Des assistantes maternelles à la crèche
Une demi-journée tous les 15 jours
Concrètement, deux années de suite donc, le multi-accueil de L’Isle-saint Denis a ouvert ses portes à une assistante maternelle et « ses » enfants pour une matinée, tous les quinze jours. C’était le lundi matin. Le choix de l’heureuse élue s’est fait entre la direction de la crèche et la direction du RAM. A l’ouverture de la structure, la responsable était allée expliquer aux assistantes maternelles du RAM en quoi consistait le travail en crèche, tout en présentant le projet en cours. La première année l’assistante maternelle choisie était une personne très expérimentée en fin de carrière. La deuxième année au contraire ce fut une assistante maternelle moins « ancienne » mais très motivée, qui avait déjà commencé une VAE pour passer son CAP petite Enfance mais avait dû l’abandonner en cours de route.
Ces lundis matin passés à la crèche avec ses deux petits de 18 mois, Bahija Allaoui en garde un souvenir intense. « Moi j’ai été auxiliaire parentale pendant 11 ans et je suis assistante maternelle depuis 2 ans. J’ai postulé pour ce projet avec la crèche pour découvrir un autre monde. Au cours de ma formation (certificat qualifiant professionnel petite enfance) j’avais fait un stage dans une crèche parisienne de six semaines et cela m’avait beaucoup plu. Ce projet était l’occasion d’y retourner ! J’ai rencontré d’autres professionnels, d’autres enfants et je me suis très bien entendue avec la directrice Béatrice. J’ai appris énormément de choses durant cette année. J’aurais aimé que mes visites soient plus fréquentes ! »
Un projet mûri, une équipe bien préparée
Evidemment un tel projet se prépare avec l’équipe. Béatrice L’ollivier, directrice de l’établissement durant ces deux premières années d’expérimentation explique :« l’équipe a bien accueilli le projet car Il faisait partie de la structure dès l’ouverture. Nous avons eu une journée pédagogique où la directrice du RAM est venue expliquer ce qu’était le travail d’une assistante maternelle. C’était aussi une façon de montrer que l’on était une crèche dans un quartier, une façon de participer à cette vie de quartier. La première année a été une sorte de test et l’assistante maternelle ne venait qu’une fois par mois. C’était trop peu. La deuxième année a été très riche. Nous avons accueilli Bahija, quelqu’un de très motivée. Avec Bahija, j’ai vraiment eu une relation très forte, elle me posait beaucoup de questions. L’équipe était ouverte et a très bien accepté de partager des ateliers avec elle et les enfants dont elle avait la charge. Souvent elle repartait avec du matériel que la crèche lui prêtait pour poursuivre avec les enfants à son domicile. »
Une formation sur le terrain
Même si le projet « assmat à la crèche » n’a pas du point de vue de Constance Galicier donné encore toute sa mesure, notamment sur le volet professionnalisation-formation, Bahija, elle, considère l’expérience comme une super formation de terrain. « Béatrice, la directrice m’a énormément apporté. Elle m’a appris comment réagir face à des enfants qui pleuraient ou se disputaient par exemple. Mais j’ai surtout découvert beaucoup de choses sur le jeu et les jeux. Je sais grâce à la crèche, comment on joue avec des enfants. J’ai fait ma première peinture avec les enfants que je gardais, à la crèche. Avant je n’aurais jamais pensé leur proposer cette activité. A un an et demi, je pensais qu’ils étaient trop jeunes »
Aujourd’hui Bahija passe souvent devant la crèche mais n’ose pas y rentrer. « Je sais qu’avec 22 enfants, elles ont du travail. Je dérangerais s’excuse-t-elle. Et de redire combien elle a trouvé cette équipe « formidable » et combien l’expérience a été bénéfique pour les deux enfants sont elle s’occupait : « même la plus timide, a été à l’aise tout de suite ! ». Bahija sait que ce qu’elle a appris lui restera, même si elle n’est pas certaine de reprendre sa VAE abandonnée à mi-chemin. « Il y a des choses que je fais encore chez moi. J’ai appris à la crèche à fabriquer un jeu avec un bocal dont on perce le couvercle. Les enfants doivent renter des pailles par les trous. C’est bon pour la motricité fine. Chez moi il y a des pailles partout ! Même la PMI était étonnée, elle ne connaissait pas le jeu » s’amuse-t-elle.
Une formule à améliorer et à développer
Le projet reste modeste mais ne demande qu’à grandir. Pour Béatrice L’ollivier « on peut sûrement améliorer les choses. Par exemple, avec le système de roulements dans l’équipe, on s’est aperçu que Bajija voyait tout le temps les mêmes personnes. Du côté de la crèche, l’équipe était contente mais a eu le sentiment d’apporter plus qu’elle n’a appris. Elle a partagé son savoir-faire. A moi de lui montrer ce que cela lui a apporté. et qu’elle n’a pas perçu : tout le travail sur l’accueil, l’espace. L’équipe n’a pas réalisé tous les bénéfices qu’elle a retirés de la venue de Bahija. » Pour Constance Galicier, ce projet innovant est un succès et mérite d’être dupliqué. Mais pas à l’identique. Il faut l’adapter en fonction des réalités locales. La Maison Kangourou voudrait bien l’importer dans une crèche du 18ème arrondissement de Paris. Mais la structure est plus importante, et les assistantes maternelles très nombreuses dans l’arrondissement. « Donc, c’est plus compliqué » confirme la responsable du développement. Succès donc, côté équipes, côté parents associés et évidement d’accord pour que l’assistante maternelle de leurs enfant participe au projet, côté enfants qui découvrent la vie en collectivité… Reste à peaufiner la belle idée de départ, celle de participer activement à la professionnalisation des assistantes maternelles. « Notre souhait quand nous aurons abouti, c’est qu’après cette immersion dans une crèche, les assistantes maternelles aient envie , grâce à la VAE notamment, de poursuivre leur professionnalisation par une formation diplômante via un CAP petite enfance ou un diplôme d’auxiliaire de puériculture. Ou d’EJE, pourquoi pas ? »
Décidémment La Maison kangourou semble appliquer le Plan d’action pour la petite enfance, inspiré du rapport Giampino avant l’heure.
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