Modalités de financement des EAJE : ce qui se prépare

C’était l’une des mesures du Plan d’action pour la petite enfance de Laurence Rossignol : créer un groupe de travail autour des modalités de financement des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE).  Aujourd’hui, le groupe de travail effectivement mis en place et co-piloté par la DGCS (Direction Générale de la Cohésion Sociale) et la Cnaf est à mi-chemin.  Deux réunions encore avant l’été et son rapport et ses propositions seront connues. L’idée étant qu’elles puissent servir de point de départ aux discussions de la future Convention d’Objectifs et de Gestion ( COG 2018-2022 ) qui sera signée entre l’Etat et la Cnaf d’ici la fin de l’année.

 
Les réunions du groupe de travail mis en place fin janvier co-piloté par la Cnaf et la DGCS réunissant gestionnaires privés, publics et associatifs et l’Association des Maires de France (AMF)  auraient pu être houleuses tant le contexte sur les modalités de financement  des EAJE était tendu. Au cœur de ce climat quelque peu conflictuel la fameuse Psu ( Prestation de service unique)  dans sa dernière version 2014. Il n’en n’a rien été. Et la qualité des échanges a été relevée par tous. « L’ambiance de travail est bonne et positive. Avec des zones de consensus, de désaccord et de débats » note satisfait Daniel Lenoir le directeur général de la Cnaf. « Ce groupe de travail est à l’écoute constate Céline Fromonteil la présidente d'Accent petite Enfance qui regroupe des crèches associatives. Et il avance bien. Il y a moyen d’échanger entre nous. ». Ce que confirme, avec un peu plus de réserve, Elisabeth Lanthier, présidente du groupe Petite Enfance à l’AMF.  « Le groupe de travail réunit des acteurs qui se connaissent bien reconnait-elle. Nous nous écoutons, nous nous respectons, nous savons que nous sommes dépendants les uns des autres : la Cnaf des gestionnaires et nous de la Cnaf. J’attends de voir ce qui sera retenu de ces discussions et ce que sera la prochaine COG. J’espère que nos propositions seront prises en compte. »

Des aménagements de la Psu souhaités : la tarification horaire en question
Personne dans ce groupe de travail ne remet en cause l’esprit et les objectifs de la Psu. Personne ne revient sur cette belle idée qu’il convient de s’adapter au maximum aux besoins et attentes des familles sans perdre de vue l’intérêt de l’enfant.  Daniel Lenoir est très clair : « nous ne souhaitons pas remettre en cause la Psu sur le fond. Elle a des effets positifs notamment sur le service rendu aux familles . Nous sommes conscients qu’il faut l’améliorer par une approche plus qualitative et harmoniser les pratiques des différentes Caf » .
  En revanche, la plupart des associations et l’AMF, moins optimistes, sont tombées d’accord pour en stigmatiser les effets pervers et pour en souhaiter un assouplissement dans ses modalités.  Assouplissements pas si anodins ou légers que cela …
Elisabeth Lanthier explique : « nous demandons l’abandon de la tarification horaire stricto sensu pour revenir à un système de séquençage par créneaux horaires. Dans l’enquête réalisée auprès de nos adhérents  65% des communes le souhaitaient. Ce que nous demandons donc c’est de la souplesse : que les communes puissent avoir le choix et que sur la base du volontariat elles appliquent une tarification en créneaux horaires ou une tarification horaire. Ce n’est pas une Psu à deux vitesses mais deux styles de Psu ». Pour Accent Petite Enfance, Céline Fomonteil insiste : « ce n’est pas un retour aux forfaits que nous demandons mais nous pensons que la tarification horaire est un carcan. Donc des séquençages horaires nous semblent plus appropriés au fonctionnement que nous souhaitons adopter dans nos crèches. Tout en respectant cette idée de s’adapter aux familles. Par ailleurs dans cette idée aussi il nous semble essentiel de revoir la façon de calculer le taux d’occupation car toutes les heures ne se valent pas. »  
Seule voix discordante, celle de l’ACEEP (Association des Collectifs Enfants, Parents, Professionnels) qui défend quant à elle la tarification horaire, comme étant la solution la plus juste pour les familles : payer exactement les heures de présence effective de leurs enfants dans la structure.
La position de la Fédération Française des Entreprises de Crèches (FFEC) est proche de celle de la Cnaf. Pas de grands bouleversements, des aménagements à la marge.  « En fait précise Elodie Jacquier-Laforge, secrétaire générale de la fédération tous les gestionnaires ont fait les efforts nécessaires pour s’adapter à la Psu, pas question de la remettre en cause. Même si quelques assouplissements peuvent être bienvenus. »

