Crèche coopérative : les salariés au cœur du projet
L’essence même de la crèche coopérative, c’est le partage de la gouvernance. Cela permet de mettre en valeur le travail des professionnels associés en les impliquant dans les grandes orientations et décisions prises pour la structure. Une raison qui avait conduit Valérie Malhouitre, gérante de E2S Scop Petite Enfance, à préférer la SCOP, plus démocratique en termes de gouvernance que le modèle associatif. « L’association a un conseil d’administration, un bureau bénévole mais les salariés ne sont pas associés à la stratégie, au développement », nous avait-elle expliqué lors d’une interview. « La Scop permet de remettre les salariés au cœur du sens du projet car dans chaque Scop tout salarié a vocation à devenir associé », avait-elle précisé. De son côté, Boniface N’Cho, Président de Plaisir d'Enfance, qui suite à un problème de gouvernance est devenu en 2017 une SCOP, a déclaré, lors de la création avec l’association Bulle et Billes du premier groupe français Pikler-Montessori : « (…) notre modèle social et coopératif permet à chaque salarié d'être actionnaire et acteur de notre développement. Chacun trouve son épanouissement et un sens dans son action quotidienne. » Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, « ce système n’est pas une réponse au problème de turn-over que connaissent les EAJE en Ile-de-France, même si ça le diminue un peu », affirme Marie Demode.
Crèche coopérative : les implications pour le salarié associé
Les salariés ne sont en aucun cas obligés de devenir associés. Ceux qui le souhaitent doivent prendre des parts au capital de la crèche. « Le montant n’est pas très important, on leur demande surtout de l’implication. Si cela dépend des structures, la part sociale est souvent d’environ 50 euros. Et, généralement, une seule part sociale suffit pour être associé », explique Marie Demode. Et ajoute : « Lorsque la participation financière demandée est plus conséquente, elle peut être progressive en étant mensualisée par exemple. » Une fois associé, le salarié est impliqué dans les décisions stratégiques, c’est notamment le cas lorsque le gestionnaire compte ouvrir un autre établissement, et sur la répartition des bénéfices. Et, lorsque le professionnel associé quitte la crèche coopérative, le capital investi lui est remboursé.
SCOP : les salariés, associés majoritaires
Dans une crèche SCOP, les salariés détiennent au moins 51% du capital et c’est le principe de gouvernance démocratique qui prévaut. En pratique, une personne = une voix, peu importe le capital possédé dans la crèche. Les salariés qui le souhaitent (ce n’est pas obligatoire) peuvent être associés et ainsi participer aux grandes décisions prises lors des assemblées générales. Quant au gérant de la structure, il est assimilé salarié et peut donc cotiser à l’assurance chômage.
La répartition des bénéfices est décidée en Assemblée Générale avec l’ensemble des salariés associés :
- La part entreprise : 15% des bénéfices au minimum sont réinjectés dans la crèche. On parle ici de « réserves impartageables ». Marie Demode souligne que cela « participe à la stabilité financière de la crèche et que c’est un gage de pérennité des structures. »
- La part travail : au moins 25% des bénéfices sont partagés entre tous les salariés, qu’ils soient associés ou non.
- La rémunération des parts sociales : maximum 33% des bénéfices reviennent aux salariés associés.
SCIC : 3 parties prenantes associées
La SCIC diffère notamment de la SCOP par le fait que ce ne sont pas seulement les salariés qui sont associés. « La SCIC est un projet qui répond à un intérêt collectif pour divers parties prenantes », explique Marie Demode. Et détaille: « parmi les associés, on a au moins un salarié, les bénéficiaires (les parents principalement) et une autre catégorie obligatoire et libre de choix (collectivité, entreprise, association, fournisseur…) ». Le principe de gouvernance reste démocratique et identique à la SCOP : une personne = une voix. Si ce n’est toutefois une petite subtilité. « Les bénéficiaires sont souvent plus nombreux que les salariés. Pour une question d’équilibre, on peut pondérer les voix par des collèges de vote. Par exemple, si dans une micro-crèche, nous avons 4 salariés et 25 familles, il est possible d’inscrire dans les statuts que les parents auront 25% des droits de vote et les professionnels 25% également », indique Marie Demode. Les grandes décisions sont prises en assemblée générale, au moins une fois par an. La SCIC se distingue aussi de la SCOP sur la question des bénéfices. Au minimum 57,5 % des excédents sont réinvestis dans la SCIC mais, précise Marie Demode, « la plupart des SCIC sont non lucratives et réinjectent ainsi 100% des bénéfices dans leur structure ». La SCIC, le modèle coopératif choisi par Agapi. « Non seulement nos bénéfices sont reversés dans les projets de la structure (nous n’avons pas d’actionnaires à servir), mais en plus les salariés comme les parents peuvent devenir coopérateurs. Au même titre que les trois gérants. Nous avons établi la part à 50 euros, ce qui permet à tous ceux qui le souhaitent de devenir coopérateurs (…) », nous avait confié lors d’un entretien Elise Mareuil, co-fondatrice et responsable pédagogique des crèches Agapi. C’est plus rare, mais cela peut arriver que les associés et les salariés se partagent une partie des bénéfices.
Comment créer une crèche coopérative
Une personne seule ne peut pas monter une crèche coopérative. Elle peut créer une structure classique et ensuite, avec les salariés de la crèche, décider de la transformer en société coopérative. « Pour mettre en place une SCOP, il faut au minimum deux personnes équivalent temps plein, et pour une SCIC, au moins trois personnes représentant chacune une des trois catégories d’associés », explique Marie Demode. Et pour ce faire mieux vaut être accompagné. « La COOP Petite Enfance apporte ainsi une aide au montage du projet et participe aussi à son suivi. Les Unions régionales des SCOP (URSCOP) proposent quant à elles un accompagnement à la rédaction des statuts et à la recherche de partenaires financiers », complète-t-elle.
Crèches coopératives : en plein développement
Toutes les crèches coopératives ne sont pas membres de COOP Petite Enfance. Selon les derniers chiffres connus, cette dernière regroupait, début 2020, 14 gestionnaires en SCOP et en SCIC, et un total de 37 crèches présentes dans 6 régions. La Confédération générale des Scop quant à elle comptait, fin 2020, 29 coopératives en France (13 Scop et 16 Scic) sous le code naf 88.91A – Accueil de jeunes enfants. Si elles sont encore peu nombreuses (la première s’est créée en 2008), Marie Demode note qu’elles sont toutefois en plein essor. Et la crise sanitaire et sociale ne serait pas étrangère à cela selon elle. Elle a vu en effet augmenter depuis quelque temps les projets de SCOP ou SCIC chez des personnes intéressées par le volet coopératif qui souhaitent monter leur propre structure et défendre ainsi leurs valeurs en impliquant les salariés.
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