Les Épicènes : un programme pour favoriser l'égalité filles-garçons à la crèche
Un projet très soutenu
Initié en 2021, expérimenté depuis 2022, les Épicènes est un projet résolument dans l'air du temps, qui a rapidement été très fédérateur. « Il y a eu cette impulsion stratégique en interne, mais le projet était aussi concomitant avec la diffusion des 1000 premiers jours et la charte nationale de qualité de l'accueil qui mettent en avant l'égalité dès le plus jeune âge comme un vrai enjeu de société. Il y a eu, à ce titre, une vraie prise de conscience depuis quelques années », explique Béatrice Balvay, directrice du développement chez SOS / Crescendo.
C'est d'ailleurs pour ces mêmes raisons que le groupe a pu lancer un projet très ambitieux. Avec une thématique portée par les institutions, les partenaires financiers ont répondu présents. Le projet est ainsi financé à la fois par la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté à hauteur de 180 000 euros versés pour 2 ans par les préfectures de région, mais aussi par la DGCS (5000 euros) et les CAF de Paris et de Saint-Denis (à hauteur respectivement de 73 600 euros et 18 000 euros). Autant dire un joli budget qui permettra d'assurer la pérennité du projet et de « faire des jolies choses », comme le souligne Béatrice Balvay.
Des partenaires experts
Plus concrètement, le programme Les Epicènes se décline en deux axes, le premier tourné vers les professionnels et essentiellement centré sur la formation ; le second en direction des parents et plus globalement de toutes les parties prenantes avec le développement d'outils pédagogiques (vidéo, Podcast, livret encarté dans un magazine jeunesse), mais aussi d'ateliers ou de cafés de parents.
Pour la formation, le groupe s'est adossé à des partenaires ayant une expertise reconnue en matière d'égalité. Artemisia (et son projet Egalicrèche qu'on ne présente plus), Adéquations ou encore Le Furet. « Notre objectif n'était pas de réinventer ce que d'autres avaient déjà très bien faits avant nous, mais de nous appuyer sur leurs connaissances et de les inviter à participer à la conception du projet » continue-t-elle. Pour l'heure, ces partenaires associatifs ont déjà contribué à former les quelque 150 professionnels salariés des 10 crèches pilotes choisies pour expérimenter le projet depuis plusieurs mois. À terme, ce sont 850 professionnels du groupe qui devraient en bénéficier.
Une véritable prise de conscience
Stéphanie Verdier, directrice de l'EAJE Vincent Auriol dans le 13e arrondissement de Paris, fait partie des premiers bénéficiaires de cette formation. Dans sa structure qui accueille 48 enfants, les 16 professionnels ont tout de suite adhéré au projet. Et la partie formation a, à de nombreux égards, été très révélatrice. « Après une première journée de formation plutôt théorique, la seconde a été l'occasion de faire des observations très pratiques sur l'aménagement de la crèche et l'occupation de l'espace par les filles ou les garçons, sur les livres qu'on lit aux enfants et la prédominance des personnages masculins. Les jeux de rôles auxquels les professionnels ont participé, notamment autour de l'accueil des parents, ont aussi permis de commencer à 'semer des graines' », explique-t-elle avant de préciser : « Chaque professionnel vient avec son éducation et sa culture, donc chacun réagit de manière différente, mais cet type de formation est l'occasion d'une vraie prise de conscience. On a tendance à croire qu'on ne perpétue pas les stéréotypes, mais c'est tellement enraciné en nous qu'il est difficile de s'en rendre compte tant qu'on n'est pas confronté à nos réflexes », continue Stéphanie Verdier.
Et à la crèche Vincent Auriol, la formation a tout de suite été suivie d'effets. « Les professionnels ont tout de suite fait le point sur leurs pratiques de tous les jours. Au début, cela passe par des petites choses comme 'j'ai tendance à toujours complimenter les filles sur leur tenue, il faut que je fasse attention' ou 'je donne souvent des surnoms genrés aux enfants, il faut que je m'adapte'. » Autant de petits gestes qui, mis bout à bout, finissent par faire une vraie différence... et sont très bien accueillis par les parents !
L'épanouissement des enfants passe par l'égalité
En effet, dans cette structure, pas de militantisme trop affirmé auquel certaines familles pourraient ne pas adhérer, mais plutôt une certaine forme de pragmatisme. « Notre priorité, c'est avant tout de permettre l'épanouissement de tous les enfants et les pratiques égalitaires contribuent à cela, » continue la directrice de la structure, en rappelant que finalement toutes les pratiques et activités peuvent se prêter à cette approche. Un exemple ? « Récemment, nous avons organisé un atelier avec l'association Débrouille Compagnie autour de la construction de jeux à partir de matériaux de récupération. C'était un moyen différent d'aborder l'égalité filles-garçons, en montrant que le jeu peut transcender la question du genre, » souligne-t-elle.
Un projet qui voyage
Quelles prochaines étapes pour les Epicènes ? Les perspectives sont ambitieuses. Après la phase d'expérimentation, le programme sera proposé à 23 structures Crescendo en 2023, puis généralisé à toutes les crèches du groupe (57 établissements). Et ce n'est là qu'un début : « Nous ne voulons pas faire des Epicènes, un projet propriétaire. Notre objectif est qu'à terme, il soit diffusable à d'autres réseaux de crèches et d'autres gestionnaires pour favoriser une généralisation des bonnes pratiques », rappelle Béatrice Balvay. Et pour être toujours à la pointe des pratiques égalitaires, le programme va donner lieu à une mobilité européenne. « Le projet Les Épicènes bénéficie désormais d'une accréditation Erasmus pour que les professionnels formés puissent aller découvrir, dans d'autres pays de l'Union Européenne, ce qui se fait en matière de lutte contre les stéréotypes de genre et d'accueil égalitaire », s'enthousiasme Béatrice Balvay. Première destination : Berlin !
Des professionnels motivés, mais épuisés par la crise
Autre perspective très attendue : la première mesure d'impact du programme qui aura lieu en fin d'année. Pour le groupe, qui voir son initiative s'installer à long terme, c'est même une priorité : « Nous sommes vraiment dans un soucis constant d'amélioration et de partage des pratiques. Pour diffuser Les Epicènes, il faut aussi que nous puissions évaluer notre action et l'adapter aux besoins », précise-t-elle. Une mesure d'impact qui sera notamment l'occasion de prendre la température du terrain, qui s'annonce peut-être moins "chaude" qu'escompté. Et pour cause : si l'enthousiasme est toujours de mise du côté des professionnels, la conjoncture met aussi leur détermination à l'épreuve, comme le rappelle Stéphanie Verdier. « Nous voudrions passer à la vitesse supérieure, mais dans le contexte actuel, nous souffrons beaucoup. Nous allons évidemment organiser d'autres ateliers, mais pour ce type de projet, il faut avoir des bras, du personnel, et actuellement cela nous manque », s'attriste-t-elle.
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