Simplification, clarification, harmonisation
Néanmoins, Daniel Lenoir se félicite : parmi les 70 propositions reçues, certaines font consensus. Comme sur la simplification des aides. « Il faut des dispositifs plus clairs, plus simples, plus automatisés à la fois pour les gestionnaires, les parents et pour les caf.  Nous réfléchissons par exemple à une fusion de la Psu et de la Psej. Cela a été expérimenté dans 17 départements, nous pourrions le généraliser. A charge pour nous, de faire des efforts sur pour régler les gestionnaires, notamment associatifs,  plus rapidement afin qu’ils ne soient pas confrontés à des problèmes de trésorerie. Dans quelques départements, nous avons testé des versements trimestriels. Tout cela est à l’étude. »
Simplification, transparence et harmonisation des pratiques des Caf… Evidemment de la FFEC à l’AMF tout le monde applaudit. Avec une petite réserve. « Nous serons vigilants précisent Elisabeth Lanthier. La fusion PSEJ et Psu c’est très bien, à condition qu’on n’y perde pas . Nous y sommes favorables mais nous serons attentifs ».

D’autres critères de qualité et un assouplissement du taux de facturation
Autre zone de consensus semble-t-il la nécessité de prendre en compte d’autres critères que la fourniture des couches et les repas pour évaluer la qualité du service rendu aux familles par les EAJE. Mais tous les membres du groupe de travail ne placent pas le curseur au même endroit.
Pour Accent Petite Enfance il est essentiel de mettre en avant ce qui n’est pas quantifiable. Céline Fomonteil précise : « toutes nos propositions vont dans le sens d’un mode de financement avec une vision plus sociale. D’où la nécessité d’assouplir les taux de facturation. L’axe social n’est pas assez présent actuellement. Nous pensons que les établissements qui aident à l’insertion des familles en difficultés doivent être plus soutenus. Car ce sont des familles qui ont plus de mal à se tenir à des une régularité de fréquentation et qui ont besoin qu’on leur consacre du temps pour les accompagner dans la parentalité. Or avec le système Psu actuel les efforts réalisés vis à vis de ces familles ne sont pas valorisés. Au contraire, ils sont pénalisants. ». Tout comme ne sont pas « récompensés » les EAJE qui pratiquent des horaires atypiques, accueillent des enfants porteurs de handicap, mettent en place des dispositifs de soutien à la parentalité ou organisent des temps de transmissions qui sont de vrais moments d’échanges et de dialogue. Daniel Lenoir le reconnait : « il faut effectivement que nous puissions prendre en compte dans la tarification, la qualité de l’accueil et les protocoles spécifiques mis en œuvre C’est cohérent avec l’‘esprit de la Psu dont le socle est la valorisation des services rendus aux familles et des projets d’accueil innovants ».
Consensus donc … mais prudente Elisabeth Lanthier insiste sur un impératif : revenir sur le taux de facturation. « Il faut absolument réfléchir à de nouveaux seuils notamment en fonction de la taille des établissements. Car respecter les taux  actuels avec des EAJE de 60 places ou plus, c’est très compliqué. Les taux doivent etre réévalués aussi en fonction des populations accueillies. »

Deux réunions avant les discussions sur la future COG
Les discussions sont sérieuses, les propositions nombreuses diagnostics souvent partagés mais les solutions parfois discordantes… La DGCS et le Cnaf auront à faire un gros travail de synthèse et à procéder à quelques arbitrages aussi pour aboutir au rapport final et aux propositions qui serviront de base aux négociations de la COG 2018-2022. Le prochain groupe de travail prévu fin mai sera destiné à détailler les propositions retenues. Et à trancher sur certains points encore en comme celui de la prise en compte des temps de transmissions aux familles. Ou comme le plafonnement des congés posés par les parents  souhaité par la FFEC.
La prochaine COG sera décisive. Selon Elisabeth Lanthier, « il faut qu’en fonction des options retenues les objectifs de création de places en crèches soient réalistes et tiennent compte des difficultés que nous gestionnaires avons remontées. Car actuellement les élus et les gestionnaires sont face à deux logiques : u e logique sociale et une logique comptable ? Il arrive un moment ou mathématiquement on ne peut plus faire coïncider les deux. »
C’est donc cela que tous attendent : une solution qui réconcilie les deux logiques. En quelque sorte, une Psu fortement réaménagée et beaucoup plus souple.

 
Article rédigé par : Catherine lelièvre
Publié le 17 mai 2017
Mis à jour le 12 juin 2023