De 6 à 15 mois : la socialisation en mouvement
Assouvir ses plaisirs
Après plusieurs mois d'immobilité, le bébé se déplace dans la pièce avec les moyens du moment. Il glisse, rampe, recule... Il est capable d’attraper directement ce qu'il voit pour le mettre à la bouche. A moins d'un an, c'est la source de tous les plaisirs pour un bébé. Il n'est plus dans l'attente qu'un adulte lui donne un jouet. Il part à la recherche de toutes les stimulations pour sa zone buccale. Comme tout être humain, le jeune enfant s'économise en temps et en énergie pour assouvir ses plaisirs. Il ira au plus simple. Il suit son regard qui le porte jusqu'au jouet, loin, au fond de la pièce. Si par mégarde, un nourrisson a été placé entre lui et le jouet, il passera dessus puisque son regard a suivi ce chemin pour aller au jouet. Ses yeux orientent son trajet. Si le camarade au sol manifeste du mécontentement lors du passage sur son corps, il ne faut pas penser que les cris stopperont le jeune enfant vu que toute son attention est dirigée vers le jouet et donc, sa future source de plaisir orale. Selon Piaget, le jeune enfant est, entre 0 et 3 ans, dans « une période égocentré ». Il ne prend en compte que son point de vue. Freud parlera, pour la même tranche d'âge, « d'un principe de plaisir ». Le bébé veut tout et tout de suite. Il cherche à satisfaire ses plaisirs en limitant ses frustrations.
Apprendre l'attente
Les adultes, en charge des jeunes enfants, les amèneront à gérer leurs désirs si pressants. Par la répétition d'actions et de paroles, l'enfant apprendra progressivement le second principe que Freud a décrit comme « le principe de réalité ». Ce principe explique que l'enfant apprendra à différer ses sources de plaisir. Tous les professionnels ont déjà dit : « quand, il aura terminé, ce sera ton tour et tu pourras jouer! ». C'est par la répétition de phrases identiques que l'enfant supporte l'attente car il aura un moment le jouet tant convoité. Les repas sont des temps particulièrement adaptés pour faire des petits jeux de « chacun son tour ». Plus les enfants sont jeunes, moins ils sont nombreux autour de la table donc le temps d'attente est faible. Il est important de faire dans le même sens, par exemple, celui des aiguilles d'une montre. L'adulte peut faire ce jeu en servant l'eau ou en donnant les assiettes. L'enfant verra alors son tour arrivé avec plaisir. En théâtralisant le nom des enfants, vous rajoutez du plaisir à l'attente. De la même façon, le fameux « un, deux et trois... partez ! » a pour but de gérer l’excitation et de retenir son envie de partir. La gestion des désirs et frustrations passe souvent par la médiation des accueillants mais des activités sont possibles sans. Les ateliers avec des tunnels ou un toboggan ont le même effet. En petit groupe, l'utilisation de ce matériel implique que l'enfant ne peut avoir son tour qu'en laissant passer son camarade. Il fait donc l'expérimentation seul, du chacun son tour. Toutes ces explications aideront à diminuer progressivement le nombre d'interactions négatives pour des problèmes de gestion de la frustration.
Les interventions des pros et leurs conséquences
Si vous prenez le temps d'observer une section de bébé, vous serez surpris de voir une action se répéter régulièrement. Lorsque deux jeunes enfants rentrent en relation et, si l'un des deux n'est pas d'accord, un adulte déplacera un des deux enfant à l'autre bout de la pièce. Souvent, vous entendrez dire à l'un des bambins de ne pas toucher le corps de l'autre ou de le laisser tranquille. Si nous reprenons les principaux modes d'apprentissage des moins de trois ans : l'observation, l'imitation, l'expérimentation, la répétition et la transmission par autrui. Que pensez vous que nous avons transmis à ces bébés ? Que veut dire laisser tranquille pour un bébé ?
Dans une situation identique, vous essaierez d'observer ce que feront les jeunes enfants. Compter dans votre tête 10 secondes. Si les deux enfants n'ont pas trouvé de solutions, alors vous leur direz leurs noms en demandant s'ils ont besoin d'aide. Vous me direz : « mais un bébé ne répond pas ! ». Je vous dirais : « Si ! ». Il répond par tout son corps. Si vous estimez la réponse positive, vous irez vers eux pour leur proposer des solutions en parlant. Vous indiquerez un autre chemin pour éviter le corps du camarade. Vous signalerez qu'un autre jouet est disponible, par exemple. Si, toutes ces étapes ont échoué, alors vous séparerez physiquement les enfants. Vous aurez une parole pour les deux enfants. Une pour celui qui a subi, « la victime », et une pour celui qui est l'initiateur de l'action. Vous verbaliserez les deux ressentis des enfants et vous donnerez des exemples de manières de faire ou de phrases qui auraient aidé dans cette situation. Dans cette méthode, vous utilisez tous les processus d'apprentissages des jeunes enfants. Lors des interactions, vous expliquez mais vous apportez des nouvelles sources pour gérer les conflits entre eux. Si nous ne transmettons pas les bonnes façons d'entrer en relation entre les camarades d'une unité de vie, comment les enfants les apprendront-ils?
Il y a une gymnastique cérébrale à faire après chaque acte du quotidien. Posez vous cette question : « Qu'est -ce que j'ai transmis aux enfants ? »
Si nous reprenons la situation du début, qu'avons nous transmis pour aider à la socialisation ?
Nous avons transmis que lors, d'une interaction, les adultes se chargent du problème mais ils ne proposent pas d'autres alternatives. De plus, les deux bébés n'auront pas eu le temps d'expérimenter par eux-mêmes une solution. En bref, nous faisons à leur place. Nous les leurrons. Ils n'auront d'autres choix que de répéter la même action. Les autres enfants imiteront la situation avec les mêmes résultats. Si nous faisons un parallèle qui parlera à tous les professionnels de la petite enfance, vous venez de « faire le youpala ou le trotteur ! ». En déplaçant un enfant, vous ne lui laisser pas le temps de faire, d'expérimenter. Par conséquent, vous repoussez le temps où la transmission des règles de vie/socialisation sera abordée. Vous ne lui laissez pas d'autres possibilités de faire autrement avec vos conseils ou non. Est-ce que la socialisation ne demande pas autant de réflexion que le développement de la motricité dite « libre » ?
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