins tolérant le matin, quand il sera encore en pleine forme, et plus laxiste et permissif en fin de journée, quand il sera fatigué et épuisé d’avoir répété des dizaines de fois la même consigne ! Autant de variations qui brouillent la bonne compréhension des messages.
Comment formuler les interdits pour mieux se faire comprendre ?
Adressez-vous individuellement à l’enfant. Placez votre visage à la hauteur du sien, à une trentaine de centimètres lorsque vous souhaitez lui transmettre votre message. Evitez de lui « crier » une instruction à travers le lieu de vie, alors qu’il est en pleine action, « indisponible » psychiquement.
Soyez ferme mais non agressif. Veillez à adopter une expression du visage qui soit en harmonie avec le contenu de votre interdit, c’est-à-dire le visage fermé, les sourcils froncés, l’air insatisfait. Pour autant, ne tombez pas dans l’agressivité sans quoi vous induirez chez l’enfant une montée de stress qui s’avèrera contre-productive.
Adressez des instructions positives plutôt que négatives. Sur le plan linguistique, la négation est difficile à traiter car elle implique une gymnastique intellectuelle plus complexe qu’une affirmation. L’enfant doit se représenter mentalement le contenu de votre instruction (« morsure – bras – Nola ») puis « l’annuler ». Ce qui est d’autant plus complexe qu’il est dans l’agir et l’impulsivité ! Au lieu de lui dire « ne monte pas sur le fauteuil », dites-lui simplement « descends ». Privilégiez des consignes simples comme « Arrête », « Non », « Stop ».
Privilégiez le « Stop » plutôt que le « Non ». Tous deux n’induisent pas la même attitude chez l’adulte et chez l’enfant. Le « stop » vient stopper un comportement inadapté tandis que le « non » tend à cultiver une dynamique pus agressive et à instaurer un rapport de force.
Formulez une consigne à la fois. Le jeune enfant n’est pas en mesure de stocker dans sa tête plusieurs informations simultanément, de les prioriser et de planifier ses actions en conséquence. Prenez le temps de décomposer vos consignes, étape par étape.
Intervenez physiquement, mais avec douceur. Nous avons vu que l’enfant était davantage dans l’agir, le concret et le physique que dans le mental. Il peut être complexe, compte tenu de son développement, de faire le lien entre les mots et les gestes. Ainsi, s’il ne parvient pas à exécuter votre consigne, comme par exemple « descends du fauteuil », accompagnez-le physiquement jusqu’au sol. De même, si vous souhaitez qu’il caresse le bras de Nola au lieu d’y mettre ses dents, caressez vous-même son bras (avec son accord bien entendu !), sans doute vous imitera-t-il.
Limitez les tentations ! Ce n’est pas à l’enfant de s’adapter à l’environnement des adultes mais à l’adulte de proposer un environnement sécurisé et adapté aux besoins des enfants. D’autant plus que les jeunes enfants ont besoin d’expérimenter physiquement leur environnement pour bien se développer et qu’ils ne sont pas en mesure d’inhiber leurs impulsions. Dès lors, par exemple, pourquoi laisser à leur portée des étagères sur lesquelles ils peuvent grimper alors qu’ils ne sont pas en droit de le faire ? Réadapter leur environnement de vie permettra de limiter les tentations et les frustrations inutiles, de leur côté comme du vôtre.
Fixez les limites et les interdits en équipe. Une stabilité minimum des interdits, tant sur le fond que sur la manière de les formuler, est nécessaire pour que l’enfant puisse, au fur et à mesure de son développement, les intégrer. Régulièrement, réinterrogez l’intérêt de chacune des règles que vous avez fixées en équipe : ces interdits répondent-ils au besoin fondamental de sécurité des enfants ? Ou au besoin de confort ou de sérénité des adultes ? L’ensemble des professionnels formulent-ils cette consigne de la même manière, sur le même ton ? La manière dont cette consigne est formulée par l’équipe est-elle réellement compréhensible pour l’enfant ? Le cas échéant, comment pourriez-vous la formuler autrement ?
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